Communiqué de presse

Grèce. Violations présumées dans le cadre du maintien de l’ordre lors de la manifestation du 11 mai 2011

Amnesty International exhorte les autorités grecques à diligenter une véritable enquête, indépendante et approfondie, sur les opérations de maintien de l’ordre déployées lors d’une manifestation le mois dernier, alors que des allégations persistantes attribuent à la police un recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques. Ces allégations ont pour toile de fond les manquements structurels observés de longue date dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, et notamment l’incapacité ou la réticence des responsables de l’application des lois à respecter les normes internationales en matière de droits humains.

Les manifestants, qui protestaient contre les mesures d’austérité introduites par le gouvernement, ont défilé à Athènes le 11 mai. Des sources non officielles signalent que plus de 30 manifestants ont dû se faire soigner à l’hôpital ; deux d’entre eux étaient grièvement blessés. Des sources policières ont indiqué que 15 des leurs avaient été blessés.

Des personnes ayant été blessées et d’autres manifestants ont affirmé à Amnesty International et à plusieurs médias que la police a soumis les manifestants à des mauvais traitements et recouru à une force excessive.

Le point d’incandescence, d’après ces témoignages, a été atteint vers la fin de la manifestation, à 14 heures environ, lorsqu’un grand nombre de policiers antiémeutes ont encerclé un grand nombre de manifestants pacifiques descendant la rue Panepistimiou et marchant en direction du Propylée, et ont commencé à les frapper. Au même moment, la police s’est mise à asperger les manifestants de ce qui a été décrit comme « des produits chimiques en quantité excessive ». Des grenades flash auraient par ailleurs été jetées au milieu des manifestants et dans leur direction. Selon certaines des personnes blessées, les policiers leur visaient la tête avec leur matraque. Il a également été signalé que les policiers antiémeutes utilisaient le manche de leur matraque pour frapper les manifestants. Des photos rendues publiques par divers médias le lendemain ont confirmé que les matraques avaient été utilisées de cette façon ; elles ont aussi montré des manifestants avec des blessures visibles à la tête.

Des séquences vidéo diffusées par divers médias ont en outre donné à voir un manifestant tombé à terre dans la rue Panepistimiou se faire frapper à la tête par un policier antiémeutes armé d’une matraque, sur le corps par un autre policier utilisant son bouclier, tandis que deux autres policiers lui donnaient des coups de pied. Aucune des séquences vidéo disponibles ne montre ce manifestant faire preuve de violence.

Parmi les autres informations relayées, un syndicaliste a été soumis à des mauvais traitements vers 14 heures par trois à quatre policiers antiémeutes appartenant à une des deux unités descendues sur le quai de la station de métro de Sydagma, et des séquences filmées ce jour-là et diffusées sur Internet auraient été enregistrées dans les rues Stournari et George à Athènes. On peut voir dans celles-ci un policier antiémeutes donner des coups de genou répétés à une personne arrêtée, agenouillée devant une voiture, tandis que d’autres policiers s’abstiennent d’intervenir.

D’après des informations reçues par les représentants du syndicat des médecins hospitaliers d’Athènes et du Pirée et de la fédération des médecins hospitaliers de Grèce à la suite des événements qui se sont déroulés dans la rue Panepistimiou, plus de 30 manifestants ont été transférés dans les services des urgences hospitalières ; la plupart avaient des lésions à la tête. Certains manifestants auraient déclaré qu’il était possible que les policiers antiémeutes les aient frappés avec des armes autres que des matraques. Par ailleurs, deux des manifestants hospitalisés ont été très grièvement blessés. L’un d’entre eux, Yiannis Kafkas, qui souffrait d’une grave lésion à la tête, a été opéré d’urgence ; il est resté au service des soins intensifs dans un état critique jusqu’au 20 mai 2011. Yiannis Kafkas serait sorti de l’hôpital le 30 mai 2011.

Les craintes d’Amnesty International, déjà aiguës, ne cessent de grandir car c’est la deuxième fois en six mois que de nombreux manifestants ont semble-t-il dû se faire soigner à l’hôpital pour des blessures, à la tête notamment, après que avoir été manifestement soumis par des policiers antiémeutes à des mauvais traitements et à une force excessive. Au moment de la première manifestation, il avait déjà été signalé que la police avait fait un recours excessif à la force contre des manifestants pacifiques et en avait maltraité certains lors d’une action commémorative visant à marquer le deuxième anniversaire de la mort d’Alexandros Gregoropoulos, le 6 décembre 2010. Un certain nombre de manifestants auraient alors dû recevoir des soins à l’hôpital ; 45 d’entre eux avaient été blessés (notamment à la tête) et une trentaine souffraient des conséquences d’une utilisation excessive de gaz lacrymogène et d’autres substances.

