Communiqué de presse

Grèce. Sur l’île de Lesbos, un nombre record de réfugiés sont accueillis dans le chaos et des conditions sordides

Des personnes souffrent et meurent à nos frontières, arrêtons ça !

Le manque de coordination et la grave pénurie de structures et d’effectifs se traduisent par des conditions effroyables pour les centaines de réfugiés et de migrants qui débarquent chaque jour sur l’île grecque de Lesbos, première voie d’entrée en Grèce, a déclaré Amnesty International au retour d’une équipe de chercheurs partie en mission sur l’île.

Les autorités, débordées et manquant de ressources, ne parviennent pas à faire face à la très forte hausse du nombre de personnes qui débarquent sur l’île – 33 000 depuis le 1er août. Elles doivent compter sur les bénévoles locaux, les militants d’ONG, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les touristes pour s’engouffrer dans cette énorme brèche. L’immense majorité fuit les conflits en Afghanistan, en Irak et en Syrie : selon le HCR, ils représentent 90 % des nouveaux arrivants en 2015.

« Le dur périple entrepris par ceux qui fuient les conflits ne se termine pas sur les côtes grecques. Contraints de marcher de longues distances sous des chaleurs torrides et de séjourner dans des camps sordides ou en plein air, les réfugiés et les demandeurs d’asile ne voient guère d’autre solution que de poursuivre leur voyage, contribuant ainsi au désastre auquel nous avons assisté ces derniers jours à la frontière de la Macédoine », a déclaré Gauri van Gulik, directrice adjointe du programme Europe et Asie centrale à Amnesty International.

« Ce n’est pas qu’une tragédie grecque, mais une crise européenne. Elle se déroule sous les yeux de dirigeants européens dépourvus de vision à long terme qui préfèrent sécuriser les frontières plutôt que de venir en aide aux survivants de conflits. Le monde connaît la pire crise des réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale. Les frontières de l’Europe ont besoin, non pas de clôtures, mais de points d’entrée sûrs pour les réfugiés et de structures pour les accueillir dignement. »

Le 24 août, la police de Lesbos a déclaré à Amnesty International que, selon ses estimations, plus de 33 000 réfugies et migrants ont débarqué sur l’île depuis le 1er août. Des centaines continuent d’arriver chaque jour : 1 450 dans la seule nuit du 10 au 11 août.

Si Kos, Chios et d’autres îles grecques en mer Égée voient également débarquer des réfugiés et des migrants qui traversent depuis la Turquie, Lesbos est la première destination : plus de 93 000 déjà en 2015, soit plus de sept fois le chiffre de 12 187 arrivées recensées sur l’ensemble de l’année 2014. Plus de 160 000 migrants et réfugiés sont arrivés sur le territoire grec depuis le début de l’année 2015 – ils étaient 45 412 en 2014.

Des conditions d’accueil sordides

L’équipe d’Amnesty International a constaté des conditions déplorables, caractérisées par la surpopulation et le manque d’hygiène, au centre de détention des services de l’immigration de Moria, sur l’île de Lesbos : toilettes bouchées, absence de draps et de couvertures, matelas vieux et souillés, et lits cassés. Selon la police de Lesbos, ils ne disposent pas des fonds nécessaires pour améliorer la situation.

Un réfugié d’origine afghane a déclaré à Amnesty International :

« Les mots ne suffisent pas pour décrire [les conditions]… L’odeur est immonde… Il n’y a pas de savon, pas de vêtements, et tout est cassé. …Il n’y a rien pour les bébés, pas même du lait… [La police] crie sans cesse... Hier matin, ils ont coupé l’électricité et jusqu’à l’heure du déjeuner, nous n’avions pas d’électricité et cela sentait terriblement mauvais dans nos chambres [alors nous avons dormi dehors]…  ».

Ceux qui attendent à l’extérieur du centre surpeuplé que des places se libèrent s’installent dans des tentes, sous des filets d’oliveraies, ou endurent des températures de 35 °C sans aucune protection.

Des réfugiés syriens installés dans des tentes sur un parking

Les réfugiés syriens qui arrivent à Lesbos sont envoyés dans le camp de Kara Tepe, où ils attendent un ou deux jours avant d’obtenir les papiers qui les autorisent à poursuivre jusqu’à Athènes. Kara Tepe est un camp improvisé, non géré, installé par le maire local sur un parking.

Destiné à accueillir 500 personnes, il est plus que bondé : plus de 1 500 personnes s’y entassent en même temps. Les tentes, les toilettes et les douches sont en nombre insuffisant. La nourriture est distribuée par les policiers et les ONG, avec peu de coordination de la part des autorités grecques. C’est l’ONG Médecins Sans Frontières (MSF) qui se charge d’évacuer les ordures, et de nettoyer et d’entretenir les toilettes et les douches.

