GHANA - Les expulsions forcées dans la région du parc national de Digya doivent cesser

Index AI : AFR 28/001/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Amnesty International et le Centre pour le droit au logement et contre les expulsions (COHRE) ont exprimé leur profonde préoccupation devant les récentes expulsions forcées de centaines de résidents de l’île de Dudzorme, au sein du parc national de Digya, dans la région de Tapa-Abotoase du lac Volta, au Ghana, et les milliers d’autres expulsions prévues. Ces expulsions ont privé les résidents de leur domicile, notamment les femmes et les enfants, et, dans la plupart des cas, de leurs moyens d’existence. Amnesty International et le COHRE sont également très préoccupés de la mort de plus d’une centaine de personnes expulsées, quand un bateau qui les expulsait de l’île s’est retourné, le 8 avril.

Le département du gibier et de la faune affirme que ces expulsions sont nécessaires, parce que la zone a été mise de côté pour une réserve forestière. Amnesty International et le COHRE ont été informés que les expulsions ont été menées sans consultation préalable ni notification adéquates, et sans compensation ou relogement de substitution - en violation des obligations régionales et internationales du Ghana relatives aux droits humains, notamment le droit à un logement adéquat, qui inclut le droit de ne pas être expulsé.

Les résidents de l’île de Dudzorme auraient commencé à être menacés d’expulsion en juin 2002. En janvier 2003, après une campagne d’organisations non gouvernementales locales et internationales, notamment le COHRE et le Centre juridique d’intérêt public (CEPIL, Center for Public Interest Law) contre ce programme d’expulsion, le ministère de l’agriculture et des forêts a décidé de surseoir aux expulsions. Cependant, le 5 février 2006, le gouvernement a délivré une notice d’expulsion aux résidents, avec un préavis de moins d’un mois. À la fin du mois de mars et au début d’avril, des agents de la commission forestière ont expulsé des résidents de l’île de Dudzorme.

Certaines sources ont confirmé à Amnesty International et au COHRE que la consultation préalable des résidents avait été insuffisante. En outre, ceux-ci ont reçu un préavis de moins d’un mois, insuffisant également, par opposition au minimum absolu de quatre-vingt-dix jours recommandé par le Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit au logement, comme faisant partie du droit à un niveau de vie adéquat. Des expulsés ont signalé avoir été chassés de leurs maisons, puis embarqués de force, certains étant frappés à coups de matraque. Amnesty International et le COHRE craignent en outre que les autorités n’aient fourni ni logement de substitution ni compensation, ce qui viole le droit à un logement adéquat, notamment le droit de ne pas être expulsé.

Amnesty International et le COHRE craignent que le reste des 7 000 résidents du parc national de Digya risquent des expulsions similaires.

Selon des victimes, lors de l’expulsion de ces résidents, le bateau surchargé s’est renversé alors qu’il les emmenait de l’île, dans la région des plaines d’Afram, jusqu’à Abotoase, dans la partie orientale de la région. La mort de 58 personnes a été confirmée et 71 autres personnes ont été enregistrées comme survivants, même si toutes n’ont pas été retrouvées. Selon les premiers rapports officiels, le nombre de personnes décédées est nettement moins élevé.

Amnesty International et le COHRE expriment leur vive inquiétude devant la façon dont ces expulsions semblent avoir été menées, en particulier le recours excessif à la force, notamment l’embarquement forcé de personnes sur le bateau sans mise en place de dispositifs de sécurité appropriés.

Amnesty International et le COHRE demandent donc aux autorités ghanéennes de :

 cesser immédiatement tous les expulsions forcées dans cette région et d’autres parties du Ghana ;
fournir d’urgence à tous les expulsés un hébergement ainsi que l’accès à la nourriture, à de l’eau potable, à des installations sanitaires et des services médicaux ;

 établir immédiatement une commission d’enquête indépendante sur les circonstances de la catastrophe du bateau et autres allégations d’atteintes aux droits humains dans le contexte des expulsions forcées. Cette commission devrait enquêter sur les actions ou omissions des autorités concernées pouvant avoir conduit à la surcharge du bateau. Cette commission doit être indépendante et impartiale, et ses termes de référence et conclusions doivent être publiés. Si la commission établit la preuve d’infractions commises dans le cadre des expulsions forcées, celles-ci doivent faire l’objet d’une enquête approfondie de la part des autorités compétentes, et leurs responsables doivent être traduits en justice ;

 décider, en consultant les personnes concernées, des logements de substitution adéquats pour toutes les personnes privées de logement par les récentes expulsions, et créer des mécanismes adéquats de compensation et autres réparations pour les victimes des expulsions passées ;

 donner aux personnes dont les moyens d’existence ont été affectés par les expulsions des possibilités suffisantes de gagner leur vie ;

 faire en sorte que tout usage légal de la force respecte les principes de nécessité et de proportionnalité, ainsi que les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, et tout code de conduite national ou local respectant les normes internationales relatives au maintien de l’ordre et aux droits humains ;

 imposer un moratoire sur toutes les expulsions à venir jusqu’à l’élaboration et la mise en œuvre d’une politique de logement fondée sur les droits humains.

Contexte
Avant les expulsions, nombre de personnes expulsées avaient vécu dans le parc national de Digya, district de la plaine d’Afram au Ghana, depuis plus de trente ans. Elles appartenaient à un groupe d’environ 7 000 personnes, vivant principalement de la pêche.

Amnesty International a signalé des cas d’expulsion dans de nombreux pays d’Afrique, notamment l’Angola, le Nigéria, le Soudan, le Swaziland et le Zimbabwe. Le COHRE estime que les expulsions ont touché plus d’un million de personnes en Afrique l’année dernière.

Le COHRE est une ONG internationale qui s’efforce de promouvoir le droit à un logement adéquat, notamment le droit d’être protégé contre les expulsions, pour tous et partout. Le COHRE possède des bureaux dans un certain nombre de pays, y compris le Ghana, et dispose d’un statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social des Nations unies, ainsi que d’un statut d’observateur auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

L’expulsion forcée a été définie par le Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels, comme « l’éviction permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans qu’une protection juridique ou autre appropriée ait été assurée, de personnes, de familles ou de communautés de leurs foyers ou des terres qu’elles occupent. L’interdiction frappant les expulsions forcées ne s’applique toutefois pas à celles qui sont opérées par la force dans le respect de la loi et conformément aux dispositions des Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme ». (Comité des Nations unies sur les droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 7 (1997) Le droit à un logement suffisant (art. 11 1 du Pacte) : expulsions forcées, doc. ONU E/C.12/1997/4, §3).

La Commission des droits de l’homme des Nations unies considère que « la pratique des expulsions forcées constitue une violation flagrante des droits de l’homme, en particulier du droit à un logement convenable ». L’article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, auquel le Ghana est partie, stipule que « les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence. » Outre la privation de logement, les expulsions sont souvent associées à des violations d’autres droits humains, comme le droit à la santé, à l’éducation, le droit de gagner sa vie, le droit à la liberté de déplacement, le droit à l’intimité et le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d’autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants.

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