Communiqué de presse

Guinée équatoriale. Les autorités doivent respecter les droits à la liberté d’expression et de manifestation pacifique

Amnesty International appelle les autorités de Guinée équatoriale à mettre un terme à la répression de la liberté d’expression et de réunion et à respecter le droit des gens d’exprimer librement leurs opinions, y compris en organisant et en prenant part à des manifestations pacifiques.

Les autorités équato-guinéennes ont interdit une manifestation prévue le 25 juin 2013 dans la capitale, Malabo, pour protester contre les résultats des dernières élections législatives, sénatoriales et municipales, qui se sont tenues le 26 mai 2013.

Cette manifestation, qui réclamait l’annulation des résultats et souhaitait défendre la liberté, les droits humains et la démocratie, était organisée par le parti politique Convergence pour la démocratie sociale (CPDS), l’un des deux partis d’opposition ayant participé aux élections de façon indépendante. Dix autres partis avaient aussi pris part à ces élections dans le cadre d’une coalition avec le parti au pouvoir, le Parti démocratique de Guinée équatoriale (PDGE).

Les autorités ont annoncé les résultats des élections dans les deux heures qui ont suivi la fermeture des bureaux de vote le 26 mai, accordant au PDGE 99 sièges au Parlement, 54 sénateurs et tous les conseillers municipaux sauf cinq. Le CPDS a obtenu un siège au Parlement, un au Sénat et cinq conseillers municipaux. Il a contesté les résultats.

Conformément à la loi, le 13 juin 2013, le CPDS a informé le directeur général de la Sécurité nationale de son intention d’organiser une manifestation pacifique à Malabo le 25 juin à partir de midi. Cette information a été fournie par écrit, plus de sept jours avant la manifestation, comme le prévoit le droit de Guinée équatoriale. Or, le gouverneur de la province de Bioko Norte a refusé d’autoriser cette manifestation, sans préciser les raisons de son refus.

Le 19 juin, le CPDS a redit son intention de mener une telle manifestation, dans le respect de la loi, et en a de nouveau informé par écrit le directeur général de la Sécurité nationale, invoquant les droits à la liberté d’expression et de réunion inscrits dans la Constitution et le droit de Guinée équatoriale. Deux jours plus tard, le 21 juin, le ministre de l’Intérieur a répondu au CPDS par écrit, confirmant la décision du gouverneur d’interdire la manifestation. Dans son courrier, le ministre soulignait que toute manifestation était soumise à autorisation. Il ajoutait qu’il existait « des raisons fondées de croire que cette manifestation menacerait la sécurité nationale et entraînerait des troubles à l’ordre public mettant en danger des vies humaines et des biens privés ». Cependant, il ne précisait pas quelles étaient ces raisons fondées, indiquant que les autorités n’avaient pas à justifier leur décision et que ce n’était pas au CPDS de déterminer si la manifestation menacerait ou non la sécurité nationale. Le ministre de l’Intérieur ajoutait en outre que le code électoral ne reconnaissait pas les manifestations comme moyen de résoudre les différends électoraux.

Dimanche 23 et lundi 24 juin, à Bata, plusieurs personnalités du CPDS ont été empêchées d’embarquer dans un avion à destination de Malabo. L’un d’eux, Marcos Manuel Ndong, qui avait réussi à monter dans l’avion, en a été sorti de force par cinq agents de sécurité, qui l’ont frappé et poussé en dehors de l’appareil.

Le 24 juin, veille de la manifestation, des militaires et des policiers ont été déployés devant le siège du CPDS à Malabo et ont bloqué les rues adjacentes. Plus tard dans la soirée, 10 personnes, dont six membres éminents du CPDS, ont été arrêtées et brièvement incarcérées alors qu’elles se rendaient à un rendez-vous avec le ministre de l’Intérieur pour de nouvelles négociations sur la manifestation prévue le lendemain. Elles ont été relâchées une heure plus tard. Quatre autres personnes qui avaient été arrêtées quelques heures plus tôt ont aussi été libérées vers 23 heures.

