Le nouveau gouvernement croate doit rendre justice aux victimes de crimes de guerre

Le gouvernement nouvellement élu en Croatie doit faire figurer au premier rang de ses priorités les enquêtes et les poursuites visant les auteurs présumés de crimes de guerre, a déclaré Amnesty International vendredi 23 décembre.

Le gouvernement de coalition a été constitué le 23 décembre 2011 dans le sillage des élections qui se sont déroulées le 4 décembre.

Par ailleurs, la Croatie a signé le 9 décembre le traité d’adhésion qui lui permettra d’intégrer officiellement l’Union européenne (UE) en 2013.

« La Croatie doit faire face à son passé, afin de pouvoir avancer, a déclaré Nicola Duckworth, directrice du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Le gouvernement nouvellement élu doit saisir l’occasion d’en finir avec les erreurs de ses prédécesseurs et mener dans les meilleurs délais des enquêtes approfondies, impartiales et indépendantes en vue de poursuivre les auteurs de crimes de guerre. »

Malgré l’existence d’informations mises à la disposition du public, les allégations visant certains hauts gradés militaires et responsables politiques n’ont donné lieu à aucune enquête. C’est par exemple le cas de Vladimir Šeks, président adjoint du Parlement croate, dont la responsabilité de commandement est mise en cause dans des crimes commis en Slavonie orientale en 1991. Les allégations portées contre lui se fondaient sur des informations dévoilées lors du procès contre Branimir Glavaš. Le général croate Davor Domazet-Lošo a lui aussi été accusé d’avoir engagé sa responsabilité dans les crimes commis dans la poche de Medak en 1993. Ces allégations se fondaient sur des éléments du procès contre les généraux Rahim Ademi et Mirko Norac.

« Conséquence de l’inaction des autorités croates, les victimes et leurs familles sont privées du droit à la vérité, à la justice et à des réparations. La plupart des responsables demeurent en liberté », a indiqué Nicola Duckworth.

Selon le parquet, environ 540 affaires de crimes de guerre sont toujours à la phase d’enquête préliminaire, ce qui ne représente qu’un petit nombre des personnes soupçonnées de crimes relevant du droit international commis durant les années 1990. En moyenne, seules 18 affaires concernant des crimes de guerre sont résolues chaque année. À ce rythme, la plupart des responsables présumés ne comparaîtront jamais en justice.

Bien que l’on constate certaines avancées ces dernières années en ce qui concerne les poursuites pour crimes de guerre, Amnesty International demeure préoccupée par la lenteur des investigations, par la protection insuffisante des témoins et par l’absence de voies de recours dont disposent les victimes pour obtenir réparation. Elle s’inquiète de ce que la justice croate continue d’appliquer le Code pénal de 1992 lorsqu’il s’agit de poursuites pour crimes commis durant la guerre en ex-Yougoslavie, malgré les graves lacunes de ce texte de loi qui favorisent l’impunité. Enfin, elle déplore que la coopération régionale, notamment en ce qui concerne l’extradition de citoyens croates, se heurte à divers obstacles.

« Si la Croatie ne remédie pas rapidement à toutes ces défaillances, des doutes persisteront quant au fait que le pays s’est acquitté de ses obligations internationales relatives aux droits humains et remplit les critères d’adhésion définis par l’UE », a estimé Nicola Duckworth.

Les négociations relatives à l’adhésion de l’UE s’étant achevées au mois de juin, l’UE a exhorté la Croatie à apporter des améliorations dans le secteur de la justice et des droits fondamentaux, notamment en ce qui concerne les poursuites pour les crimes de guerre commis durant l’effondrement de la Yougoslavie dans les années 1990. La Commission européenne continuera de surveiller les efforts déployés par la Croatie pour apporter les améliorations nécessaires dans ces domaines.

Amnesty International demande au gouvernement nouvellement élu en Croatie de prendre les mesures suivantes :

• allouer les ressources financières adéquates et apporter un réel soutien politique aux enquêtes et aux poursuites ;

• veiller à ce que le cadre juridique appliqué pour juger les crimes relevant du droit international commis entre 1991 et 1995 soit conforme aux normes internationales, notamment en ce qui concerne les crimes de guerre de nature sexuelle, la responsabilité des supérieurs hiérarchiques et les crimes contre l’humanité ;

• mener dans les meilleurs délais des enquêtes approfondies, indépendantes et impartiales sur les allégations visant de hauts gradés militaires et responsables politiques en vertu du principe de la responsabilité hiérarchique ;

• assurer la protection efficace des témoins et instaurer un système de soutien pour tous les témoins. Les autorités doivent également déférer à la justice tous les responsables présumés d’actes d’intimidation et de harcèlement, voire de meurtres, ciblant les témoins, afin de faire clairement savoir que de tels crimes ne seront pas tolérés ;

• faire en sorte que les preuves recueillies par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie soient présentées lors des procès pour crimes de guerre devant les tribunaux nationaux ;

• veiller à ce que les victimes de viols et d’autres formes de violences sexuelles commis durant la guerre puissent avoir accès à la vérité, à la justice et à des réparations, et bénéficient notamment d’une aide psychologique, d’un soutien économique et de services de santé. Les crimes dont elles ont été victimes doivent être reconnus et doivent faire l’objet de poursuites, dans le respect des dispositions pertinentes de la législation nationale et internationale.

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