Dans un nouveau rapport publié le même jour, alors que le pays préside jusqu’à la fin du mois de février le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) et à l’approche de l’Examen périodique universel (EPU), qui se déroulera en mai, Amnesty International souligne que les autorités ne respectent pas les engagements qu’elles ont pris s’agissant de faire en sorte que les défenseur·e·s des droits humains, les militant·e·s et les journalistes puissent mener leurs activités sans avoir à craindre les manœuvres d’intimidation, le harcèlement, les violences ni les arrestations.
« Il y a cinq ans, les autorités ont promis de mettre fin au harcèlement, aux manœuvres d’intimidation et à la détention arbitraire de défenseur·e·s des droits humains, de militant·e·s et de membres de l’opposition. Malheureusement, les violations des droits fondamentaux se poursuivent. Les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique sont constamment restreints, a déclaré Marta Colomer, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« Le président Teodoro Obiang Nguema, dont le pays est actuellement à la tête du Conseil de sécurité de l’ONU, doit saisir cette occasion pour montrer à la communauté internationale que son gouvernement est déterminé à améliorer la situation choquante des droits humains. La première étape serait de mener des enquêtes approfondies, indépendantes, transparentes et efficaces sur toutes les menaces et les agressions ayant visé des défenseur·e·s des droits humains ou des militant·e·s et de traduire en justice les responsables présumés de ces agissements. »
Le rapport met en avant plusieurs défenseurs des droits humains pris pour cible au cours des cinq dernières années. Citons notamment le cas d’Alfredo Okenve, vice-président du Centre d’études et d’initiatives pour le développement (CEID), auquel des inconnus armés ont assené des coups de crosse et de bâton le 27 octobre 2018. Ces hommes ont emporté son téléphone portable et son portefeuille contenant ses papiers avant de l’abandonner dans un endroit isolé à proximité de Bata, une ville de la province du Littoral.
Avant cette agression, Alfredo Okenve et Enrique Asumu, président du CEID, avait été arrêtés et interrogés par le ministre de la Sécurité intérieure ; la veille, les autorités avaient empêché Enrique Asumu d’embarquer sur un vol entre Malabo, la capitale, et Bata. Ces militants n’ont pas été déférés à un juge dans les 24 heures ni inculpés dans les 72 heures, contrairement à ce que prévoit la loi. Ils ont finalement été remis en liberté.
Ramón Esono Ebalé, un dessinateur humoristique et militant dont le travail est considéré comme critique à l’égard de la situation des droits humains dans le pays, vit à l’étranger depuis plusieurs années. Il est retourné en Guinée équatoriale en août 2017 pour faire renouveler son passeport mais a été arrêté le 16 septembre, alors qu’il sortait d’un restaurant avec deux ressortissants espagnols.
Ces trois hommes ont été menottés, ont vu leur téléphone portable confisqué et ont été interrogés par plus d’une dizaine d’agents des forces de sécurité sur la raison de leur présence dans le pays et les relations entre eux. Les deux Espagnols ont été libérés le jour même. L’accusation de « faux-monnayage » retenue à l’encontre de Ramón Esono Ebalé a été abandonnée, le principal témoin à charge étant revenu sur ses déclarations et ayant reconnu qu’on lui avait demandé d’accuser cet homme de contrefaçon. Ramón Esono a été libéré le 7 mars 2018. Cependant, il n’a pas pu quitter le territoire avant le 28 mai 2018, date à laquelle il a enfin reçu son nouveau passeport.
Des membres de l’opposition et des militant·e·s politiques pris pour cible
Par ailleurs, le rapport décrit les attaques visant des membres de l’opposition et des militant·e·s politiques. Parmi eux figure Joaquin Elo Ayeto, un membre du parti d’opposition Convergence pour la démocratie sociale. Il a été arrêté à plusieurs reprises, notamment le 29 novembre 2016 ; deux militaires l’ont roué de coups après qu’il a publié en ligne un article au sujet du refus de l’un d’eux de s’acquitter d’un péage routier. Joaquin Elo Ayeto a engagé des poursuites à l’égard de ces hommes. Un juge lui a dit que son article donnait une mauvaise image du pays. Joaquin Elo Ayeto a ensuite été arrêté et détenu pendant plus d’un mois. Il a été maintenu à l’isolement pendant les cinq premiers jours de son incarcération. À la rentrée judiciaire, le tribunal a décidé de le libérer. Joaquin Elo Ayeto n’a jamais été informé du motif de son incarcération. Le 27 juin 2017, il a été de nouveau arrêté parce qu’il avait pris part à un rassemblement pour que justice soit rendue à un jeune chauffeur de taxi victime d’un homicide. Il a été libéré une semaine plus tard.
« Depuis de nombreuses années, le gouvernement du président Teodoro Obiang Nguema persiste à commettre de graves violations des droits humains, y compris des droits aux libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association. Ces agissements doivent cesser immédiatement, a déclaré Marta Colomer.
« Il est temps que la Guinée équatoriale se conforme à ses obligations internationales en matière de droits humains, notamment en veillant à ce que les droits des défenseur·e·s des droits humains et des militant·e·s soient pleinement respectés. »