GUATÉMALA : La mort d’un membre de l’état-major présidentiel impliqué dans l’affaire Gerardi doit faire l’objet d’une enquête

Index AI : AMR 34/007/2003

Amnesty International a exprimé sa vive inquiétude, ce jeudi 13 février, au sujet du meurtre du sergent José Obdulio Villanueva lors d’une émeute dans une prison de la ville de Guatémala mercredi 12 février. Le sergent Villanueva était le moins gradé des trois anciens membres de l’état-major présidentiel condamnés à trente ans d’emprisonnement en juillet 2001, pour avoir organisé en 1998 l’exécution extrajudiciaire de l’évêque Juan José Gerardi.

" Nous craignons que le meurtre de José Obdulio Villanueva n’ait été organisé pour se débarrasser d’un militaire susceptible de témoigner contre d’autres militaires de rang supérieur, qui seraient impliqués dans l’assassinat de Mgr Gerardi et font toujours l’objet d’une procédure judiciaire ", a déclaré Amnesty International.

Le meurtre du sergent Villanueva fait suite à l’homicide dont a été victime en décembre 2002 Noé Gómez Limón, témoin important dans l’affaire Gerardi, et frère d’une autre personne dont le témoignage s’était avéré d’une importance capitale pour la condamnation de José Obdulio Villanueva et de ses deux supérieurs. Selon les informations dont on dispose, la mort de Noé Gómez Limón portait à dix le nombre de témoins tués dans l’affaire Gerardi.

La veille du jour où le sergent Villanueva a été tué, la Cour suprême avait cassé l’arrêt d’octobre 2002 de la Cour d’appel annulant les condamnations de José Obdulio Villanueva, de ses deux supérieurs et d’un prêtre reconnu coupable de complicité dans l’assassinat de Mgr Gerardi.

Amnesty International considérait la décision de la Cour d’appel comme un grave revers pour la justice au Guatémala, et elle s’est félicitée de ce que la Cour suprême ait choisi d’annuler cette décision. L’organisation a cependant relevé que l’avocat du prêtre condamné a déjà fait appel de cette décision de la Cour suprême auprès de la Cour constitutionnelle du Guatémala.

" S’il est finalement fait droit à l’appel interjeté par le prêtre ou les deux responsables militaires encore emprisonnés et que, en conséquence, l’affaire est de nouveau portée devant la justice, il est à craindre qu’il ne soit difficile de maintenir les condamnations originelles, en raison du nombre élevé de témoins tués ou réduits au silence " a déclaré Amnesty International.

" Les troubles survenus dans la prison doivent faire l’objet d’une enquête approfondie afin d’identifier les responsables de la mort des prisonniers mais aussi les policiers, les militaires ou les surveillants de la prison susceptibles d’avoir laissé faire ou organisé l’émeute. "

Complément d’information

Le sergent José Obdulio Villanueva fait partie des sept prisonniers tués au cours de l’émeute dans la Zone 18 du centre de détention préventive de la capitale ; quatre d’entre eux, dont José Obdulio Villanueva, ont été décapités.
Des membres de gangs des rues, prisonniers de droit commun, auraient soudoyé des gardiens pour sortir de leurs cellules, puis attaqué le secteur de la prison où se trouvaient les responsables de la police et de l’armée détenus pour atteintes aux droits humains. Parmi ceux-ci figuraient le sergent Villanueva et les deux officiers de l’état-major présidentiel condamnés pour le meurtre de Mgr Gerardi, ainsi que les responsables militaires détenus dans le cadre de l’affaire de l’exécution extrajudiciaire de l’anthropologue Myrna Mack en 1990.
Les prisonniers de droit commun, armés de grenades et d’armes à feu parvenues clandestinement dans la prison ces derniers mois, se seraient attaqué aux détenus militaires et policiers parce qu’ils étaient en colère contre les privilèges dont jouissaient ceux-ci, et contre l’autorité que cela leur permettait d’exercer sur les autres prisonniers.
Les prisonniers militaires ont à présent été transférés dans une prison de haute sécurité aux abords de la ville de Guatémala. Ils affirment qu’ils avaient prévenu les autorités de la prison de ce trafic d’armes depuis le mois de décembre, mais que rien n’avait été fait. Les défenseurs des droits humains au Guatémala ont déclaré qu’eux aussi se doutaient qu’une émeute allait éclater et qu’ils pensaient qu’elle avait été orchestrée pour servir d’excuse au transfert illégal des prisonniers militaires vers des prisons militaires.
Mgr Gerardi a été tué devant son domicile en avril 1998, deux jours après avoir présenté les conclusions d’une enquête approfondie menée par l’église catholique guatémaltèque sur les graves atteintes aux droits humains commises au cours de la longue guerre civile au Guatémala. Le rapport attribuait la responsabilité de ces violences, dans leur grande majorité, à l’armée guatémaltèque et ses alliés civils, les patrouilles d’autodéfense.
Les condamnations dans l’affaire Gerardi ont fait date, car il s’agissait des premières prononcées contre des militaires pour atteintes aux droits humains. Cette décision de justice a été saluée aussi bien au Guatémala qu’à l’étranger, car elle montrait que le système judiciaire guatémaltèque pouvait effectivement traduire en justice les responsables d’atteintes aux droits humains, quels que soient leur grade ou leur position. Cependant, ces condamnations ont été chèrement payées : outre la mort de certains témoins, des dizaines de témoins probables ont fait état de tentatives d’intimidation au moment du procès du sergent Villanueva et de ses deux supérieurs. D’autres, dont un membre de l’état-major présidentiel ayant impliqué certains de ses collègues dans l’assassinat de Juan José Gerardi, ont fui le pays. Un juge et trois procureurs qui travaillaient sur cette affaire ont également dû quitter le Guatémala, craignant pour leur vie.

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