Les autorités gambiennes doivent abandonner les charges de sédition retenues contre trois opposants politiques et les remettre en liberté immédiatement, a déclaré Amnesty International, faisant valoir que selon certaines allégations les trois hommes ont été torturés pour leur extorquer des « aveux » diffusés à la télévision nationale.
« En Gambie, celui ou celle qui critique le gouvernement doit bien souvent payer le prix fort. Contraindre les opposants politiques à " avouer " leurs crimes à la télévision nationale semble être la dernière stratégie impitoyable mise en place par les autorités pour museler toute critique », a estimé Lisa Sherman Nikolaus, chercheuse sur la Gambie à Amnesty International.
Les trois hommes ont été arrêtés après que l’un d’entre eux a tenté de fuir le pays et de demander l’asile à l’étranger au mois de septembre. Ils sont détenus au secret, n’ont pas la possibilité de consulter un avocat ni d’avoir de contact avec leurs proches ; ils auraient été torturés.
Malang Fatty a été interpellé au poste-frontière d’Amdallai par l’Agence nationale de renseignement (NIA) alors qu’il tentait de quitter la Gambie le 19 septembre. Il était en possession d’un document fourni par les deux autres hommes pour étayer sa demande d’asile.
Amadou Sanneh, trésorier national du parti d’opposition Parti démocratique unifié (UDP), a été arrêté le 25 septembre par des agents du NIA.
Il avait rédigé une lettre appuyant la demande d’asile de Malang Fatty, membre de l’UDP. Dans cette lettre, Amadou Sanneh affirmait que Malang Fatty avait reçu des menaces de mort de la part des services de sécurité du gouvernement et que l’UDP était régulièrement persécuté par le gouvernement gambien.
Le NIA a également appréhendé Alhagie Sambou Fatty, le frère de Malang Fatty, qui a demandé à Amadou Sanneh de rédiger cette lettre.
Bakary Baldeh, qui a certifié l’authenticité du document, a également été arrêté et contraint de faire des « aveux » télévisés. Il n’a pas été inculpé, mais est maintenu en détention au secret par le NIA en tant que témoin. Amnesty International demande également sa libération.
« Aucun élément extorqué sous la torture ne doit être retenu à titre de preuve. Les allégations de torture doivent faire l’objet d’enquêtes indépendantes et les responsables présumés de ces agissements doivent être traduits en justice », a indiqué Sherman Nikolaus.
Chaque année, des journalistes, des militants des droits humains et des opposants politiques sont harcelés, arrêtés illégalement, torturés et jugés dans le cadre de procès iniques en Gambie, en vue de les empêcher de critiquer les autorités.
La semaine dernière, le président Yahya Jammeh a fait des déclarations publiques très négatives sur les personnes engagées dans les partis d’opposition.
« Ternir l’image de ce pays est un acte de trahison et toutes les personnes engagées sur cette voie paieront le prix fort. Haïr son pays est impie. Dans toute religion, orchestrer une campagne de diffamation contre son pays au nom d’un pouvoir étranger s’appelle de la TRAHISON », a-t-il martelé.
« Le président Yahya Jammeh et les autorités gambiennes ne doivent plus avoir peur des détracteurs. Au contraire, ils doivent engager ensemble un dialogue constructif, a conclu Sherman Nikolaus.
« Cette affaire illustre le fait qu’ils sont prêts à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour réduire au silence les détracteurs du régime. »