Communiqué de presse

Géorgie. Les autorités doivent enquêter de manière approfondie sur des preuves de torture en prison

Amnesty International est profondément préoccupée par la diffusion, le 18 septembre, d’une vidéo montrant le passage à tabac et le viol de détenus d’une prison de Tbilissi par des membres du personnel carcéral.

Dans cette vidéo diffusée à la télévision par Maestro TV et Channel 9, des détenus, qui seraient incarcérés dans la prison n° 8, sont frappés par plus d’une dizaine d’agents de la prison, tandis que d’autres sont emmenés dans une pièce, apparemment pour attendre leur tour. Une autre vidéo montre deux détenus en train d’être violés avec un bâton et un manche à balai par des gardiens, qui continuent à leur infliger ces mauvais traitements en dépit de leurs supplications.

Amnesty International appelle le gouvernement géorgien à veiller à ce que des enquêtes exhaustives, approfondies et impartiales soient immédiatement menées sur les actes de torture et d’autres mauvais traitement apparaissant dans la vidéo diffusée. Les membres du personnel de la prison et les représentants des forces de l’ordre identifiés comme responsables de ces actes doivent être déférés à la justice dans les meilleurs délais.

Selon des commentaires du procureur général, Mourtaz Zodelava, datant du 19 septembre, dix responsables de la prison, notamment le directeur adjoint du département pénitentiaire, Gaga Mkournalidze, le directeur de la prison n° 8, Davit Khoutchoua et son adjoint, ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur les tortures et autres mauvais traitements survenus dans la prison de Gldani.

La ministre du Système pénitentiaire, de la Probation et de l’Aide judiciaire, Khatouna Kalmakhelidze, a démissionné le 19 septembre 2012. À la suite de ce scandale, le président Mikheil Saakachvili a évoqué le besoin de remanier le système pénitentiaire en Géorgie pour éradiquer ce type d’atteintes aux droits humains.

Amnesty International craint que les actes de torture observés dans ces vidéos ne soient le signe d’une pratique plus répandue que ce que les autorités sont disposées à reconnaître à ce jour.

Une déclaration du 19 septembre 2012 du médiateur public de la Géorgie, Giorgi Tougouchi, révèle que les rapports du mécanisme national de prévention du médiateur public avaient identifié, « pratiquement depuis le jour de l’ouverture de l’établissement, différents types de traitements abusifs, dégradants et inhumains » qui se déroulaient de manière systématique dans cette prison. Cependant, jusqu’à présent, le ministère public n’a pas ouvert d’enquête sur ces affaires et n’a pas sanctionné les responsables présumés de ces agissements .

Dans cette déclaration, il souligne ensuite la nature systémique des mauvais traitements au sein du système pénitentiaire géorgien et indique que les prisons n° 2, n° 15 et n° 18 présentent les mêmes problèmes que ceux qui ont été révélés pour la prison n° 8. Il exhorte les instances chargées de l’application des lois à mener des enquêtes exhaustives sur les cas qu’il a signalés et à punir toutes les personnes qui ont pris part aux actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements infligés aux prisonniers. Ces préoccupations sont également reprises dans une déclaration diffusée le 19 septembre 2012 par 18 organisations non gouvernementales géorgiennes, qui évoque également l’absence d’enquêtes sur ces violences, en dépit d’une pétition signée par 700 détenus de la prison n° 15 .

Amnesty International appelle le gouvernement géorgien à respecter son engagement à mener des enquêtes impartiales et efficaces sur les violences présumées ainsi qu’à réaliser un examen approfondi du système pénitentiaire.

Étant donné que, selon des organisations de la société civile, le médiateur public ainsi que des partis de l’opposition, aucune enquête n’a été menée, il est également nécessaire d’enquêter de manière exhaustive et impartiale afin de déterminer pourquoi le ministère public n’a pas identifié et puni les personnes accusées de violations des droits humains ces dernières années.

Complément d’information

Après sa visite en Géorgie, le rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Manfred Nowak, avait publié, le 23 septembre 2005, un rapport sur sa mission en Géorgie. Le résumé du rapport concluait que « la torture se perpétue en Géorgie, surtout en raison de la culture de l’impunité ». Il est alarmant de constater que la « disparité entre le nombre d’allégations de torture et d’autres formes de mauvais traitements et le nombre d’enquêtes et de poursuites en justice menées à terme » indique que le ministère géorgien du Système pénitentiaire et de l’Aide judiciaire n’était peut-être pas complètement indépendant du ministère public et du ministère de la Justice.

Dans un rapport de 2005 intitulé Georgia : Torture and ill-treatment. Still a concern after the “Rose Revolution”, Amnesty International présentait ses observations et faisait plusieurs recommandations au nouveau gouvernement géorgien pour lutter contre la torture et d’autres formes de mauvais traitements. Dans des sections spécifiques, l’organisation conseillait d’appliquer certaines mesures pour mettre fin à l’impunité et surveiller la mise en œuvre de garanties juridiques et l’ouverture d’enquêtes sur les allégations de tortures et d’autres mauvais traitements .

Dans une synthèse présentée au Comité contre la torture en Géorgie le 30 mars 2006, Amnesty International faisait part de ses préoccupations et faisait plusieurs recommandations aux autorités géorgiennes. Les inquiétudes liées au fait que les procureurs n’ont pas ouvert « d’enquêtes sur tous les cas potentiels de torture et d’autres formes de mauvais traitements » semblent faire écho aux préoccupations exprimées par le médiateur public géorgien dans sa déclaration du 19 septembre 2012 . Dans sa conclusion, le Comité des Nations unies contre la torture reprenait une large part des préoccupations soulevées par Amnesty International .

En 2007, les autorités géorgiennes ont proposé des mesures destinées à lutter contre les problèmes persistants liés à la torture. Dans le cadre des obligations de la Géorgie relatives au Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifié par le pays en 2005, des hauts responsables géorgiens ont présenté un plan d’action contre la torture en octobre 2007. Ce plan d’action identifiait des lignes de conduite et des changements de pratiques visant à empêcher la torture et les autres formes de mauvais traitements. Elles comprenaient notamment des mesures pour garantir des « enquêtes efficaces sur des cas de recours présumés à la torture ou à la force excessive. »

Amnesty International, Human Rights Watch et Penal Reform International ont exprimé leur préoccupation au sujet de l’engagement pris dans le passé par la Géorgie pour combattre la torture et les autres formes de mauvais traitements. Bien que quelques progrès aient été remarqués dans le cadre de la prévention des mauvais traitements infligés aux personnes placées en garde à vue, les inquiétudes liées à l’absence d’enquêtes sur les cas de torture et d’autres mauvais traitements et à leur durée persistent depuis très longtemps, ce qui remet en cause la volonté des autorités de découvrir la vérité .

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