GUATÉMALA : Les droits humains et les élections de 2003 : la légitimité en jeu

Index AI : AMR 34/055/2003

Dans une lettre ouverte diffusée aujourd’hui, vendredi 19 septembre 2003, la secrétaire générale d’Amnesty International, Irene Khan, a prié instamment tous les candidats à la présidence et à la vice-présidence guatémaltèques d’inscrire les droits humains au cœur de leur programme politique et de condamner publiquement tout acte de violence commis par leurs partisans à l’approche des élections nationales, prévues le 9 novembre prochain.
« Les droits humains sont essentiels au développement politique, économique et social du Guatémala dans les années à venir, a déclaré Amnesty International. Les engagements pris dans le cadre des accords de paix, le renforcement du système judiciaire, les projets visant à mettre un terme aux violations des libertés fondamentales perpétrées contre les militants et d’autres catégories telles que les femmes, ou les projets de réforme de l’armée : autant de questions fondamentales qui doivent figurer au premier rang des préoccupations des candidats, si le Guatémala souhaite s’acquitter de ses obligations nationales et internationales en matière de droits humains.
« Tous les candidats sont confrontés à un défi majeur : expliquer à leur propre électorat, mais aussi à la communauté internationale, quelles mesures ils comptent mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs primordiaux », a souligné l’organisation de défense des droits humains.
Dans un rapport concomitant également rendu public ce vendredi 19 septembre 2003, Amnesty International met en évidence ses préoccupations concernant les violences flagrantes qui caractérisent la période préélectorale. En tête de ces motifs d’inquiétude figurent les exécutions extrajudiciaires liées aux élections, ainsi que les mesures d’intimidation et les menaces visant les dirigeants des partis d’opposition, les journalistes et les défenseurs des droits humains. En outre, l’organisation invite la communauté internationale à faire tout ce qui est en son pouvoir pour attirer l’attention sur les atteintes aux libertés fondamentales qui menacent l’élection présidentielle et celles du Congrès au Guatémala, et pour s’efforcer d’y mettre un terme.
Les luttes politiques au Guatémala sont traditionnellement empreintes d’irrégularités et de violence. Cette fois-ci, les tensions générées par la candidature présidentielle du général Efraín Ríos Montt, qui fait l’objet de poursuites judiciaires pour génocide et crimes contre l’humanité, ont créé les conditions requises pour une confrontation ouverte entre ses partisans et ses adversaires.
« La crise politique, électorale et judiciaire qui couve pourrait mettre à rude épreuve la résistance de nombreuses institutions guatémaltèques et remettre en question la crédibilité des élections elles-mêmes, a ajouté Amnesty International. Nous demandons aux gouvernements, aux organisations intergouvernementales et aux simples citoyens du monde entier d’entreprendre un certain nombre d’actions qui mettront, nous l’espérons, un frein à ces violences et permettront aux électeurs guatémaltèques de se rendre librement dans les bureaux de vote afin d’élire le candidat de leur choix.
« Les délégations étrangères chargées d’observer le déroulement des élections et d’en déterminer le degré de légitimité jouent un rôle particulièrement important. Nous les invitons à prendre en considération des questions telles que l’intimidation et la violence, l’admissibilité des électeurs et la fraude, tant au cours du scrutin que lors du dépouillement des résultats », a conclu l’organisation de défense des droits humains.
La lettre d’Amnesty International et les recommandations formulées à l’attention des candidats à l’élection présidentielle guatémaltèque les exhortent à faire connaître leur position et, s’ils sont élus, à prendre des mesures concernant les points suivants :

 relancer les accords de paix de 1996 et donner une nouvelle impulsion aux recommandations de la Commission de la vérité ;

 renforcer le système judiciaire et mettre fin à l’impunité ;

 réformer les forces armées et le système de sécurité nationale, comme le prévoient les accords de paix ;

 soutenir les défenseurs des droits humains et assurer leur sécurité ;

 combattre la violence et la discrimination à l’égard des femmes ;

 améliorer les conditions de vie dans les zones rurales et les régions où vivent les indigènes au Guatémala ;

 ratifier et mettre en œuvre les instruments internationaux requis et les recommandations de la communauté internationale, notamment formulées par les différents rapporteurs spéciaux des Nations unies qui se sont rendus au Guatémala au cours des dernières années ;

 et se conformer aux principes, décisions et jugements du système interaméricain de protection des droits humains.

Complément d’information
Le général Efraín Ríos Montt a dirigé le Guatémala de mars 1982 à août 1983, pendant la période la plus répressive de la campagne anti-insurrectionnelle menée par l’armée à la fin des années 70 et au début des années 80. Sous l’égide des Nations unies, la Commission de la vérité a statué que sa participation aux massacres imputables à l’armée constituait un génocide dans quatre régions précises du pays. Aussi le général fait-il l’objet de poursuites pour génocide et crimes contre l’humanité, au Guatémala mais aussi à l’étranger.
La Commission de la vérité a abondamment étayé le rôle qu’a joué le général Ríos Montt dans les atteintes aux droits humains de grande ampleur perpétrées pendant les années de conflit. Selon Amnesty International, les conclusions de la Commission constituent un motif suffisant pour déclarer cet homme inéligible à de hautes fonctions publiques. En outre, Ríos Montt est sous le coup d’une interdiction constitutionnelle de se présenter à l’élection présidentielle, en vertu de la Constitution guatémaltèque de 1985 : elle dispose expressément que toute personne ayant participé à un coup d’État, ainsi que sa famille, ne sera pas autorisée à se porter candidate à cette élection. Pourtant, la Cour constitutionnelle a déclaré recevable la candidature du général, au motif que le coup d’État de 1982 qui l’avait amené au pouvoir était antérieur à l’actuelle Constitution de 1985.

Pour consulter la version intégrale, en anglais, de la lettre ouverte et des recommandations aux autorités guatémaltèques, cliquez sur le lien suivant : http://web.amnesty.org/library/index/engamr340522003

Pour consulter la version intégrale, en anglais, du rapport portant sur les droits humains et les élections guatémaltèques de 2003, cliquez sur le lien suivant : http://web.amnesty.org/library/index/engamr340512003

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