Guinée-Bissau. L’armée réprime ceux qui la critiquent

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

L’ancien Premier ministre de la Guinée-Bissau Francisco José Fadul a été agressé à son domicile, à Bissau, par des militaires ce mercredi 1er avril à l’aube.

Il est actuellement en soins intensifs à l’hôpital national Simão Mendes, à Bissau.

Cette agression par des militaires fait suite à celle de l’avocat de renom Pedro Infanda, qui a été arrêté, roué de coups et torturé pendant quatre jours par des membres de l’armée avant d’être remis à la police. L’avocat se trouve également au service des soins intensifs de l’hôpital national Simão Mendes.

La législation de Guinée-Bissau n’autorise pas les militaires à arrêter des civils.

Peu de temps avant d’être attaqués, ces deux hommes avaient donné des conférences de presse au cours desquelles ils avaient critiqué l’armée.

« L’armée de la Guinée-Bissau prend des mesures extrêmes contre toute opposition ou critique, pour terroriser ceux qui envisageraient de donner librement leur avis sur ses pratiques," a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

Francisco Fadul avait donné une conférence de presse lundi 30 mars au cours de laquelle il avait appelé le gouvernement à demander à l’armée de rendre des comptes pour corruption et autres crimes. Selon certaines informations, il a été agressé ce mercredi matin à l’aube par quatre membres de l’armée qui l’ont frappé à coups de crosse de fusil et lui disant qu’il était « trop bavard ». Il a été blessé sur tout le corps, y compris à la tête, et a reçu un coup de couteau au bras.

Pedro Infanda, quant à lui, a été arbitrairement arrêté par des militaires mardi 23 mars à son bureau avant d’être transféré dans un bâtiment militaire à Bissau où il a été torturé et violemment frappé avec des objets en bois pendant quatre jours. Il n’a pas été autorisé à recevoir de traitement médical ni à entrer en contact avec sa famille ou un avocat. Il avait le corps couvert d’ecchymoses.

Quelques heures avant son arrestation illégale, Pedro Infanda avait donné une conférence de presse dans son cabinet où il s’était exprimé au nom de son client Jose Americo Bubo Na Tchute, ancien chef de la marine de Guinée-Bissau. Lors de cette conférence de presse, Pedro Infanda avait dit que son client considérait que le chef d’état major des forces armées nouvellement nommé n’avait pas les compétences requises pour son poste.

Il est préoccupant que l’armée ait pu, en violation de la législation nationale, procéder à l’arrestation et au placement en détention de civils. Ces arrestations illégales et les mauvais traitements qui ont suivi constituent également une violation des obligations internationales de la Guinée-Bissau en matière de droits humains.

« Le gouvernement doit enquêter immédiatement sur ces arrestations et ces violences militaires et veiller à ce que les responsables de ces agissements soient déférés à la justice, et à ce que de telles attaques ne se reproduisent pas, a déclaré Erwin van der Borght. Il doit être clairement signifié aux militaires qu’ils ne sont pas habilités à arrêter ou détenir des civils. »

Notes aux rédacteurs

• Le contre-amiral Jose Americo Bubo Na Tchute avait été accusé d’avoir été à la tête, le 6 août 2008, d’une tentative de coup d’État contre feu le président Bernardo João Vieira. Il aurait échappé à un placement en résidence surveillée avant de fuir en Gambie par la mer.
• La Guinée-Bissau est un pays très instable au passé ponctué de coups d’état et de soulèvements de l’armée. Depuis 2000, trois chefs d’état-major des forces armées ainsi que d’autres militaires de haut rang ont été assassinés par des soldats. Les responsables de ces meurtres n’ont pas été déférés à la justice.
• En 2007, quatre journalistes et un défenseur des droits humains, craignant d’être arrêtés et torturés, s’étaient réfugiés dans la clandestinité après avoir fait un reportage sur l’implication de hauts responsables militaires dans le trafic de stupéfiants en plein essor.
• Dimanche 1er mars 2009, le chef d’état major des forces armées, le général Batista Tagme Na Waie, a été tué par l’explosion d’une bombe dans son bureau, au siège des forces armées. Quelques heures après, le lundi 2 mars à l’aube, lors de ce qui s’apparente à une opération de représailles, des soldats ont tué le président João Bernardo Vieira qu’ils soupçonnaient d’être responsable de la mort du général Tagme Na Waie. L’armée s’est engagée à respecter la Constitution et un nouveau chef d’état-major des forces armées a été nommé. Conformément à la Constitution, le président de l’Assemblée nationale assume une présidence intérimaire jusqu’à la tenue d’une élection présidentielle, qui devrait avoir lieu au début du mois de juin au plus tard.

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