GAMBIE - Les allégations de complot en vue d’un coup d’État ne doivent pas servir d’excuse aux violations des droits fondamentaux des citoyens

Index AI : AFR 27/004/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Au moins 25 militaires et civils, parmi lesquels un avocat, plusieurs hommes politiques et trois journalistes du bi-hebdomadaire The Independent , soupçonnés de tentative de coup d’État, sont toujours détenus de manière illégale en Gambie. Détenus au secret depuis leur arrestation il y a plusieurs semaines, ils n’ont toujours pas été présentés à un juge. Amnesty International craint sérieusement qu’ils ne soient l’objet d’actes de torture ou de mauvais traitements en détention. Plusieurs personnes arrêtées précédemment se seraient enfuies. Cependant, les circonstances de leur évasion ne sont pas claires et Amnesty International s’inquiète de leur sort.

Depuis la première série d’arrestations le 21 mars 2006, cinq détenus se seraient échappés. L’ancien directeur de la National Intelligence Agency (NIA, Agence nationale de renseignements), le général Daba Marena, le lieutenant Ebou Lowe, le sous-lieutenant Alieu Cessay, l’adjudant-chef Alpha Bah et le sergent-chef Malafi Corr étaient détenus par les forces de police et de sécurité le 4 avril, date à laquelle sont parvenus les dernières nouvelles les concernant ; depuis leur évasion supposée, personne ne les a plus vus ni entendus. L’organisation s’inquiète de leur sort. Amnesty International demande instamment aux autorités gambiennes d’ouvrir immédiatement une enquête indépendante et impartiale sur l’évasion supposée de certains détenus. Les conclusions de cette enquête devraient être rendues publiques.

Selon les informations dont nous disposons, une partie des vingt-cinq détenus se trouvent à l’isolement dans la prison centrale de Mile 2 ; ils n’ont pu contacter ni leur famille ni leurs avocats et n’ont pu voir de médecin. Ils n’ont pas été présentés à un juge. Amnesty International craint que les détenus ne soient soumis à des actes de torture ou ne subissent de mauvais traitements. Le 6 avril, Abdoulie Kujabi, ancien directeur de la National Intelligence Agency (NIA, Agence nationale de renseignements), arrêté le 27 mars, a été admis à l’hôpital dans un « état critique ». Amnesty International craint qu’il n’ait été torturé en détention. La torture et les mauvais traitements sont couramment pratiqués lors des détentions au secret. Toute allégation d’acte de torture ou mauvais traitement devrait faire l’objet d’une enquête effective et impartiale menée dans les meilleurs délais et les auteurs présumés de tels actes traduits en justice.

Parmi les civils détenus au secret figurent Musa Saydikhan, rédacteur en chef, Madi Ceesay, directeur de la rédaction et Lamin Fatty, journaliste du bi-hebdomadaire The Independent. Tous trois sont détenus au siège de la NIA. Le journal, connu pour ses positions critiques vis-à-vis du gouvernement, a également été fermé le 28 mars. Ces détentions ne sont que le dernier épisode en date d’une longue histoire de répression des journalistes en Gambie, qui s’est traduite notamment par des actes d’intimidation du gouvernement à l’égard de The Independent.. Amnesty International considère ces journalistes comme des prisonniers d’opinion et appelle le gouvernement à les remettre immédiatement en liberté.

Le droit à la liberté, le droit de n’être soumis ni à la torture ni à de mauvais traitements et le droit à un procès équitable sont des droits reconnus par les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels la Gambie est État partie, comme la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Les graves atteintes aux droits humains signalées en Gambie se produisent à moins d’un mois de la réunion à Banjul de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, organe d’experts indépendants mis en place pour veiller au respect de la Charte africaine.

Amnesty International appelle le gouvernement de Gambie à veiller à ce que les personnes détenues soient présentées à un juge immédiatement et qu’elles aient la possibilité de consulter sans délai un avocat, de contacter leur famille et de voir un médecin. En outre, Amnesty International demande instamment que les personnes détenues, semble-t-il, uniquement en raison de leurs convictions politiques ou morales et qui n’ont ni usé de violence ni prôné l’usage de la violence, en particulier les journalistes, l’avocat et les hommes politiques soient remis en liberté sans délai et sans condition.

Complément d’information

Le 22 mars, les autorités gambiennes ont annoncé qu’un groupe d’officiers de l’armée, menés par le colonel Ndure Cham, ancien chef d’État-major de l’armée, se trouvaient à un stade avancé du complot qu’ils avaient fomenté pour renverser le gouvernement constitué de la République de Gambie. Trois jours plus tard, le président Alhaji Yahya Jammeh déclarait à la radio et à la télévision nationale que « toute tentative de renversement inconstitutionnel de ce gouvernement serait écrasée sans merci » et qu’il « ferait un exemple qui mettrait fin à tout acte de tricherie et de sabotage. ».

Depuis la prise de pouvoir du président Alhaji Yahya Jammeh par un coup d’État sans bain de sang en 1994, plusieurs tentatives supposées de coup d’État ont échoué. Amnesty International a rassemblé un certain nombre de preuves de violations graves des droits humains qui se sont produites dans le cadre de ces supposés coups d’État.

En novembre 1994 par exemple, quatre mois tout juste après la prise de pouvoir par les militaires, plusieurs soldats ont été tués et un certain nombre d’autres arrêtés après une tentative avortée de coup d’État semble-t-il ; Les circonstances dans lesquelles treize de ces soldats sont décédés n’ont jamais été éclaircies et aucune enquête indépendante n’a été menée. Il semble qu’ils aient pu être victimes d’exécutions extrajudiciaires.

Des civils et des militaires arrêtés parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir fomenté un coup d’Etat sont restés détenus au secret pendant de longues périodes sans être inculpés, certains auraient été maltraités et seraient morts en détention.

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples tiendra sa 39ème session ordinaire à Banjul du 11 au 25 mai. C’est en Gambie que doit également se tenir le prochain sommet de l’Union africaine en juillet 2006.

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