La présence des forces de l’ordre et le déploiement de véhicules blindés se sont intensifiés le 25 juin et la manifestation n’a pas eu lieu. Cependant, 50 à 100 membres du CPDS qui se trouvaient dans leurs bureaux ont manifesté devant le siège du parti et ont déployé une banderole pendant environ 30 minutes. Ils ont mis fin à leur action après l’arrivée de renforts des forces de sécurité, qui ont menacé de recourir à la force contre les manifestants s’ils ne se dispersaient pas. Le 26 juin au soir, les forces de l’ordre étaient toujours postées devant les bureaux du CPDS et la rue était toujours bouclée.

Le droit à la liberté de réunion et de manifestation est garanti par l’article 13.k de la Constitution équato-guinéenne. Il est développé dans la Loi relative à la liberté de réunion et de manifestation (loi 5/2003 du 13 novembre 2003). L’article 7.2 de cette loi dispose qu’aucune autorisation n’est nécessaire pour tenir une manifestation. Les organisateurs doivent toutefois en informer les autorités sept jours à l’avance. L’article 8 autorise les autorités à interdire une manifestation s’il existe des raisons fondées de le faire ; elles ne peuvent pas l’interdire arbitrairement ni pour des raisons subjectives.

Amnesty International considère que l’interdiction de la manifestation du 25 juin est une atteinte aux droits des personnes d’exprimer librement leurs opinions et de se réunir de façon pacifique. Ces droits sont garantis par des traités internationaux relatifs aux droits humains que la Guinée équatoriale a ratifiés, ainsi que par la nouvelle Constitution du pays promulguée en février 2012.

En vertu du droit international relatif aux droits humains et des lois nationales, ces droits ne peuvent être restreints que dans le respect de la légalité et uniquement dans l’intérêt de la sécurité nationale, de l’ordre public ou pour la protection de la santé publique, de la moralité ou des droits et libertés d’autrui. Le fait que le code électoral ne prévoie pas les manifestations publiques comme moyen de résolution des conflits électoraux ne supprime pas le droit des partis politiques et des autres groupes et personnes issus de la société civile de manifester contre les résultats d’une élection. Amnesty International appelle donc les autorités équato-guinéennes à respecter et protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique en autorisant la tenue de cette manifestation pacifique et des suivantes.

Amnesty International est également préoccupée par les déclarations du ministre de l’Intérieur dans sa lettre adressée au CPDS le 24 juin 2013 selon lesquelles « son ministère déclinerait toute responsabilité pour ce qui pourrait arriver » si la manifestation avait lieu comme prévu le 25 juin.

Amnesty International rappelle aux autorités de Guinée équatoriale que l’État a le devoir de protéger les vies humaines et de veiller à ce que les policiers et autres agents de la force publique n’aient pas recours à une force excessive ni injustifiée. En vertu des normes internationales relatives aux droits humains, les forces de l’ordre doivent utiliser autant que possible des méthodes non violentes avant de recourir à la force. Lorsque le recours légal à la force est inévitable, elles doivent faire preuve de mesure afin de réduire au maximum les effets dommageables et les blessures et de respecter et préserver les vies humaines. Cette exigence de modération reste valable même lorsque les autorités considèrent qu’une manifestation est illégale.

Complément d’information

Les citoyens de Guinée équatoriale se sont rendus aux urnes le 26 mai 2013 pour élire un nouveau Parlement, ainsi que plus de 300 conseillers municipaux et, pour la première fois, 55 membres du nouveau Sénat – qui en compte 70 au total. Le CPDS a affirmé que les résultats étaient truqués et a demandé un nouveau comptage public des voix.

Bien que les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association soient garantis par le droit et la Constitution de Guinée équatoriale, les autorités ne les respectent pas et ont refusé à plusieurs reprises d’autoriser des manifestations pacifiques.

Avant les élections, elles ont interdit une manifestation pacifique du Mouvement populaire de protestation prévue le 15 mai pour protester contre le refus des autorités de légaliser un nouveau parti politique, le Parti démocratique pour la justice sociale (PDJS). Au moins neuf personnes, dont les fondateurs du PDJS, ont été arrêtées et détenues sans inculpation pendant environ deux semaines avant d’être libérées. Les autorités ont affirmé que ni le PDJS, ni le Mouvement populaire de protestation n’étaient des partis politiques légalement constitués.

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