Communiqué de presse

Grèce. Trente-trois travailleurs migrants vivent dans la peur depuis leur agression à Manolada

Les victimes d’une fusillade qui a eu lieu récemment dans une plantation de fraises dans le sud de la Grèce craignent encore pour leurs moyens de subsistance et pour leur vie, a déclaré Amnesty International après s’être rendue sur place.

Le 17 avril 2013, plusieurs responsables de cette exploitation agricole ont tiré sur 33 travailleurs bangladais, qui n’ont pas été payés depuis sept mois, lorsque ceux-ci ont rejoint un mouvement de protestation pour réclamer leur salaire. Huit d’entre eux ont été grièvement blessés.

« Ils nous ont frappé et nous ont dit "on va vous tuer". Trois d’entre eux nous tiraient dessus pendant que les autres nous frappaient avec des bâtons. Les coups de feu ont duré pendant plus de 20 minutes », a raconté un des travailleurs à une délégation d’Amnesty International restée quelques jours sur place après les faits.

Celle-ci a pu observer la situation épouvantable de ces salariés, dont des adolescents, qui habitent dans des abris surpeuplés sans accès à l’eau potable et à des installations sanitaires.

« Les conditions de vie que nous avons constatées à Manolada ne sont qu’un aperçu choquant du milieu effroyable que doivent supporter des milliers de travailleurs migrants à travers la région, a déclaré Kondylia Gogou, chercheuse sur la Grèce à Amnesty International.

« Si nous pouvons saluer la réaction rapide des autorités grecques après la fusillade, davantage doit être fait pour lutter contre cette situation désastreuse et l’exploitation de la main-d’œuvre qui sont à l’origine du mouvement de protestation des travailleurs migrants bangladais. De telles conditions de travail et de vie sont inacceptables dans l’Europe du XXIe siècle. »

Exploitation de la main-d’œuvre

Les autorités grecques ont rapidement condamné les événements de la semaine dernière, qui sont dus au mouvement de protestation organisé par environ 200 travailleurs qui n’ont pas reçu leur salaire depuis sept mois. Une enquête est actuellement en cours et quatre suspects ont été arrêtés, à savoir le propriétaire et trois responsables de l’exploitation agricole.

Cependant, les autorités doivent encore prendre des mesures de toute urgence pour s’attaquer au problème de longue date que constitue l’exploitation de la main-d’œuvre, illustrée par ces faits.

La fusillade de la semaine passée est le point d’orgue de mois de négligence et d’exploitation de milliers de travailleurs migrants dans la région de Manolada.

D’après les informations dont dispose Amnesty International, environ 2 000 Bangladais et plus de 3 000 personnes originaires d’autres pays, tels que la Bulgarie et l’Albanie, travaillent dans cette zone. Certains ont obtenu des permis de séjour ou déposé des demandes d’asile, mais les autres sont en situation irrégulière et ne bénéficient d’aucune assurance et d’aucun accès à des soins médicaux.

Les salariés vivent près de l’exploitation agricole ; Amnesty International a visité plusieurs de ces abris, faits principalement de bâches en plastique et où vivent plus de 20 personnes. Il n’y a aucune installation sanitaire à proximité et un tuyau d’arrosage constitue l’unique accès à l’eau courante.

Un des représentants de ces travailleurs, qui vit en Grèce depuis 15 ans, a raconté à Amnesty International que les Bangladais s’étaient vu promettre le maigre salaire de 3,15 euros de l’heure pour sept heures de travail par jour, mais qu’au moment de la manifestation de la semaine passée, ils n’avaient pas été payés depuis sept mois. Les salariés ont également expliqué devoir payer 20 euros de loyer par mois, soit près d’un jour de salaire, pour pouvoir habiter dans les abris près de l’exploitation.

Sept des Bangladais blessés lors de la fusillade sont encore à l’hôpital. La sécurité des autres travailleurs suscite de vives inquiétudes.

« En venant à Manolada, nous avons pu confirmer le climat de peur et de danger dans lequel vivent les cueilleurs de fraises, qui sont encore ébranlés par l’agression violente de la semaine passée, et nous avons constaté à quel point ils sont désespérés de ne pas être payés et de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles. La triste vérité, c’est que beaucoup d’entre eux se sentent piégés mais ils n’ont pas d’autre choix que de continuer à travailler là », a ajouté Kondylia Gogou.

Une vieille histoire

Depuis 2008, les médias grecs rendent compte de la situation des cueilleurs de fraises à Manolada, évoquant notamment leurs faibles salaires, leurs conditions de vie déplorables et les mauvais traitements qu’ils subissent.

Certains journalistes ayant relaté ces faits ont reçu des menaces. En avril 2011, plusieurs responsables de l’exploitation agricole ont frappé et menacé un journaliste et un photographe travaillant pour le journal VIMA.

Les journalistes Makis Nodaros et Dina Daskalopoulou ont expliqué à Amnesty International avoir reçu des menaces après avoir réalisé un reportage sur le trafic d’êtres humains et l’exploitation des travailleurs migrants dans cette région depuis 2008 ; une autre journaliste a raconté à l’organisation avoir fait l’objet de manœuvres d’intimidation pour avoir enquêté sur cette même entreprise.

« Les agressions et menaces visant des journalistes ne doivent pas être tolérées. Les autorités grecques doivent faire le nécessaire pour améliorer la situation des travailleurs migrants, sur laquelle les journalistes essayent d’obtenir des informations », a déclaré Kondylia Gogou.

Amnesty International précise que les travailleurs migrants de Manolada ont le droit d’obtenir réparation pour l’exploitation dont ils ont été victimes, ce qui comprend un accès adapté aux voies de recours.

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