GUATÉMALA : La justice sans la peur

Index AI : AMR 34/076/02

Au Guatémala, ceux qui cherchent à obtenir justice pour les victimes de violations des droits humains risquent parfois leur vie. C’est ce qu’a déclaré ce mercredi 27 novembre 2002 Amnesty International, alors que son réseau Juristes, qui rassemble environ 5 000 juristes de plus de 40 pays, entamait une action à long terme de soutien aux membres des professions juridiques du Guatémala.

" Il arrive bien trop souvent, au Guatémala, que des juges, des avocats ou des procureurs fassent l’objet de menaces, de pressions ou d’agressions, a souligné l’organisation de défense des droits humains. Ceux et celles qui enquêtent ou qui travaillent sur des affaires d’atteintes aux droits humains, ou encore qui soutiennent les partisans actifs d’une véritable mise en œuvre des accords de paix, sont particulièrement en danger. "

De nombreux juristes travaillant sur des affaires concernant les droits humains ont été tués ces dernières années. D’autres, craignant pour leur vie, ont été contraints de fuir le pays.

Ainsi, à la suite des actions engagées pour tenter de traduire en justice les responsable de l’assassinat, en 1998, de Juan José Gerardi, l’un des évêques du pays, plusieurs personnes ayant eu à traiter le dossier, dont un juge et trois procureurs, ont été forcées de se réfugier à l’étranger avec leurs familles. Plusieurs dizaines d’autres personnes ayant participé, à un titre ou à un autre, à la procédure, auraient fait l’objet de graves menaces et certaines auraient elles aussi quitté le Guatémala. Plusieurs témoins ont payé de leur vie le fait de rester dans leur pays.

Certains juristes se voient également harcelés devant la justice, poursuivis et placés en détention de courte durée. C’est notamment ce qui est arrivé à Luz Margoth Tuy. Cette collaboratrice des services du procureur adjoint des droits humains de Sololá a fait l’objet de poursuites, visiblement en représailles pour le rôle qu’elle avait joué dans l’enquête sur l’homicide dont avait été victime, en octobre 2000, personne qui manifestait en faveur de la reconnaissance de droits fonciers, ainsi que pour son implication dans des tentatives de médiation concernant des conflits fonciers dans la région.

" Il est inacceptable que des membres des professions juridiques du Guatémala aient à travailler dans la peur. Une telle situation est une menace non seulement pour ceux et celles qui sont directement concernés, mais aussi pour l’état de droit de façon générale, a déclaré un représentant du réseau Juristes de l’organisation. En montrant que nous sommes solidaires de nos collègues et confrères guatémaltèques et en exerçant des pressions au niveau international, nous espérons œuvrer à une meilleure protection de ces personnes et à un plus grand respect de leur fonction, afin qu’ils puissent travailler efficacement et en toute sécurité, notamment à la promotion des droits humains. "

Le réseau Juristes d’Amnesty International s’apprête à contacter les membres des professions juridiques de toutes les régions du Guatémala, dans le souci de renforcer les liens avec eux et de déterminer les besoins et les préoccupations qui sont les leurs. Le réseau recueillera des informations concernant les modalités actuelles de protection des juristes menacés au Guatémala (notamment sur l’action du nouveau procureur spécial chargé des infractions commises contre des agents de la justice et du Comité de la Cour suprême chargé des menaces pesant sur l’appareil judiciaire) et il formulera des recommandations pour la mise en place d’un système plus efficace, disposant en particulier de moyens suffisants pour assurer le fonctionnement des mécanismes de protection et d’enquête.

Le renforcement de la protection accordée aux juges, aux procureurs et aux avocats (qui doit notamment se traduire par une formation et une rémunération appropriées du personnel affecté à cette tâche) constitue une urgente nécessité, mais cela ne suffit pas.

" La seule manière d’en finir vraiment avec le climat d’intimidation qui règne actuellement est de veiller à ce que toute affaire donne lieu à une enquête approfondie et à ce que les responsables soient traduits en justice ", a déclaré Amnesty International.
" Les atteintes graves aux droits humains qui ont été perpétrées au Guatémala (actes de génocide, massacres, "disparitions", etc.) sont trop longtemps restées impunies. Les responsables de ces actes en ont déduit qu’ils étaient, de fait, intouchables et qu’il leur suffisait de réduire au silence quiconque tentait de faire la lumière sur les atteintes passées ", a ajouté l’organisation, soulignant que l’impunité généralisée dont avaient bénéficié par le passé les auteurs d’atteintes aux droits humains était pour beaucoup dans la nouvelle vague de violations que connaissait actuellement le Guatémala.

" Au sortir d’un conflit atroce, la société guatémaltèque doit se reconstruire sur des principes de vérité, de justice et de responsabilisation, et ceux et celles qui s’efforcent d’y parvenir doivent pouvoir travailler sans avoir à craindre pour leur sécurité ", a conclu Amnesty International.

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