« Cette nouvelle loi draconienne ouvrirait la voie à un avenir dystopique que nous ne voulons jamais voir se matérialiser. Elle permettrait à la police d’espionner n’importe qui, presque partout, à l’aide d’un drone. Ce type de surveillance constitue une intrusion totalement démesurée et inacceptable dans la vie des gens », a déclaré Marco Perolini, spécialiste de l’Europe occidentale à Amnesty International.
« Si elle est adoptée, cette loi rendra par ailleurs illégale la diffusion d’images des forces de l’ordre, pour des motifs vagues, par exemple lorsqu’il sera considéré que ces images portent atteinte à l’« intégrité psychologique » des policiers. Il est essentiel que les journalistes et autres membres du public puissent filmer les policiers afin de s’assurer qu’ils soient tenus responsables de leurs actes. »
Amnesty International craint que cette loi ne menace le droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de recevoir et de communiquer des informations.
« Cette nouvelle loi draconienne ouvrirait la voie à un avenir dystopique que nous ne voulons jamais voir se matérialiser »
Par le passé, des enregistrements vidéo attestant un usage excessif de la force par la police ont été essentiels à l’ouverture de poursuites contre des policiers. Par exemple, Michel Zecler, un producteur de musique noir, a été victime d’un usage illégal de la force [1] par des policiers. Ces abus ont été filmés, ce qui a permis l’ouverture de poursuites contre les fonctionnaires concernés.
Il est par ailleurs extrêmement préoccupant que des député·es se soient abstenus d’exclure explicitement le traitement des images par des logiciels de reconnaissance faciale. L’utilisation massive de caméras de surveillance, couplée à la reconnaissance faciale, plongerait la France dans un système de surveillance de masse. Amnesty International demande l’interdiction de l’utilisation des systèmes de reconnaissance faciale, une forme de surveillance de masse qui amplifie le racisme dans le maintien de l’ordre et menace le droit de manifester. Les minorités ethniques sont les plus exposées au risque d’être mal identifiées par les systèmes de reconnaissance faciale.
Complément d’information
Le 24 novembre, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi dite de « sécurité globale » [2] .
Le débat du Sénat sur cette loi commence le 3 mars.
L’article 21 élargit la possibilité pour la police de filmer les membres du public en utilisant davantage de « caméras-piétons ». L’article 22 anticipe l’utilisation de drones dans de nombreux cas, prévoyant de très rares exceptions (l’intérieur des maisons, par exemple), avec la possibilité pour la police d’accéder aux images instantanément. Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, Amnesty International a recueilli des informations sur des cas où la police a injustement infligé des amendes à des manifestant.es en utilisant des images de vidéosurveillance.
L’article 24 du projet de loi prévoit des peines pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et une amende d’un montant de 45 000 euros pour la diffusion de vidéos dans lesquelles des policiers ou des gendarmes sont identifiables, lorsque la diffusion de ces images a pour but de « porter atteinte à l’intégrité physique ou psychologique ». Le 1 er mars, les rapporteurs du Sénat, qui sont chargés de proposer des modifications relatives au texte que l’Assemblée nationale avait adopté en novembre, ont recommandé de reformuler cet article et d’ériger en infraction l’incitation à l’identification des agents de la force publique en vue de menacer leur intégrité physique ou psychologique, que l’image soit diffusée ou non. Cette proposition est tout aussi problématique car elle repose sur des notions vagues qui pourraient être utilisées pour restreindre de manière disproportionnée la liberté d’expression.
En 2019, la Cour européenne de justice a estimé que les exceptions à la protection de la vie privée utilisées par les journalistes sont également valables pour les personnes privées qui diffusent des images de policiers.