Dans un communiqué de presse diffusé l’après-midi de la manifestation du 11 mai, la direction générale de la police d’Athènes a fait référence à certains épisodes survenus après que des manifestants eurent attaqué des policiers en leur jetant des cocktails Molotov et des pierres, et annoncé que 30 manifestants avaient été transférés dans des postes de police. Douze d’entre eux auraient été arrêtés. Le communiqué de presse précisait que 15 policiers avaient été blessés lors de ces affrontements. Le communiqué ne faisait aucune référence aux manifestants blessés. Plus tard ce jour-là, la police grecque a déclaré entre autres choses qu’elle avait été notifiée du cas d’un manifestant grièvement blessé et que des policiers chevronnés enquêtaient sur l’affaire.

Le 12 mai 2011, toujours concernant ce cas, les autorités ont indiqué qu’« une enquête a été ouverte sous l’autorité d’un procureur afin que les circonstances dans lesquelles le manifestant Yiannis Kafkas a reçu ses blessures soient établies et qu’il soit déterminé si des policiers en sont responsables. » Ce même jour, les autorités ont également annoncé qu’à la suite de l’enquête menée en relation avec les séquences vidéo montrant des policiers antiémeutes frapper un manifestant à terre, les trois policiers en question avaient été suspendus, de même que le responsable de leur unité. Amnesty International a cru comprendre qu’une enquête disciplinaire avait été ouverte sur ce qui s’est passé.

Dans un discours prononcé à la suite de cette affaire devant des représentants des organes responsables de l’application des lois, le ministre chargé de la protection des citoyens a fait remarquer, entre autres choses, qu’il semblait y avoir un déficit de démocratie au sein des services de police, et a déclaré qu’il fallait prendre toutes les mesures requises afin d’insuffler un nouvel esprit au fonctionnement de ces organes. Celles-ci incluraient un renforcement des programmes de formation au sein des organes chargés de faire respecter la loi, en particulier ceux qui sont en première ligne des opérations de maintien de l’ordre, et des sanctions exemplaires vis-à-vis des responsables de l’application des lois ayant recouru à la violence contre les civils. Si elle prend bonne note de ces déclarations, Amnesty International continue à craindre que le ministre n’ait fait référence qu’à des épisodes de violence isolés et des exemples de comportements arbitraires de la part de policiers, au lieu de convenir de l’existence d’un problème structurel plus profond.

Amnesty International reconnaît que les agents des forces de l’ordre ont la responsabilité et le devoir d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Néanmoins, les opérations de maintien de l’ordre lors de manifestations doivent être conformes aux normes internationales, parmi lesquelles figure l’obligation d’agir de façon modérée et proportionnellement à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre, de réduire autant que possible les dommages humains et matériels, et de respecter et préserver la vie humaine. Lors de leur intervention face aux manifestants le 11 mai, cependant, les policiers ont manifestement fait usage de la force en violation de ces normes.

Amnesty International demande l’ouverture d’une véritable enquête, indépendante et rigoureuse, dans les meilleurs délais sur toutes les allégations de mauvais traitements imputés à des policiers et de recours excessif à la force au cours de la manifestation du 11 mai, et la traduction en justice de tout responsable présumé de violations des droits humains.

Face à la gravité des allégations de mauvais traitements et de recours à une force excessive contre des manifestants non violents dans la rue Panepistimiou, l’organisation souhaite par ailleurs demander l’ouverture d’une véritable enquête, indépendante et rigoureuse, sur les opérations de maintien de l’ordre le 11 mai 2011.

Amnesty International a, à plusieurs occasions, fait part de ses inquiétudes au sujet des allégations répétées et crédibles de recours à une force excessive par la police, et face à l’impunité généralisé dans les affaires de violences policières. L’organisation a donc demandé l’établissement d’un mécanisme indépendant de traitement des plaintes concernant la police, qui serait chargé d’enquêter sur toutes les allégations de violations des droits humains mettant en cause des policiers.

L’organisation souhaite réitérer ses craintes quant à l’indépendance et l’efficacité du mandat du bureau chargé des comportements arbitraires des responsables de l’application des lois tel qu’il est envisagé dans une loi adoptée récemment.

Amnesty International exhorte une nouvelle fois les autorités grecques à se pencher sur les problèmes systémiques caractérisant de longue date les opérations de maintien de l’ordre et sur l’incapacité ou la réticence des responsables de l’application des lois à respecter les normes internationales en matière de droits humains.

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