Grèce. Les réformes prévues par le gouvernement doivent respecter pleinement le droit à l’objection de conscience

Déclaration publique

14 mai 2010 -
Index AI : EUR 25/004/2010

À l’occasion de la Journée internationale de l’objection de conscience, le 15 mai, Amnesty International exhorte les autorités grecques à faire en sorte que les projets gouvernementaux de réforme de la législation relative au droit à l’objection de conscience au service militaire soient pleinement conformes aux normes internationales.

Bien que la première loi offrant la possibilité d’effectuer un service civil de remplacement ait été adoptée il y a 13 ans, la Grèce viole constamment les droits des objecteurs de conscience, au mépris des normes européennes et internationales.

Outre le fait qu’ils fassent l’objet de poursuites pénales et soient régulièrement condamnés en raison de leurs convictions, les objecteurs de conscience grecs sont confrontés à toute une série d’autres obstacles. Ainsi, le statut d’objecteur de conscience ne peut être demandé qu’avant l’enrôlement dans les forces armées et peut être révoqué pour des motifs tels que la pratique d’activités syndicales ou la participation à des grèves pendant la durée du service de remplacement. Par ailleurs, les dispositions législatives relatives au service civil peuvent être suspendues en temps de guerre sur décision du ministre de la Défense nationale. De plus, le service de remplacement n’est pas organisé par une autorité civile, mais par le ministère de la Défense nationale. Celui-ci statue sur les demandes, après avis d’un comité spécial composé de cinq membres, dont deux militaires.
Des problèmes émaillent également la procédure de demande du statut d’objecteur de conscience : il peut s’agir d’obstacles comme des dates limites strictes et des difficultés à obtenir les documents nécessaires, ou bien de décisions contestables prises par le comité spécial, principalement lorsque les demandes ne sont pas liées à des motifs religieux. De plus, la grande majorité des conscrits n’ont toujours pas connaissance de la possibilité d’effectuer un service civil en lieu et place du service militaire.
Amnesty International reconnaît que la récente décision du ministre de la Défense nationale concernant la réduction de la durée du service civil de 17 à 15 mois constitue une mesure positive. Néanmoins, l’organisation considère que la réforme envisagée maintiendra le caractère punitif du service civil dans sa nature et sa durée pour la majorité des conscrits, car une importante proportion d’entre eux (environ 80 % actuellement) est affectée à l’armée de terre, où le service militaire ne dure que neuf mois.

Amnesty International exhorte les autorités grecques à modifier sans délai la législation nationale en question, afin de veiller à ce que :

• le service de remplacement ne soit pas discriminatoire et punitif en termes de durée, et ce pour tous les conscrits, y compris ceux affectés à l’armée de terre ;

• l’organisation de ce service, notamment l’examen des demandes et toute procédure juridique qui pourrait s’ensuivre, soit confiée à une autorité civile ;

• les objecteurs de conscience aient le droit de demander ce statut à tout moment, que ce soit avant, pendant ou après leur enrôlement dans les forces armées ;

• le droit à l’objection de conscience s’applique à tout moment, aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre ;

• le statut d’objecteur de conscience et, par conséquent, le droit à un service civil de remplacement ne soit jamais révoqué en raison de la pratique d’activités syndicales, ni de la participation à une grève, ni de manquements disciplinaires, qui sont actuellement des motifs de révocation.

Amnesty International exhorte également les autorités grecques :

• à mettre fin aux poursuites engagées à l’encontre d’objecteurs de conscience et à permettre à ces personnes de recouvrer pleinement leurs droits civils et politiques ;

• à veiller à ce que, en droit comme dans la pratique, les objecteurs de conscience ne soient pas discriminés quant aux conditions de leur service ou à leurs droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques ;

• à éliminer les problèmes qui émaillent la procédure de demande de participation au service de remplacement ;

• à garantir la disponibilité d’informations adaptées et opportunes relatives au droit à l’objection de conscience au service militaire ainsi que la possibilité d’obtenir le statut d’objecteur de conscience pour toutes les personnes concernées par le service militaire.

Enfin, Amnesty International souhaite attirer l’attention des autorités grecques sur la récente recommandation faite par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe à ses États membres au sujet des droits fondamentaux des personnes appartenant aux forces armées (CM/Rec(2010)4, 24 février 2010). Ce texte stipule, entre autres, que les conscrits doivent pouvoir obtenir le statut d’objecteur de conscience et qu’un service civil de remplacement doit leur être proposé. Il dispose également que les militaires professionnels doivent pouvoir quitter les forces armées pour des raisons de conscience et que ceux qui l’ont fait en toute légalité ne doivent pas être victimes de discrimination ni faire l’objet de poursuites pénales.

Complément d’information

En 2010, des objecteurs de conscience ont encore été condamnés. Le 18 février, la cour d’appel militaire d’Athènes a confirmé la condamnation pour désertion prononcée contre Giorgos Monastiriotis par le tribunal naval du Pirée et l’a condamné à cinq mois d’emprisonnement avec sursis. En février 2008, ce tribunal avait condamné cet homme à 10 mois d’emprisonnement avec sursis pour une troisième accusation de désertion, au motif qu’il n’avait pas réintégré son unité après sa deuxième libération de prison. Giorgos Monastiriotis, ancien militaire de carrière, avait refusé de suivre son unité lorsqu’elle avait été envoyée dans le golfe Persique en 2003, en invoquant des raisons de conscience. Il a été condamné plusieurs fois en raison de ses convictions.

Le 19 février, Evangelos Mihalopoulos, qui a refusé d’effectuer le service de remplacement en 2007 pour des raisons de conscience, a été condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis pour insubordination par le tribunal militaire d’Athènes.

Le droit à l’objection de conscience au service militaire s’inscrit dans l’exercice légitime des droits fondamentaux à la liberté de pensée, de conscience et de religion, consacrés par la Constitution grecque (articles 13 et 14) ainsi que par les traités internationaux relatifs aux droits humains auxquels la Grèce est partie, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 18), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 18) et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 9).

L’article 14 (7) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays. »

Vous trouverez des informations sur le même thème dans les textes suivants :
Greece : ‘Cease fire’ for the conscientious objectors, index AI :EUR 25/003/2005, 17 janvier 2005 (en anglais)

Grèce. Par une décision historique, un tribunal militaire reconnaît le droit à l’objection de conscience pour les anciens conscrits, index AI : EUR 25/004/2005, 31 mars 2005

Grèce. Objecteurs de conscience : la persécution n’est pas la solution, index AI : EUR 25/002/2006, 29 mars 2006 (document public)

Greece : High time to comply full with European standards on conscientious objection, index AI : EUR 25/003/2006, 30 avril 2006 (rapport)

Greece : Lazaros Petromelidis repeatedly convicted for his beliefs, index AI : EUR 25/003/2008, 20 mars 2008 (document public)

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