Des migrants et des réfugiés contraints de parcourir des kilomètres à pied

Quatre bus seulement sont disponibles pour transporter les centaines de personnes qui débarquent sur l’île chaque jour. La plupart sont donc contraintes de parcourir à pied les 70 kilomètres qui séparent les côtes nord de l’île du centre d’accueil situé dans la capitale, Mytilène.

Amnesty International a vu plus de 100 réfugiés, principalement des Syriens et des Afghans, dont des familles avec de jeunes enfants et des vieillards, marcher jusqu’à épuisement par des températures dépassant les 35 °C. En l’absence d’aide de la part des autorités, des habitants, des touristes et des militants leur ont donné de l’eau et de la nourriture.

Des réfugiés syriens ont raconté à Amnesty International à quel point ce trajet était éprouvant pour les familles et les personnes âgées :

«  Il y a des femmes avec des bébés, et il n’y a pas de bus... Nous sommes jeunes, et nous y arriverons, mais eux ? »

Le manque d’effectifs prolonge les souffrances

Une fois parvenus à la capitale de l’île, Mytilène, ils attendent d’être enregistrés par les garde-côtes. Amnesty International a vu 200 personnes faire la queue sous une chaleur étouffante. Il n’y a pas d’interprète pour aider les garde-côtes à traiter les arrivées et les médecins bénévoles manquent pour examiner les arrivants, à l’exception des cas les plus urgents.

Des garde-côtes grecs ont déclaré à Amnesty International que leurs effectifs se limitaient à 10 personnes pour enregistrer les centaines de réfugiés qui arrivent chaque jour ; ils peuvent toutefois compter sur l’appui d’ONG qui fournissent des informations et une aide médicale.

La crise des réfugiés sur l’île exige un plan d’urgence

Amnesty International demande aux autorités grecques, avec le soutien financier et logistique de l’Union européenne (UE), de mettre sur pied un plan d’urgence pour faire face à la crise que connaissent Lesbos et les îles grecques. Elles doivent de toute urgence ouvrir le nouveau centre de premier accueil à Moria et :
• accroître le nombre d’unités mobiles de premier accueil, et renforcer les effectifs de police, de garde-côtes et d’interprètes, afin de traiter les nouvelles arrivées ;
• augmenter le nombre de bus pour transporter les migrants et réfugiés jusqu’à Mytilène, jusqu’au centre de détention de Moria et jusqu’au camp de Kara Tepe ;
• améliorer les conditions dans les camps improvisés et au port, notamment en fournissant des services élémentaires comme des soins, des abris, de l’eau et un plus grand nombre de toilettes et de douches ;
• utiliser à bon escient et sans plus attendre les fonds de l’UE pour améliorer les conditions d’accueil ;
• gérer officiellement les camps informels mis en place pour faire face à l’afflux ;
• ouvrir de nouveaux centres d’accueil dans le nord de Lesbos, où arrivent la plupart des réfugiés et migrants.

« La crise économique et la crise des réfugiés convergent à Lesbos et sur les autres îles de la mer Égée, et ce sont les réfugiés et les migrants qui en paient le prix fort », a déclaré Gauri van Gulik.

« Les fonds annoncés par l’UE peuvent aider la Grèce à réagir, mais il est clair qu’elle a besoin d’une aide opérationnelle pour faire usage de ces fonds. Plus important encore, l’Europe doit soulager la pression exercée sur la Grèce à plus long terme en proposant des itinéraires d’accès sûrs et légaux à ceux qui ont besoin de protection. Tant qu’elle ne le fera pas, l’Europe sera directement responsable de ce qui se déroule à Lesbos et ailleurs, sur le front de la crise des réfugiés. »

Complément d’information

La crise en Grèce accroît également la pression sur la Macédoine et la Serbie : des milliers de réfugiés et migrants quittent la Grèce et passent par l’ouest des Balkans pour entrer de nouveau dans l’UE via la Hongrie. Amnesty International a recueilli des informations sur les défaillances des systèmes d’asile et les atteintes aux droits humains commises récemment le long de cet itinéraire. En fin de semaine dernière, la Macédoine a décrété l’état d’urgence le long de sa frontière avec la Grèce, alors que des milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile, principalement des Syriens, des Afghans et des Irakiens, étaient pris au piège à la frontière.

Le 24 août au matin, un bateau transportant 15 réfugies a chaviré près de Skala Sykamias, à Lesbos. Selon des informations non confirmées, une opération de recherche et de secours a permis de sauver huit réfugiés ; deux se sont noyés et les garde-côtes recherchent encore six personnes.

Voir aussi :
Le 25 juin 2015, Amnesty International a averti que les îles grecques faisaient face à un afflux de réfugiés et a demandé aux dirigeants européens d’agir.

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