« Ces initiatives législatives mettent en danger les progrès observés au cours des 10 dernières années en matière d’enquêtes et de poursuites des responsables de violations des droits humains au Guatemala. Ces avancées sont à mettre sur le compte du courage et de la ténacité des victimes, de leurs représentants légaux, des procureurs et des membres et organisations de la société civile qui défendent les droits fondamentaux. Par ailleurs, ces lois compromettraient l’avenir de la lutte contre l’impunité », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.
La possible adoption de la Loi 5257, débattue pour la troisième fois, qui propose de modifier la Loi sur les organisations non gouvernementales de développement, constitue une menace pour les droits à la liberté d’expression et d’association au Guatemala. Elle imposerait des contrôles excessifs et des conditions onéreuses concernant l’enregistrement et la gestion des ONG dans le pays.
Elle confèrerait également de vastes pouvoirs au gouvernement lui permettant de suspendre de manière permanente les activités d’une ONG pour des motifs tels que « troubles à l’ordre public », un terme ambigu dont l’interprétation pourrait déboucher sur la fermeture arbitraire d’organisations de la société civile et le durcissement de la criminalisation, en condamnant au pénal les défenseurs des droits humains qui travaillent au sein de ces organisations.
« Dans le contexte d’actes répétés de stigmatisation, de campagnes de diffamation et d’attaques constantes lancées par des acteurs privés et les autorités guatémaltèques contre les organisations et les défenseurs des droits humains, la Loi 5257 ressemble fort à une tentative d’entraver le travail de ceux qui œuvrent pour la justice et les droits fondamentaux », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
La proposition de loi 5377, qui sera débattue pour la seconde fois, accorderait l’amnistie aux personnes accusées de crimes graves commis durant le conflit armé interne du pays – tels que le génocide, la torture et la disparition forcée – en violation des obligations internationales incombant au Guatemala de ne pas laisser ces actes impunis. La Cour interaméricaine des droits de l’homme et des organismes internationaux de défense des droits humains ont affirmé à plusieurs reprises que les amnisties accordées pour des crimes de droit international ou de graves violations des droits humains vont à l’encontre des obligations incombant aux États qui sont tenus d’enquêter sur ces crimes, et d’en juger et sanctionner les responsables.
La proposition de loi 5377, qui sera débattue pour la seconde fois, accorderait l’amnistie aux personnes accusées de crimes graves commis durant le conflit armé interne du pays – tels que le génocide, la torture et la disparition forcée – en violation des obligations internationales incombant au Guatemala de ne pas laisser ces actes impunis.
Après des décennies d’impunité, en 2008, les premiers cas de violations des droits humains commises durant le conflit armé interne ont été présentés devant les tribunaux. Au moins 30 anciens responsables de l’armée, commissaires militaires et membres des patrouilles d’autodéfense civile (Patrullas de Autodefensa Civil, PAC) ont alors été condamnés pour des crimes tels que la torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, les violences sexuelles et l’esclavage sexuel.
Malgré l’avancement de ces procès historiques, des milliers de victimes attendent toujours que justice soit rendue au Guatemala. Si la Loi 5377 est adoptée, elle conduira à la suspension des enquêtes en cours sur ces crimes et à la libération dans les 24 heures des personnes condamnées par les tribunaux guatémaltèques au cours de la dernière décennie.
« La Loi 5377 représente une grave menace pour les droits des milliers de victimes du conflit interne qui a déchiré le Guatemala de connaître la vérité et d’obtenir justice pour les atrocités qu’elles-mêmes et leurs familles ont subies. En outre, la libération des personnes déjà condamnées ferait courir de grands risques à ceux qui ont participé à ces procès historiques, notamment les victimes, les témoins, leurs représentants légaux, les experts et les procureurs », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
Au lieu d’approuver les Lois 5257 et 5377, qui se traduiraient par de graves reculs dans la lutte pour la justice et les droits humains, le Congrès guatémaltèque doit garantir les droits des victimes de violations des droits humains et favoriser un environnement sûr pour ceux qui défendent chaque jour ces droits.
En savoir plus
Guatemala. Une justice soumise à des pressions (Nouvelle, 7 novembre 2018)