L’accord de coopération entre le Comité de sûreté de l’État bélarussien et les services de sécurité géorgiens entré en vigueur le 1er août prévoit la coopération et l’échange d’informations dans les domaines de la sûreté de l’État, du terrorisme, du cyberterrorisme, du crime organisé et du trafic d’armes. Ce texte permet aux parties d’échanger les données personnelles de toute personne susceptible de représenter une menace pour la sûreté de l’État. Il autorise aussi le déploiement des agents des services de sécurité sur le territoire de leurs homologues pour une période indéterminée [1] .
Des militant·e·s, des journalistes et des défenseur·e·s des droits humains ayant récemment fui des poursuites pénales motivées par des considérations politiques, des tortures et d’autres formes de mauvais traitements au Bélarus, et ayant trouvé refuge en Géorgie, craignent que cet accord ne soit utilisé par les services de sécurité bélarussiens pour les traquer à l’étranger. Amnesty International est préoccupée par le fait qu’en l’absence de véritables garde-fous, certaines dispositions de l’accord pourraient être utilisées pour violer les droits à la vie privée et à la liberté d’expression à la fois en Géorgie et au Bélarus.
Amnesty International est préoccupée par le fait qu’en l’absence de véritables garde-fous, certaines dispositions de l’accord pourraient être utilisées pour violer les droits à la vie privée et à la liberté d’expression à la fois en Géorgie et au Bélarus
L’accord ne comporte ni procédure juridique ni garantie contre des violations potentielles des droits humains, mis à part une clause à la formulation vague d’après laquelle les deux parties peuvent refuser des demandes susceptibles de violer les droits humains [2] . Par conséquent, la mise en œuvre de l’accord est laissée à l’appréciation des services de sécurité bélarussiens et géorgiens. Au vu du médiocre bilan du Bélarus en matière de droits humains, de la répression visant les militant·e·s dans ce pays et de l’absence de solides garanties en matière de droits humains, cet accord pourrait devenir un nouvel outil aux mains des autorités bélarussiennes qui leur permettrait de poursuivre le harcèlement et l’intimidation de leurs détracteurs en dehors de leurs frontières. En Géorgie aussi, la protection de la liberté d’expression et du droit à la vie privée demeure problématique [3] .
Les autorités géorgiennes sont tenues de faire tout leur possible pour protéger les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s bélarussiens, et de veiller à ce que la mise en œuvre de l’accord ne viole pas la législation géorgienne ni les obligations internationales en matière de droits humains. Elles ont ainsi l’obligation de protéger toutes les personnes se trouvant sur leur territoire, et de ne pas les expulser dans un pays où elles risquent d’être ciblées pour leurs opinions politiques, torturées ou soumises à d’autres formes de mauvais traitements, ainsi que de subir des procès iniques ou d’autres atteintes à leurs droits. Le gouvernement géorgien doit aussi garantir que personne n’est l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, et que tout accès des autorités aux données personnelles est nécessaire, légitime et proportionné [4] .
Complément d’information
Au Bélarus, après l’élection présidentielle controversée du 9 août 2020, dans tout le pays, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre les résultats. Le président sortant, Alexandre Loukachenko, a revendiqué une victoire écrasante, tandis que Svetlana Tsikhanovskaïa a été plébiscitée par les électeurs contestataires. Des manifestations pacifiques ont eu lieu dans tout le pays – et ont été sévèrement réprimées. La police antiémeutes a fait usage d’une force illégale contre des manifestant·e·s pacifiques et plus de 30 000 personnes ont été détenues, dont un grand nombre dans le centre de détention d’Akrestsina, à Minsk, qui a une sombre réputation. Les allégations d’actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention sont monnaie courante au Bélarus. En juillet 2021, le gouvernement a renforcé sa campagne de répression déjà sévère de la société civile : il a engagé des poursuites contre un grand nombre de militant·e·s et de journalistes en raison de leurs activités légitimes et a arbitrairement dissous 50 organisations de la société civile presque du jour au lendemain. Des milliers de Bélarussien·ne·s ont trouvé refuge dans les pays voisins, mais des informations circulent d’après lesquelles les autorités bélarussiennes s’apprêtent à poursuivre leurs détracteurs à l’étranger. Le 3 août, Vitali Chichov, qui a quitté le Bélarus en 2020 et qui dirigeait une organisation de soutien aux émigré·e·s bélarussiens en Ukraine, a été retrouvé mort dans un parc situé près de chez lui, dans des circonstances qui laissent penser que sa mort pourrait être liée aux autorités bélarussiennes.
Les autorités géorgiennes sont tenues de faire tout leur possible pour protéger les défenseur·e·s des droits humains et les militant·e·s bélarussiens, et de veiller à ce que la mise en œuvre de l’accord ne viole pas la législation géorgienne ni les obligations internationales en matière de droits humains
De nombreux journalistes, militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains bélarussiens ont récemment trouvé refuge en Géorgie. Si rien n’indique que des militant·e·s bélarussiens auraient été contraints de quitter la Géorgie pour rentrer chez eux, le HCR a observé des cas récents de retours forcés de réfugié·e·s et de demandeurs d’asile (expulsions) et a conclu que le cadre et les pratiques de protection des réfugié·e·s et des demandeurs d’asile de ce pays ne respectent pas les normes internationales [5] .
La réputation de la Géorgie en tant que pays sûr pour les exilé·e·s politiques a été irrémédiablement entachée en 2017, après que le journaliste azerbaïdjanais Afgan Mukhtarli a été vraisemblablement enlevé pour être conduit en Azerbaïdjan, où il a été arrêté et condamné sur la base de fausses accusations en raison de ses reportages et enquêtes critiquant le gouvernement azerbaïdjanais. Il affirme que les autorités géorgiennes sont impliquées dans son enlèvement et l’ont livré à leurs homologues azerbaïdjanais. Depuis, les autorités géorgiennes n’ont pas enquêté sérieusement sur ces allégations [6] .