GAMBIE : Les atteintes à la liberté d’expression se multiplient

Index AI : AFR 27/005/02

Amnesty International s’est déclarée préoccupée par la multiplication des atteintes à la liberté d’expression en Gambie, après que trois journalistes eurent été récemment arrêtés, au seul motif de leurs activités professionnelles légitimes.

Pa Ousman Darboe, qui travaille comme reporter pour le journal The Independent, a été interpellé le 2 août 2002 et Alhaji Yoro Jallo, rédacteur en chef de cette même publication, a été appréhendé le lendemain par des agents de la National Intelligence Agency (NIA, Agence nationale de renseignements). Les arrestations de ces deux hommes sont liées à un article annonçant le mariage de la vice-présidente gambienne, Isatou Njie Saidy. Précédemment, Guy-Patrick Massoloka, un journaliste congolais travaillant pour l’Agence panafricaine d’information (API), avait été maintenu en détention au secret du 19 juillet au 1er août 2002 au siège de la NIA.

Amnesty International exhorte les autorités gambiennes à appliquer les garanties les plus strictes concernant le droit à la liberté d’expression, tel qu’il est consacré par des traités internationaux auxquels la Gambie est partie.

L’organisation s’est inquiétée à plusieurs reprises des atteintes à la liberté d’expression commises dans ce pays, notamment des mesures arbitraires d’arrestation et de détention, des expulsions et des menaces de violence dont font l’objet des journalistes et d’autres professionnels de l’information. Amnesty International est également préoccupée à l’idée qu’une nouvelle loi relative à la presse limitera encore l’exercice de la liberté d’expression si elle entre en application.

Un projet de loi portant création d’une National Media Commission (Commission nationale des médias) vient d’être adopté par le Parlement, mais il n’entrera en vigueur qu’après avoir été promulgué par le président Yahya Jammeh. Ce texte contient plusieurs dispositions incompatibles avec les obligations qui incombent à la Gambie aux termes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

L’organisation est tout particulièrement préoccupée par les pouvoirs considérables, dont certains sont de nature judiciaire, conférés à la Commission nationale des médias, qui pourraient remettre en cause l’exercice de la liberté d’expression. Ainsi, la Commission aura autorité pour accorder, suspendre ou retirer l’agrément nécessaire aux professionnels de l’information et aux organes de presse. Or, l’exercice de ces prérogatives pourrait déboucher sur des décisions arbitraires d’interdiction de journaux ou de refus d’agrément.

En outre, cette loi habilite la Commission à enquêter sur des professionnels de l’information et des organes de presse ainsi qu’à les juger. Dans le cadre de ces attributions, elle peut notamment les contraindre à révéler leurs sources, et délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre de toute personne qui ne se présenterait pas devant la Commission après avoir été convoquée. « Outre l’absence de garde-fou visant à garantir le respect des normes internationales d’équité par cette instance, il semble qu’elle empiète sur les compétences de l’appareil judiciaire », a fait observer Amnesty International.

La Commission pourra infliger des peines pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement pour non-respect des dispositions de la loi, ainsi que des amendes en cas de publication ou de diffusion de tous propos, toute caricature, tout dessin ou toute représentation ayant un caractère péjoratif, méprisant ou insultant à l’égard de toute personne ou autorité. La Commission aura toute latitude pour interpréter ces dispositions.

En outre, la loi exclut les décisions de la Commission nationale des médias du champ de compétence de toute juridiction, ce qui revient à priver les citoyens gambiens de leur droit à un recours effectif, tel qu’il est énoncé dans le PIDCP et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.

« Ces restrictions sont totalement injustifiées. Elle bafouent le droit à la liberté d’expression et risquent de museler la presse gambienne et de saper son indépendance, a souligné Amnesty International.

« Nous appelons le président Yahya Jammeh à garantir l’exercice de la liberté d’expression en Gambie en refusant de promulguer la loi adoptée par le Parlement », a conclu l’organisation de défense des droits humains.

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