Guinée-Bissau. La tentative de coup d’État souligne les difficultés qui se posent sur le plan des droits humains

La prise de contrôle de la Guinée-Bissau par l’armée fait remonter à la surface de graves problèmes non résolus en termes de droits humains dans le pays, a déclaré Amnesty International vendredi 13 avril.

Des tensions couvant de longue date au sein de l’armée bissau-guinéenne ont atteint leur point d’incandescence dans la soirée du 12 avril et le lendemain, lorsque des membres des forces armées ont placé certaines zones de Bissau, la capitale, en état de siège, arrêtant Carlos Gomes Junior, ancien Premier ministre, ainsi que Raimundo Pereira, le président par intérim, et l’épouse de celui-ci.

Des enquêtes n’avançant guère sur des homicides de figures politiques et militaires depuis 2009, un besoin urgent de réforme au sein des forces de sécurité, et des allégations selon lesquelles plusieurs hauts gradés militaires et d’autres représentants de l’État sont impliqués dans des réseaux internationaux de trafic de stupéfiants ne sont que quelques-uns des problèmes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.

« Les informations en provenance de Bissau sont alarmantes, mais cette instabilité était malheureusement prévisible depuis un certain temps, compte tenu de l’impunité galopante et de l’absence de progrès dans les enquêtes sur les meurtres de figures politiques et militaires depuis 2009 », a expliqué Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique à Amnesty International.

Amnesty International craint par ailleurs pour la sécurité de membres de la société civile de Guinée-Bissau, dont certains se cachent. Depuis les élections présidentielles de mars, plusieurs responsables d’organisations non gouvernementales ont reçu des menaces de mort anonymes par téléphone.

Au moins un journaliste, Antonio Aly Silva, a été arrêté vendredi 13 avril dans la matinée pour avoir publié des photographies des militaires postés devant la résidence de l’ancien Premier ministre, Carlos Gomes Junior. Des soldats auraient frappé le journaliste avant de le placer dans une cellule du quartier général de la marine, où il se trouve toujours.

« L’armée doit immédiatement libérer les dirigeants politiques et toutes les autres personnes se trouvant sous sa garde, et respecter les droits et l’intégrité physique de l’ensemble des détenus », a ajouté Erwin van der Borght.

À la suite d’informations relatives à une tentative de coup d’État en décembre 2011, l’instabilité politique en Guinée-Bissau a été exacerbée par le décès de l’ancien président, Malam Bacai Sanhá, en janvier, des suites de complications liées au diabète.

Des exécutions extrajudiciaires perpétrées ces derniers mois ont par ailleurs alimenté l’insécurité.

Le 27 décembre 2011, la force d’intervention rapide de la police a exécuté Iaia Dabó, un ancien membre des forces de sécurité, de manière extrajudiciaire alors qu’il s’apprêtait à se livrer à la police judiciaire.

Le jour de l’élection présidentielle, le 18 mars 2012, quelques heures à peine après la fermeture des bureaux de vote, des soldats ont tué le colonel Samba Djalo. Le colonel avait été renversé et arrêté par des soldats en avril 2010, de même que Zamora Induta, ancien chef de la marine nationale. Les deux hommes ont été remis en liberté sans inculpation en novembre 2010.

Craignant pour sa vie après le meurtre de Samba Djalo, Zamora Induta s’est réfugié auprès de la représentation de l’Union européenne à Bissau.

En juillet 2011, des milliers de personnes ont défilé dans la capitale afin de protester contre l’absence de progrès dans les enquêtes sur les assassinats politiques de 2009. Elles demandaient en outre la démission et la traduction en justice du Premier ministre Carlos Gomes et d’autres personnes responsables selon elles de ces homicides.

En avril 2011, l’hebdomadaire Última Hora a été forcé à suspendre ses activités, après avoir fait paraître un article citant un rapport officiel non publié impliquant le chef d’état-major de la marine dans l’homicide du président Vieira en 2009.

« Pour que la stabilité revienne en Guinée-Bissau et que le pays puisse avancer dans le respect de l’état de droit, il convient de se pencher en urgence sur certaines questions de droits humains telles que la liberté d’expression, le manque d’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains et la nécessité de garantir des réparations pour les violations du passé », a ajouté Erwin van der Borght.

« En attendant, nous exhortons l’armée à respecter les droits humains et à cesser de soumettre journalistes et politiciens à des arrestations illégales. Elle doit révéler combien de personnes ont été appréhendées, ainsi que le lieu où elles se trouvent et leurs conditions de détention. Tous les détenus doivent être protégés contre la torture et les autres formes de mauvais traitements, et bénéficier de soins médicaux lorsque leur état l’exige. »

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