Déclaration publique
EUR 56/011/2007
Amnesty International demande aux autorités géorgiennes d’ouvrir promptement une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur les allégations selon lesquelles les forces de police spéciales ont eu un recours excessif à la force en dispersant des manifestations antigouvernementales dans la capitale Tbilissi, ce 7 novembre.
Les policiers auraient utilisé des matraques, balles en caoutchouc, gaz lacrymogènes et canons à eau pour disperser trois rassemblements à Tbilissi, après six journées de manifestations de masse dirigées par une coalition de groupes d’opposition, auxquelles des dizaines de milliers de personnes avaient participé. Selon des récits de témoins oculaires reçus par Amnesty International, des policiers auraient roué de coups des manifestants ; le médiateur géorgien figurerait parmi les personnes frappées. Quelque 500 personnes auraient demandé des soins médicaux, dont 24 policiers.
Le président Mikhaïl Saakachvilli a imposé l’état d’urgence dans la soirée du 7 novembre, et, dans un discours à la nation, a rendu les services spéciaux russes responsables d’avoir déclenché des troubles et soutenu les manifestations antigouvernementales. L’état d’urgence était restreint au départ à quarante-huit heures et à Tbilissi, mais par la suite, il a été étendu à l’ensemble du pays pendant quinze jours. Il restreint le droit de recevoir et de diffuser des informations (aux termes de l’article 24 de la constitution géorgienne), la liberté d’assemblée (article 25) et le droit de grève (article 33). Deux chaînes de télévision privées – Imedi TV et Kavkasia – ont été forcées d’arrêter leurs émissions vers 21 h ce jour-là, et seule la Télévision publique géorgienne, propriété de l’État, a le droit de diffuser des nouvelles pendant l’état d’urgence.
Dans son récit des événements, Sozar Soubari, le médiateur de Géorgie, a raconté que vers 17 h, le 7 novembre, il a vu des policiers frappant des manifestants en fuite qui s’étaient regroupés près d’une église dans le centre de Tbilissi. Les manifestants ont alors commencé à jeter des pierres aux policiers mais se sont arrêtés à la demande du médiateur. Cependant, une autre unité de police spéciale est alors arrivée et a commencé à frapper les manifestants sans avertissement. Lorsque le médiateur a fait des remontrances aux policiers qu’il voyait frapper trois personnes déjà à terre et n’opposant plus de résistance, il a lui-même reçu des coups de pied et des insultes des policiers. L’un des membres de son équipe, Daniel Mgeliachvili, a également été frappé à la tête tandis qu’il demandait aux policiers de ne pas agresser le médiateur. Un journaliste étranger indépendant raconte avoir vu la police traîner des gens, qui ne semblaient pas impliqués dans les manifestations, hors de magasins. L’une de ces personnes aurait ainsi été expulsée d’une pharmacie et passée à tabac par quatre policiers.
Selon le Principe 5 des Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu pour les responsables de l’application des lois, les policiers ont le devoir d’ « en user avec modération et [de manière] proportionnelle à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre » Les policiers doivent aussi « ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique et respecter et préserver la vie humaine ». Le Principe 8 stipule qu’ « aucune circonstance exceptionnelle, comme l’instabilité de la situation politique intérieure ou un état d’urgence, ne peut être invoquée pour justifier une dérogation à ces Principes de base. »
Amnesty International a toujours exhorté les autorités géorgiennes à remédier à des préoccupations de longue date, relatives à la torture et autres mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre. Le mois dernier, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a exprimé les mêmes inquiétudes. Le Comité a certes reconnu une diminution importante des allégations de torture et de mauvais traitements des personnes en détention, mais il a exprimé ses regrets sur la persistance des allégations de violences policières, en particulier lors d’arrestations de suspects. Le Comité a également exprimé son inquiétude quant aux décès qui auraient été provoqués par un recours excessif à la force des policiers et gardiens de prison.
Pour éradiquer la torture, les mauvais traitements et le recours excessif à la force, le Comité des droits de l’homme a demandé à la Géorgie de prendre des mesures fermes, notamment en ouvrant des enquêtes promptes et impartiales sur ces allégations, en publiant le résultat de ces enquêtes, et en traduisant les responsables en justice.