Guatemala : la comparution en justice d’un général pour génocide est source d’espoir pour les victimes

Trente ans après son arrivée au pouvoir, le général à la retraite José Efraín Ríos Montt comparaît cette semaine devant un tribunal pour génocide et crimes contre l’humanité – ce qui constitue, aux yeux d’Amnesty International, une avancée historique.

Le tribunal devant lequel il va comparaître le 26 janvier 2011 va se prononcer sur l’opportunité de le juger pour sa responsabilité dans le génocide qui s’est déroulé entre mars 1982 et août 1983, alors qu’il dirigeait de fait ce pays d’Amérique centrale.

Pendant qu’il était au pouvoir, de nombreux massacres ont eu lieu, principalement dans des villages indigènes mayas situés dans des zones rurales du pays, dans le cadre de la politique de la « terre brûlée » menée par les militaires dans le contexte du conflit armé interne sanglant qui a déchiré le pays pendant 36 ans.

« Il aura fallu attendre 30 ans, mais cette comparution offre enfin une lueur d’espoir aux familles des milliers de victimes qui réclament la fin de l’impunité pour certaines des pires atrocités commises pendant la guerre civile au Guatemala », a déclaré Sebastian Elgueta, chercheur d’Amnesty International sur l’Amérique centrale.

« Les autorités guatémaltèques ne doivent pas manquer cette occasion historique de révéler la vérité, ainsi que d’ouvrir la voie à la justice et à des réparations pour les dizaines de milliers de victimes. »

Une commission Vérité soutenue par les Nations unies a établi dans son rapport, paru en 1999, qu’au cours du conflit interne guatémaltèque, qui a duré 36 ans, quelque 200 000 personnes avaient été tuées ou avaient disparu, et que les forces de sécurité avaient commis plus de 600 massacres, visant principalement des populations indigènes et rurales.

Le général Ríos Montt, aujourd’hui âgé de 85 ans, est poursuivi dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à la suite d’une plainte déposée contre plusieurs anciens responsables militaires par l’Association pour la justice et la réconciliation, qui représente des centaines de victimes de violations des droits humains commises pendant le conflit armé.

Il a toujours rejeté les accusations qui pèsent sur lui.

Selon la commission Vérité soutenue par l’ONU, près de la moitié des violations des droits humains perpétrées pendant les 36 années de conflit armé se sont produites en 1982. Or, cette année-là, le général Ríos Montt a été pendant neuf mois le dirigeant de fait du pays.

Le 1er juillet 1982, trois mois après l’arrivée du général à la tête de l’État, le gouvernement a décrété l’état de siège dans plusieurs régions soupçonnées d’abriter des groupes d’opposition armés, permettant ainsi aux militaires d’arrêter et de détenir des suspects sans inculpation, de s’emparer de maisons et de véhicules privés, et de faire irruption dans les habitations et les bureaux en pleine nuit en toute légalité.

D’après les constatations d’Amnesty International, il en a découlé des violations généralisées des droits humains, constitutives de crimes contre l’humanité – notamment des exécutions extrajudiciaires, des disparitions et des actes de torture – commises par les forces armées guatémaltèques et leurs sympathisants regroupés dans des « patrouilles civiles » armées.

Les massacres de villages entiers d’indigènes non-combattants étaient à l’époque monnaie courante. Souvent, les soldats torturaient les habitants – notamment en violant les femmes et les jeunes filles – avant de tous les exécuter.

L’un des pires massacres a eu lieu en juillet 1982 dans le village de Plan de Sánchez, près de la ville de Rabinal (centre du pays), où 268 paysans et indigènes ont trouvé la mort.

Le 18 juillet 1982, au petit matin, deux grenades ont été tirées au mortier sur Pan de Sánchez à l’heure où les paysans partaient pour le marché de Rabinal. L’après-midi, une soixantaine de personnes en uniformes militaires, brandissant des fusils d’assaut, ont fait irruption dans le village et ont commencé à rassembler ses habitants, des indigènes de l’ethnie maya-achí.

Une vingtaine de jeunes filles âgées de 12 à 20 ans ont été emmenées dans une maison, où elles ont été brutalisées, violées et assassinées. D’autres enfants ont été battus à mort, tandis que des adultes étaient enfermés dans une maison puis soumis par les soldats à des tirs sans discrimination et à des attaques à la grenade à main.

En décembre 1982, neuf mois après l’arrivée au pouvoir du général Ríos Montt, des soldats d’une unité d’élite guatémaltèque sont entrés dans le village de Dos Erres, dans le département du Petén (nord du pays), et ont torturé et tué quelque 250 hommes, femmes et enfants pendant trois jours avant de raser le village. Là encore, la plupart des femmes et des jeunes filles ont été violées et de nombreux villageois, notamment des enfants, ont été jetés dans le puits du village.

En tant que commandant en chef de l’armée guatémaltèque en 1982 et en 1983, le général Ríos Montt était au sommet de la chaîne de commandement. Or, en vertu du droit international, les personnes qui exercent une responsabilité hiérarchique peuvent être tenues pénalement pour responsables des graves violations des droits humains commises par leurs subalternes.

Quatre anciens soldats qui avaient participé au massacre de Dos Erres ont été jugés en 2010 et condamnés à plus de 6 000 ans de prison pour leur rôle dans ces atrocités.

En revanche, à ce jour, aucun de ceux qui occupaient les plus hauts postes de commandement lors des nombreux massacres, dont celui de Dos Erres, n’a été jugé par le système judiciaire guatémaltèque.

« En traduisant en justice les responsables moraux de ces crimes pour leur rôle dans l’orchestration des violences, le Guatemala fera clairement la preuve de sa volonté de rendre justice aux quelque 200 000 victimes des violations des droits humains commises pendant le conflit armé interne », a souligné Sebastian Elgueta.

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