Communiqué de presse

Gambie. Pas de compromis sur les droits humains : les organisations intergouvernementales ont un rôle important à jouer pour aider le peuple gambien à obtenir le respect des droits humains

Alors que la Gambie célèbre lundi 22 juillet la « Journée de la liberté », Amnesty International, Campaign for Human Rights in the Gambia (CHRG) et Coalition for Change – The Gambia (CCG) ont exprimé leur vive inquiétude au sujet de la situation déplorable des droits humains dans le pays. Ces organisations ont appelé les autorités gambiennes à mettre un terme à la répression des journalistes et des défenseurs des droits humains, et demandé instamment à la communauté internationale de renforcer ses efforts en vue d’améliorer la situation des droits fondamentaux dans le pays.

Depuis l’arrivée au pouvoir, en 1994, du président Yahya, la Gambie célèbre le 22 juillet la « Journée de la liberté ». La liberté n’existe pourtant pas en Gambie. Bien au contraire. Depuis des années le gouvernement viole les droits du peuple gambien en toute impunité. Toute critique des politiques ou de l’attitude du gouvernement est réprimée par les forces de sécurité, qui usent de méthodes brutales.

En août 2012, les autorités ont exécuté illégalement neuf condamnés à mort. Après avoir dénoncé ces exécutions, l’imam Baba Leigh a passé plus de cinq mois en détention au secret et sans inculpation. Cette réaction des autorités traduit de manière emblématique le mépris quasi total du gouvernement pour les droits fondamentaux du peuple gambien, en particulier la liberté d’expression. Sans aucune explication, le gouvernement a fait fermer en 2012 deux journaux indépendants et une station de radio. Il n’est pas rare que des journalistes soient arrêtés sans inculpation, et un certain nombre de professionnels des médias se sont vu confisquer leur passeport durant de longues périodes, sans aucune raison valable. Ces pratiques les empêchent de se rendre à l’étranger pour travailler ou assister à des formations dans le domaine des droits humains. D’autres journalistes ont reçu des menaces de mort anonymes. Un climat de peur pèse ainsi sur la vie publique.

En juillet, le gouvernement a pris des mesures en vue de limiter la liberté d’expression sur Internet, l’un des derniers espaces publics où pouvaient encore s’exprimer les opinions dissidentes. Approuvée le 3 juillet, la loi de 2013 portant modification de la loi sur l’information et la communication prévoit des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement et de lourdes amendes à l’encontre des internautes qui critiquent les représentants de l’État. Le gouvernement a ainsi une fois encore fait savoir clairement qu’il ne tolèrerait pas la dissidence.

Les autorités gambiennes continuent de ne tenir aucun compte des décisions et recommandations émises par les organes internationaux au sujet de leurs obligations en matière de droits humains.

Ces dernières années, la Gambie a été déférée à deux reprises devant la Cour de justice de la CEDEAO pour y répondre de l’arrestation de journalistes, ainsi que de faits de disparition et d’actes de torture. En 2008, la Cour a ordonné la remise en liberté d’Ebrima Manneh, un journaliste dont on est sans nouvelles depuis son arrestation, en 2006. Elle a estimé que le gouvernement gambien avait violé ses obligations au regard du droit et des normes en matière de droits humains. Le gouvernement n’a cependant pas donné suite au jugement rendu par la Cour. Il n’a toujours pas mené d’enquête appropriée sur cette disparition et a refusé de s’expliquer sur le sort du journaliste. En 2010, par ailleurs, la Cour a jugé que le gouvernement avait maintenu illégalement en détention Musa Saidykhan, en 2006, et avait torturé cet homme. Les autorités gambiennes ont refusé de lui verser les dommages et intérêts que la Cour avait ordonnés.

Lors de sa 44e session ordinaire tenue en novembre 2008 à Abuja (Nigeria), la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a adopté une résolution condamnant les violations des droits humains en Gambie. Le texte appelait le gouvernement à enquêter sur les allégations de torture et d’exécutions extrajudiciaires, à mettre un terme aux actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des journalistes, à se conformer aux décisions de la Cour de justice de la CEDEAO et à garantir le respect des droits humains en Gambie. Le gouvernement n’a pas donné suite à la résolution, et la situation des droits humains n’a fait que s’aggraver.

Les organisations appellent la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest et l’Union européenne à se montrer plus déterminées et à faire pression sur les autorités gambiennes afin qu’elles respectent leurs obligations et leurs engagements en matière de droits humains.

Nous demandons à l’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO d’exercer l’autorité dont elle dispose pour faire appliquer les décisions de la Cour communautaire, et de faire en sorte que la Gambie mène une enquête exhaustive sur les cas d’Ebrima Manneh et de Musa Saidykhan, et qu’elle verse une indemnisation appropriée, ainsi que l’a ordonné la Cour, pour les violations des droits fondamentaux perpétrées contre ces deux hommes.

Nous demandons aussi instamment à l’Union africaine de prendre davantage d’initiatives pour faire en sorte que les résolutions et les recommandations émises par la CADHP soient effectivement mises en œuvre.

Nous demandons enfin à l’Union européenne de veiller à ce que les droits humains restent au centre de son dialogue avec la Gambie, conformément à l’Accord de Cotonou.

Le dialogue politique entre l’Union européenne (UE) et la Gambie ayant repris en juillet 2013, nous nous félicitons de la prise en compte de questions relatives aux droits humains dans ces échanges. Nous prions instamment l’UE de continuer à demander au gouvernement de la Gambie d’améliorer concrètement le bilan du pays en matière de respect des droits fondamentaux.

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