Communiqué de presse

Gambie — un moratoire sous condition ne suffit pas

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Le moratoire sur les exécutions décrété par le président gambien Yahya Jammeh laisse au moins 38 condamnés à mort fortement menacés, a déclaré Amnesty International le 17 septembre.

Dans la soirée du 14 septembre, à l’approche de l’échéance qu’il avait fixée pour l’application de toutes les peines de mort prononcées, le président Jammeh a annoncé un moratoire sur les exécutions. Le communiqué publié par la présidence indique que « ce qui se passera ensuite sera fonction des événements : soit le niveau de criminalité baisse, auquel cas le moratoire deviendra illimité, soit le niveau de criminalité augmente, auquel cas le moratoire sera levé automatiquement ».

« L’annonce par le président d’un moratoire sous condition n’est pas satisfaisante, a déclaré Lisa Sherman-Nikolaus, chercheuse sur la Gambie à Amnesty international. Pour apaiser un peu l’anxiété des condamnés à mort et de leur famille, il faut instaurer un moratoire permanent dans la perspective de l’abolition de la peine de mort en droit. »

Les proches des détenus n’ont pas pu se rendre à la prison ni entrer en contact avec eux.

« Les recherches montrent que la peine capitale n’a pas un effet dissuasif plus important que les autres peines. Nous savons en outre que la justice pénale gambienne souffre de graves insuffisances et ne peut garantir des procès équitables ni la protection des droits fondamentaux de tous.

Conditionner la vie des condamnés à mort à des éléments sur lesquels ils n’ont aucune prise, c’est faire régner l’arbitraire. C’est une violation du droit à la vie de ces personnes. »

Le communiqué officiel indique que le président respectera la Constitution gambienne et la législation nationale, mais Amnesty International note avec préoccupation que le gouvernement ne s’est pas jusqu’à présent conformé à ses propres lois.


« Il est temps maintenant que l’Assemblée nationale gambienne réexamine la législation relative à l’application de la peine de mort en Gambie, a poursuivi Lisa Sherman-Niklaus. La Constitution du pays le prévoit, et cette révision aurait d’ailleurs dû intervenir il y a plusieurs années déjà. »

Deux au moins des neuf prisonniers exécutés au mois d’août, Malang Sonko et Buba Yarboe, ont été tués sans qu’un appel ait été examiné, selon le communiqué par lequel le ministère de l’Intérieur a confirmé les neuf exécutions à la fin du mois d’août. Ceci est contraire aux normes internationales et à la Constitution gambienne, qui prévoit que tous les détenus condamnés à mort doivent pouvoir exercer toutes les voies de recours, jusqu’à la Cour suprême.

Amnesty International est préoccupée par d’autres déficiences de la justice gambienne : elle est soumise aux pressions politiques, la prise en compte d’« aveux » obtenus sous la contrainte est courante et elle fait fi des autres garanties internationales relatives au recours à la peine de mort.

« Nous nous efforçons de vérifier les informations concernant ceux qui ont été exécutés et ceux qui se trouvent toujours dans le quartier des condamnés à mort, mais dans le climat de peur qui règne dans le pays, il s’avère extrêmement difficile d’obtenir la coopération des avocats et des professionnels du droit », a précisé Lisa Sherman-Nikolaus.

La justice pénale gambienne est un système gravement déficient, ambigu et difficile d’accès. De ce fait, même les avocats et les familles des prisonniers condamnés à mort ont du mal à savoir exactement à quel stade de la procédure on se trouve dans tel ou tel cas individuel.

« Amnesty International demande que toutes les affaires ayant donné lieu à une condamnation à mort soient réexaminées lors d’une procédure transparente et excluant la peine de mort », a poursuivi la chercheuse.

Les corps des huit hommes et de la femme exécutés le mois dernier n’ont toujours pas été restitués aux familles, qui n’ont pas non plus été informées de l’endroit où se trouvent ces dépouilles.

« Cela fait trois semaines que les exécutions ont eu lieu, et les autorités ajoutent encore à la souffrance des familles en les privant de la possibilité de tourner la page. C’est cruel et c’est inhumain », a conclu Lisa Sherman-Nikolaus.

Amnesty International salue les prises de position de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, entre autres déclarations, et engage les institutions régionales et internationales à faire en sorte que le gouvernement gambien ne procède plus à des exécutions. Les exécutions perpétrées récemment vont à l’encontre de la tendance régionale et mondiale en faveur de l’abolition de la peine de mort.

Complément d’information

Selon le gouvernement gambien, aucune exécution n’avait eu lieu dans le pays depuis 1985 avant celles intervenues au mois d’août. Les informations dont dispose Amnesty International indiquaient que la dernière avait eu lieu en 1981. L’organisation considérait de ce fait la Gambie comme un pays abolitionniste en pratique.

Le président Jammeh a annoncé dans un discours au mois d’août que « toutes les peines de mort seraient appliquées à la lettre d’ici à la mi-septembre ».

Jeudi 23 août dans la soirée, huit hommes et une femme ont été extraits de leur cellule de la prison Mile 2, près de Banjul, la capitale, et ont été abattus peu après par un peloton d’exécution.

Les exécutions sont intervenues sans que les condamnés, leurs proches ou leurs avocats n’aient été informés au préalable. Elles n’ont été confirmées officiellement que le 27 août, par un communiqué du ministère de l’Intérieur publié dans un contexte de fortes pressions internationales.

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