Communiqué de presse

France. La réunion interministérielle doit s’engager fermement à mettre fin aux expulsions forcées de Roms

Index AI : EUR 21/010/2012

21 août 2012

Mercredi 22 août 2012, le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault a prévu de tenir une réunion interministérielle sur la situation des Roms en France. Cette réunion, à laquelle doivent participer les ministres concernés, est la première de ce genre depuis la mise en place d’un nouveau gouvernement en mai 2012. Elle fait suite à de récentes prises de position émanant de certains ministres (notamment Manuel Valls, qui détient le portefeuille de l’Intérieur, et Cécile Duflot, chargée du logement) et des maires de certaines villes, sur la question des expulsions de Roms vivant dans des campements illicites ; les médias ont fait état de multiples démantèlements de campements roms dans diverses régions de France.

Le 17 août, Amnesty International a écrit au Premier ministre pour demander au gouvernement français de veiller à ce que les droits humains soient au cœur de tout débat sur la situation des Roms en France. Le gouvernement doit s’engager fermement et de façon publique à ce que toutes les expulsions respectent les obligations qui incombent à la France en vertu du droit international relatif aux droits humains. Nul ne doit se retrouver sans domicile ni exposé à d’autres atteintes aux droits humains à la suite d’une expulsion. De surcroît, Amnesty International invite le nouveau gouvernement à veiller à ce que la politique qu’il adoptera, quelle qu’elle soit, vise à mettre fin aux expulsions forcées de Roms vivant en France dans des campements illicites.

En février et juin 2012, des représentants d’Amnesty International ont mené des recherches approfondies sur le logement des Roms en France, en se concentrant particulièrement sur la région Île-de-France. Les représentants d’Amnesty International ont visité des campements illicites, des squats, des villages d’insertion ainsi que d’autres dispositifs mis en place ponctuellement par les autorités locales, et se sont entretenus avec plusieurs habitants de ces campements. La plupart des personnes rencontrées par Amnesty International ont raconté qu’elles avaient subi des expulsions forcées à plusieurs reprises au cours de ces dernières années et ont précisé qu’après chaque expulsion, leurs conditions de vie étaient devenues encore plus précaires qu’auparavant.

Par exemple, une Rom de 32 ans, mère de trois enfants, originaire de Roumanie, vivant dans un campement à Saint-Denis (département de la Seine-Saint-Denis, au nord-est de Paris), a expliqué à Amnesty International que depuis son arrivée en France à l’âge de neuf ans, avec sa famille, elle n’avait cessé de vivre dans des baraques et de subir des expulsions. En moyenne, a-t-elle précisé, sa famille passait de cinq à sept mois dans chaque lieu. « Nous sommes chassés de partout, nous n’avons pas de maison, ce ne sont pas des conditions de vie », a-t-elle poursuivi.

Une autre Rom venue de Roumanie, âgée de 31 ans et mère de deux enfants, habitant un squat à Sucy-en-Brie, a raconté avoir vécu sous la tente pendant des mois à la suite des précédentes expulsions : « C’était très dur, nous n’avions nulle part où dormir. Nous étions à quatre sur un seul matelas, le vent soufflait, il pleuvait, et personne n’avait rien à manger, se remémorait-elle. Tout le monde nous chasse. »

Amnesty International, qui a recensé au cours de ses recherches plusieurs sujets de préoccupation, s’inquiète tout particulièrement de ce que le système juridique français ne comporte pas de protections contre les expulsions forcées. Par exemple, la législation française ne prévoit pas d’obligation de consulter les habitants avant de procéder à une expulsion, et aucune disposition n’interdit les expulsions à la suite desquelles les personnes évacuées se retrouvent sans abri ou exposées à d’autres atteintes aux droits humains. Toute mesure politique décidée par le gouvernement doit comporter une réforme des lois applicables aux expulsions, de manière à les mettre en accord avec les normes internationales sur les expulsions.

En mars 2012, le futur président François Hollande a répondu par écrit au collectif Romeurope, qui regroupe de nombreuses associations. Celui qui était alors candidat à l’élection présidentielle déclarait : « Je souhaite que, lorsqu’un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. Cela les conduit à s’installer ailleurs, dans des conditions qui ne sont pas meilleures. »

Dans un article publié le 13 août par le quotidien Libération, Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, soulignait, à propos des expulsions de Roms, que la politique publique devait être caractérisée par la « fermeté ». Évoquant « la multiplication et l’enracinement de campements insalubres, dangereux tant pour leurs occupants que pour le voisinage », le ministre affirmait que la politique publique ne devait pas être passive et que la fermeté était nécessaire pour résoudre la situation. Comme l’affirme Amnesty International, « cette “fermeté” ne doit jamais être exercée au mépris des droits humains et des solutions de relogement adaptées doivent systématiquement être proposées aux personnes menacées d’expulsion ».

Le 16 août, Cécile Duflot, ministre du Logement, s’est exprimée elle aussi dans les médias. Selon elle, « démanteler ces camps sans solution, c’est mettre les gens dans une précarité encore plus grande [...], et ça ne peut pas être une solution non plus ». « La France doit prendre toute sa part, a-t-elle également affirmé, pour les quelques Roms qui vivent dans notre pays. On les évalue à 15 000 personnes environ sur 66 millions de Français. C’est un problème que nous avons les moyens de prendre en charge. »

La publication en ligne Mediapart a interrogé des policiers qui ont participé à des évacuations de campements de Roms dans l’agglomération lilloise au début d’août. L’article cite notamment un CRS qui déclare « C’est comme d’habitude, on n’a fait que déplacer le problème ». Et un autre : « On nous demande de les évacuer, mais personne n’est prêt à les accueillir sur son département. Le problème n’est donc pas réglé, on n’a fait que mettre de la poudre aux yeux ».

Amnesty International espère que le nouveau gouvernement français, à l’occasion de la réunion interministérielle du 22 août, prendra de façon publique et claire l’engagement de mettre en place une politique sur le logement des Roms construite autour de l’axe des droits humains. Cette politique doit comporter comme mesures prioritaires la fin des expulsions forcées de Roms et leur accès à un logement convenable.

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