GUATÉMALA : Le verdict dans l’affaire Myrna Mack : un hommage au courage et à la persévérance

Index AI : AMR 34/062/02

La condamnation du colonel de l’armée guatémaltèque Juan Valencia Osorio à trente ans d’emprisonnement pour avoir ordonné l’assassinat de l’anthropologue Myrna Mack en 1990 est un pas bien tardif mais néanmoins positif vers la justice, a déclaré aujourd’hui (vendredi 4 octobre 2002) Amnesty International.

Deux autres militaires, le général Edgar Augusto Godoy Gaytán et le colonel Juan Guillermo Oliva Carrera, qui avaient à répondre des mêmes accusations, ont été acquittés. Ils étaient les supérieurs hiérarchiques du colonel Valencia au sein du tristement célèbre Estado Mayor Présidencial (État-major présidentiel). Amnesty International va étudier de près le jugement du tribunal pour déterminer si elle trouve convaincantes les raisons avancées pour justifier la décision de décharger ces deux hommes de toute responsabilité dans la mort de Mme Mack.

« C’est la première fois qu’un militaire de haut rang est condamné pour un crime commis pendant les trente-six années de conflit interne qui ont déchiré le Guatémala, et c’est seulement la deuxième fois que des militaires sont reconnus coupables d’un crime politique », a fait remarquer Amnesty International.

En saluant cette condamnation, Amnesty International rend hommage à la sœur de la victime, Helen Mack, et à l’ensemble des défenseurs des droits humains guatémaltèques.

« C’est grâce à leur détermination courageuse à voir les meurtriers punis et à l’efficacité de leur campagne de mobilisation internationale et locale que l’affaire a finalement pu être portée devant les tribunaux », a déclaré l’organisation.

Elle déplore cependant qu’il ait fallu attendre douze ans pour que les instigateurs de ce meurtre finissent par être jugés. « Les rouages de la justice ont fonctionné lentement, beaucoup trop lentement », a-t-elle ajouté. « Douze années d’attente pour que justice soit faite – en outre peut-être seulement partiellement – c’est un délai beaucoup trop long. »

« La justice devrait être la règle, et non l’exception, au Guatémala », a souligné Amnesty International. « Bien que la Constitution précise que l’État a le devoir de garantir la justice à tous ses ressortissants, seule une poignée d’affaires très médiatisées ont abouti à des condamnations pour des infractions liées au conflit. Parallèlement, personne n’a eu à répondre des homicides et des « disparitions » dont ont été victimes plus de 200 000 personnes, dont une majorité d’indigènes », a ajouté l’organisation.

« Un génocide – car il s’agit bien d’un génocide, comme l’a conclu la Commission guatémaltèque de la vérité créée à l’initiative des Nations unies – ne peut être ainsi balayé de l’histoire. Toutes les victimes et tous les survivants sans exception méritent que justice leur soit rendue », a précisé Amnesty International.

L’organisation a aussi fait remarquer que les trois militaires avaient été jugés dans un climat caractérisé par des menaces de mort, des actes d’intimidation et des violences contre les personnes et les organisations liées à cette affaire, notamment contre les avocats de la partie civile.

« Ces attaques contre des défenseurs des droits humains et des professionnels de la justice guatémaltèques sont symptomatiques de la vague de violence croissante dont sont victimes les personnes qui cherchent à obtenir justice pour les atteintes aux droits humains commises pendant et après le long conflit civil au Guatémala », a conclu Amnesty International.

Complément d’information
L’anthropologue Myrna Mack, membre fondateur de l’institut de recherche Asociación para el Avance de las Ciencias Sociales (AVANCSO, Association pour le progrès des sciences sociales), a été sauvagement poignardée à mort en septembre 1990 alors qu’elle quittait les bureaux de l’AVANCSO dans la ville de Guatémala. En 1989, elle avait publié une étude sans précédent dans laquelle elle parvenait à la conclusion que les déplacements massifs de populations indigènes à l’intérieur du pays et les souffrances provoquées par ces déplacements étaient le résultat direct de la campagne anti-insurrectionnelle menée par l’armée. Parus au moment où le pays entamait les pourparlers de paix, les résultats de cette étude étaient accablants pour le gouvernement.

Dès le début, les efforts entrepris pour faire condamner les auteurs du meurtre sauvage de Myrna Mack se sont heurtés à des irrégularités judiciaires, à un manque de compétence et à toutes les manœuvres juridiques imaginables pour paralyser le processus judiciaire. En 1993, un membre de l’État-major présidentiel, le sergent Noel de Jesús Beteta Alvarez, a finalement été identifié comme étant l’auteur du meurtre et a été condamné à une peine de vingt-cinq ans d’emprisonnement.

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