Géorgie. Un organe de lutte contre la torture critique la Géorgie. Des organisations de défense des droits humains exhortent Tbilissi à mettre fin à la torture

AMNESTY INTERNATIONAL

EUR 56/007/2007 (Public)

(Tilissbi, 25 octobre 2007) – Le gouvernement géorgien doit agir dès maintenant pour cesser la torture et les mauvais traitements dans les centres de détention, ont déclaré ce 25 octobre Amnesty International, Human Rights Watch et Penal Reform International. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), qui vient de publier son dernier rapport sur la Géorgie, a déclaré que les conditions carcérales restent inacceptables dans de nombreux centres.

Le CPT, un organe de surveillance du Conseil de l’Europe, remarque que la Géorgie a fait des progrès dans la prévention des mauvais traitements lors des détentions par la police, mais certains mauvais traitements de détenus persistent, et les conditions carcérales dans de nombreux centres sont déplorables. Dans un centre très surpeuplé, la prison n°5 de Tbilissi, le CPT a conclu que les conditions de détention constituaient un traitement inhumain et dégradant, et, en tant que telles, étaient un affront pour une société civilisée.

« Nous saluons la décision des autorités géorgiennes d’autoriser le CPT à publier son dernier rapport sur la Géorgie », a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. « Ce rapport présente une opportunité pour tous ceux qui se soucient de la prévention de la torture et de la réforme pénitentiaire en Géorgie : le gouvernement géorgien, les organisations non gouvernementales locales et internationales, et la communauté internationale ; une opportunité d’améliorer les réformes actuelles pour mettre un terme définitif à la torture et aux mauvais traitements, et traduire leurs responsables en justice. »

Le CPT a demandé aux autorités géorgiennes, entre autres recommandations, de résoudre de manière durable le problème lancinant du surpeuplement carcéral, de mettre en œuvre une réinsertion sociale et des activités utiles pour les détenus, et de lutter contre les exemples persistants de mauvais traitements en détention, en assurant les droits fondamentaux de tous les détenus, et en menant des enquêtes efficaces sur les allégations de violences.

Le CPT visite périodiquement les lieux de détention, notamment les prisons, postes de police, institutions psychiatriques et centres de rétention pour personnes détenues en lien avec l’immigration, afin de voir comment sont traités les détenus et de faire des recommandations au gouvernement concerné, si nécessaire. Le CPT a visité la Géorgie pour la troisième fois en mars et avril 2007. Le rapport du CPT est confidentiel, jusqu’à ce que le gouvernement examiné en autorise la publication, ce que la Géorgie a fait pour tous les rapports du CPT jusqu’à présent.

Le rapport du CPT est publié presque exactement un an après que le bureau du procureur général de Géorgie a lancé une enquête sur le décès de sept détenus tués lorsque des membres des forces de l’ordre avaient cherché à réprimer des troubles à la prison n°5 de Tbilissi le 27 mars 2006. Les membres des forces de l’ordre ont eu recours à des armes automatiques chargées à balles réelles et balles en caoutchouc contre les détenus, et n’ont aucunement essayé d’utiliser des moyens de contrôle non violents, selon des témoins. Ce recours à la force a provoqué la mort d’au moins sept détenus, et 17 autres au moins ont subi de graves blessures.

Le rapport de Human Rights Watch “Undue Punishment : Abuses against Prisoners in Georgia” (http://hrw.org/reports/2006/georgia0906/), signalait des cas apparents d’un recours illégal et excessif à la force des forces spéciales à l’encontre des détenus, lors de l’opération du 27 mars destinée à rétablir l’ordre. Trois mois plus tard, le gouvernement a ouvert une enquête pour déterminer si des agents du gouvernement n’avaient pas abusé de leur autorité en rétablissant l’ordre ; en octobre 2006, le bureau du procureur général a ouvert une enquête sur le décès de sept détenus.

Aux termes de la Convention européenne des droits de l’homme, les autorités géorgiennes sont obligées d’enquêter de manière prompte et efficace sur toute mort ou blessure grave en détention, quelle que soit la résistance présumée opposée par les détenus. Cependant, l’enquête du bureau du procureur général sur le comportement des autorités et les décès lors des troubles carcéraux du 27 mars 2006 est toujours en cours, et aucune conclusion n’a été publiée. Selon des sources officielles, aucun des membres des forces de l’ordre ayant mené cette opération spéciale n’a été inculpé.

« Les enquêtes sur le 27 mars durent trop longtemps, ce qui soulève des questions sur la volonté des autorités de révéler la vérité », a déclaré Holly Cartner, directrice de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Les victimes, les membres de leurs familles, et le public, ont le droit de savoir ce qui s’est passé lors de l’émeute carcérale présumée du 27 mars ; elles ont aussi le droit de savoir qui sera tenu responsable de la mort des détenus et de leur mauvais traitement. »

Les autorités géorgiennes ont récemment proposé de nouvelles initiatives destinées à lutter contre le problème persistant de la torture. Dans le cadre de ses obligations définies par le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (OPCAT), ratifié en 2005 par la Géorgie, de hauts responsables géorgiens ont présenté un plan d’action anti-torture en octobre 2007. Ce plan identifie des changements concrets de pratiques afin de prévenir la torture et les mauvais traitements, et comporte des mesures pour mettre en œuvre des enquêtes efficaces dans les cas de recours présumé à la torture ou à une force excessive.

« Le plan d’action anti-torture est en lui-même bienvenu, mais il renouvelles des promesses que des hauts responsables géorgiens ont déjà faites », a déclaré Mary Murphy, directrice du bureau de Penal Reform International pour le Caucase du Sud. « Pour que ces promesses restent crédibles, elles doivent s’accompagner de mesures concrètes. L’une de ces mesures serait de réduire et d’arrêter instamment la hausse du nombre de détenus, qui croît de 400 tous les mois. Une autre mesure consisterait à établir un organe anti-torture indépendant, comme cela était envisagé aux termes de l’OPCAT, pour surveiller et faciliter la mise en œuvre du plan d’action anti-torture. »

Amnesty International, Human Rights Watch et Penal Reform International demandent au gouvernement géorgien de mettre en œuvre les recommandations du rapport récemment publié du CPT, en particulier celles relatives au surpeuplement carcéral et à d’autres réformes pénitentiaires urgentes. Il faut lutter d’abord et avant tout contre ce surpeuplement en n’ayant recours à la détention provisoire qu’en cas de stricte nécessité.

Les trois organisations ont exhorté les autorités à faire en sorte que le plan d’action anti-torture intègre des critères d’évaluation concrets et une chronologie spécifique pour la mise en œuvre des réformes contre la torture. Pour être réellement efficace, ce plan d’action doit recevoir le soutien du gouvernement au plus haut niveau, notamment par des déclarations publiques sans équivoque de hauts représentants de l’État.

Les trois organisations ont également demandé aux autorités géorgiennes d’informer sans délai les victimes, leurs proches, le parlement et le public des conclusions des enquêtes liées à l’émeute présumée du 27 mars 2006.

« Il est dans l’intérêt du gouvernement de publier les conclusions de l’enquête, afin d’améliorer la crédibilité de ses réformes des systèmes pénal et judiciaire », a déclaré Holly Cartner. « Il serait également rassurant pour les Géorgiens et tous ceux qui soutiennent ces réformes en Géorgie que soient mises en place des procédures de lutte contre le recours excessif à la force meurtrière. »

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