Grèce. À la suite de la décision de la Cour européenne des droits de l’homme, Amnesty International rappelle ses profondes préoccupations concernant les conditions de détention des demandeurs d’asile

Déclaration publique

À la suite de l’arrêt rendu le 11 juin 2009 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire S. D. c. Grèce (requête n° 53541/07), Amnesty International rappelle les graves préoccupations qui sont les siennes concernant les conditions de détention des demandeurs d’asile et les carences de la procédure d’asile en Grèce.

Le requérant, un journaliste turc, avait demandé l’asile en Grèce le 12 mai 2007. Il avait été arrêté et détenu durant deux mois dans les centres de Soufli et de Petrou Ralli, les autorités ayant entamé contre lui une procédure d’éloignement. Il affirmait que le traitement infligé par les autorités avait violé son droit de ne pas subir de torture et d’autres traitements inhumains et dégradants, son droit à la liberté et son droit de contester la légalité de sa détention, droits garantis par l’article 3 et l’article 5 (alinéas 1 et 4) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme).

La Cour européenne des droits de l’homme a conclu dans son arrêt du 11 juin 2009 que les conditions dans lesquelles le requérant a été détenu, caractérisées en particulier par la privation d’assistance médicale, l’absence d’exercice physique et l’impossibilité de communiquer avec le monde extérieur, et la durée excessive de cette privation de liberté dans ces circonstances, constituaient un traitement dégradant. La Cour a relevé que les allégations du requérant concernant les conditions de détention dans le centre de Soufli étaient corroborées par les informations recueillies par plusieurs institutions et organisations non gouvernementales internationales. Ces allégations n’ont par ailleurs pas été explicitement contredites par le gouvernement grec. La Cour a également estimé que les conditions régnant au centre de Petrou Ralli, telles que décrites par le Comité européen pour la prévention de la torture, étaient inacceptables.

Concernant la légalité de la détention, la Cour a noté que la demande d’asile du requérant n’avait été enregistrée qu’à sa troisième tentative, le 17 mai 2007, et que, en l’arrêtant et le plaçant en détention, les autorités n’avaient ensuite pas pris en compte sa qualité de demandeur d’asile. Elle a estimé que, dans l’attente de l’examen de sa demande de protection internationale, le requérant ne pouvait être expulsé et que sa détention en vue de son éloignement n’avait aucun fondement en droit grec, tout au moins après la date d’enregistrement officiel de sa demande d’asile. La Cour a ainsi conclu que la détention du requérant était illégale et constituait une violation de l’article 5-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit à la liberté.

La Cour a estimé que les personnes qui, comme le requérant, ne pouvaient être expulsées dans l’attente de la décision concernant leur demande d’asile, et ne pouvaient contester devant un tribunal la légalité de leur détention, se trouvaient dans un vide juridique. Elle a conclu que l’impossibilité pour le requérant d’obtenir une décision sur cette question constituait une violation de l’article 5-4 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui garantit le droit de toutes les personnes détenues d’introduire un recours devant un tribunal afin qu’il statue sur la légalité de la détention.

L’arrêt de la Cour reprend les préoccupations exprimées de longue date par Amnesty International quant au traitement des demandeurs d’asile et des migrants en Grèce. L’organisation a recueilli des éléments montrant que les migrants et les demandeurs d’asile continuent dans certains cas d’être détenus dans des conditions effarantes, dans des locaux surpeuplés et insalubres. Elle a fait part de ses craintes que de telles conditions ne constituent un traitement cruel, inhumain ou dégradant, en violation du droit international relatif aux droits humains.

Amnesty International s’est également déclarée préoccupée par les lacunes de la procédure d’asile en Grèce, en particulier par le fait que les autorités refusent l’accès de la procédure à certaines personnes, par le rejet systématique des demandes en première instance et par le caractère arbitraire du placement en détention des demandeurs d’asile et des migrants.

Dans le système actuel, en outre, les demandes d’asile doivent être faites dès l’arrivée dans le pays, et aucune disposition particulière n’est prévue pour permettre aux personnes arrêtées à leur arrivée d’accéder à la procédure.

Amnesty International est opposée au placement en détention des demandeurs d’asile, sauf dans les circonstances très exceptionnelles prévues par le droit international. La détention ne doit être utilisée qu’en dernier ressort, après que des mesures non privatives de liberté ont été envisagées ; elle ne doit être appliquée qu’en cas de stricte nécessité et de manière proportionnée à l’objectif à atteindre. Tout demandeur d’asile placé en détention doit être promptement traduit devant une autorité judiciaire et avoir la possibilité de contester la légalité de la décision en vertu de laquelle il est privé de liberté.

Amnesty International demande à la Grèce de se conformer aux obligations qui sont les siennes au regard du droit international relatif aux droits humains et de porter à un niveau acceptable les conditions régnant dans les centres où sont détenus les demandeurs d’asile et les migrants. Elle appelle également les autorités grecques à appliquer l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire S. D. c. Grèce, qui devient définitif si aucune des parties n’a demandé dans un délai de trois mois le renvoi devant la Grande Chambre de la Cour.

Pour en savoir plus sur les préoccupations d’Amnesty International concernant le traitement des demandeurs d’asile et des migrants en Grèce, veuillez consulter :

Greece : Out of the Spotlight : The rights of foreigners and minorities are still a grey area, voir ICI
Grèce. Il faut protéger les droits des plus vulnérables, voir ICI

Rapport 2008 d’Amnesty International – La situation des droits humains dans le monde

Rapport 2009 d’Amnesty International – La situation des droits humains dans le monde


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