Après la suspension, le vendredi 28 avril, de plus d’une dizaine de policiers et l’annonce de l’ouverture d’une enquête interne sur la découverte de 12 personnes détenues illégalement à Manille dans une « cellule secrète » surpeuplée pour des accusations liées à la drogue, Champa Patel, directrice pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique à Amnesty International, a déclaré :
« C’est un rappel alarmant de la profondeur de la crise des droits humains déclenchée par la « guerre contre la drogue » du président Duterte. La surpopulation carcérale et les prisons secrètes, avec le risque de torture qu’elles comportent, ne sont qu’une partie du problème. En effet, jusqu’à 9 000 personnes ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires commises par des policiers et par des “justiciers” faisant le sale travail à leur place.
« Si les autorités entendent réellement enquêter sur cet événement, elles doivent veiller à ce que les personnes impliquées fassent l’objet d’investigations et de poursuites pénales efficaces, au lieu de s’en tirer avec une simple réprimande et une suspension temporaire. L’enquête doit remonter jusqu’au plus haut niveau de la chaîne de commandement.
« Il est indispensable que personne ne se laisse bercer par l’illusion que l’on peut confier aux forces de police mêmes qui ont laissé des milliers d’assassinats se produire sous leur nez le soin de mener elles-mêmes ces investigations. Il faut qu’un contrôle indépendant soit exercé sur cette enquête, ainsi que sur toutes les autres, et qu’un réexamen approfondi soit effectué pour toutes les violations et violences commises par la police dans le cadre de la “guerre contre la drogue”.
« Hier, lors d’un entretien, le président Duterte a dit à un journaliste qu’il trouvait ça “drôle” qu’Amnesty International appelle son gouvernement à mettre fin aux assassinats. Il n’y a rien de drôle à tuer 9 000 personnes de sang froid dans un climat d’impunité. »
Complément d’information
Selon des informations relayées par les médias, le chef de la police de Manille, Oscar Albayalde, a suspendu 13 policiers de leurs fonctions dans l’attente des résultats d’une enquête sur la découverte d’une « cellule secrète » dissimulée derrière une bibliothèque coulissante au poste de police de Tondo, dans la capitale.
Toute une série d’organisations nationales et internationales de défense des droits humains ont tiré la sonnette d’alarme au sujet des violences graves, dont des milliers d’assassinats, commises dans le contexte de la « guerre contre la drogue » du président Duterte.
Dans un rapport (en anglais) publié en janvier 2017, If you are poor you are killed, Amnesty International a montré que la police des Philippines avait tué et payé des personnes pour tuer des milliers de trafiquants de drogue présumés, dans le cadre d’une vague d’exécutions extrajudiciaires susceptibles de constituer des crimes contre l’humanité.
Les détenus du poste de police de Tondo ont fait des allégations de torture profondément préoccupantes – or, les recherches d’Amnesty International ont montré que la torture était une pratique courante au sein de la police aux Philippines.