La Grande Chambre de la CEDH examinera la plainte contre la surveillance de masse

* La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme va examiner l’affaire concernant la surveillance de masse exercée par le gouvernement britannique.
* Des organisations sollicitent un arrêt de la Grande Chambre qui mettrait fin aux pouvoirs de surveillance de masse.

La plus haute chambre de la Cour européenne des droits de l’homme examinera la plainte concernant les pouvoirs de surveillance de masse exercés par le gouvernement britannique, a-t-on appris le 5 février 2019.

La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme se prononcera sur l’affaire soumise par Liberty, Privacy International, Amnesty International et plusieurs organisations internationales de défense des droits humains, et sur laquelle une chambre basse avait précédemment statué.

Les organisations de défense des droits humains souhaitent un arrêt définitif qui mettrait fin à l’interception à grande échelle de communications.

Consolider notre victoire

En septembre dernier, Liberty, Privacy International et Amnesty International comptaient parmi les 14 organisations de défense des droits et deux personnes qui ont remporté une victoire historique devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Au terme d’une bataille juridique de cinq années, les juges ont statué que le système de surveillance mis en place par le gouvernement britannique et révélé par le lanceur d’alerte Edward Snowden était illégal.

La Cour a conclu que le système d’interception des communications d’ampleur historique mis en œuvre par le Royaume-Uni violait le droit à la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et le droit à la liberté d’expression, garanti par l’article 10.

Cependant, cet arrêt n’allait pas assez loin concernant l’illégalité des pouvoirs d’interception de masse et les lacunes fondamentales dans le partage entre États des renseignements fondés sur des communications interceptées. Liberty, Privacy International, Amnesty International et d’autres organisations ont par conséquent demandé à la Cour européenne de saisir sa plus haute instance judiciaire, la Grande Chambre.

Un collège de juges a accepté cette requête le 5 février : la Grande Chambre va donc statuer sur les pouvoirs de surveillance de masse conférés au gouvernement et sur leurs conséquences sur les droits humains.

Megan Goulding, avocate à Liberty, a déclaré :

« Le système de surveillance mis en place par le gouvernement britannique compromet sérieusement notre liberté. Espionner un grand nombre de personnes en l’absence de soupçons d’actes répréhensibles constitue une violation des droits de chacun à la vie privée et à la liberté d’expression, et ne saurait en aucun cas être légal.

« Nous saluons l’occasion offerte par la Cour de prouver que l’espionnage d’État indiscriminé n’est pas compatible avec nos droits. Nous avons besoin d’un système de surveillance respectueux des droits et ciblé, et non d’un système où chacun est traité comme un suspect alors qu’il vaque à ses occupations quotidiennes. »

Lucy Claridge, directrice des actions en justice à visée stratégique à Amnesty International, a déclaré :

« Les pratiques de surveillance de masse exercées par le gouvernement britannique sont totalement inacceptables. Il est grand temps d’admettre que les droits à la vie privée et à la liberté d’expression des citoyens n’ont rien de superflu. Il faut mettre un terme à la pratique qui consiste à exercer une surveillance sans discrimination et sans autorisation judiciaire. Cette affaire offre une occasion en or à la Cour européenne de réparer ces préjudices pour de bon.

« Du fait de la surveillance de masse à grande échelle, des organisations comme Amnesty International ont bien du mal à faire leur travail en faveur des droits humains. Il est essentiel qu’elles puissent rechercher et recevoir des informations d’intérêt public émanant de leurs sources confidentielles, sans intrusion du gouvernement. »

Caroline Wilson Palow, directrice juridique de Privacy International, a déclaré :

« Le gouvernement britannique continue d’intercepter des volumes énormes de flux sur Internet qui traversent ses frontières et d’avoir accès à de vastes mines d’informations interceptées par le gouvernement américain. Nous demandons à la Cour de rejeter ces pratiques de surveillance de masse et de les déclarer fondamentalement incompatibles avec les droits à la vie privée et à la liberté d’expression garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. »

Informations complémentaires sur cette affaire

Cette affaire a débuté en 2013, lorsqu’Edward Snowden a révélé que le GCHQ britannique (Quartier général des communications gouvernementales) menait secrètement des opérations d’interception, de traitement et de stockage des données concernant des millions de communications privées de personnes, même lorsque celles-ci ne présentaient manifestement aucun intérêt en matière de renseignement (programme TEMPORA).

Edward Snowden a également révélé que le gouvernement avait accès à des communications et à des données collectées par l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA) et par les services de renseignement d’autres pays.

Tout ceci s’est déroulé sans que les citoyens n’en soient informés ni n’aient donné leur accord, et en l’absence de garanties suffisantes. Les informations recueillies et stockées par le gouvernement peuvent dévoiler les aspects les plus intimes de la vie privée d’une personne – qui elle est, où elle va, avec qui elle est en contact, quels sites Internet elle visite, quelles sont ses opinions.

En 2014, l’Investigatory Powers Tribunal (IPT), la très secrète juridiction britannique chargée d’examiner les plaintes contre le GCHQ, le MI5 (services de contre-espionnage) et le MI6 (services de renseignement), a conclu que ces pratiques pouvaient en principe être conformes aux obligations du Royaume-Uni en matière de droits humains. C’est cette décision qui a été contestée devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Toutefois, lors de la procédure initiale, l’Investigatory Powers Tribunal a estimé que les services de renseignement britanniques avaient illégalement espionné les communications d’Amnesty International et du Legal Resources Centre d’Afrique du Sud, et que le partage d’informations des services de renseignement britanniques avec les États-Unis, régi par des dispositions juridiques secrètes, était illégal jusqu’à sa révélation durant la procédure.

Le 13 septembre 2018, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que les lois britanniques autorisant la surveillance de masse violent les droits à la vie privée et à la liberté d’expression.

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