GUINÉE ÉQUATORIALE : Procès inéquitable : des accusés condamnés à de lourdes peines malgré leurs allégations de torture

Index AI : AFR 24/009/02

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International appelle les autorités de Guinée équatoriale à rejuger équitablement dans un délai raisonnable ou à libérer les quelque 70 personnes qui ont été condamnées, dimanche 9 juin, à des peines sévères et injustes sur la seule foi de déclarations extorquées sous la torture pendant leur détention au secret.

Ces peines, allant de six à vingt ans d’emprisonnement, ont été prononcées par un tribunal civil de Malabo, capitale de la République de Guinée équatoriale, devant lequel ont comparu, dans le cadre d’une procédure sommaire, 144 accusés arrêtés depuis mars 2002 et inculpés d’atteinte à la sûreté de l’État.

Au cours de ce procès, Felipe Ondó Obiang et Guillermo Nguema Elá, deux des dirigeants de la Fuerza Demócratica Republicana (FDR, Force démocrate républicaine), parti d’opposition non légalisé, ont été condamnés respectivement à vingt ans et à quatorze ans d’emprisonnement. De même, Plácido Miko, secrétaire général du principal parti d’opposition légal, la Convergencia para la Democracia Social (CPDS, Convergence pour la démocratie sociale), s’est vu infliger une peine de quatorze années d’emprisonnement.

" Ces condamnations ont été prononcées à la suite d’un procès inéquitable, au cours duquel aucune preuve n’a été produite contre aucun des accusés, dont beaucoup ont été contraints d’" avouer " sous la torture ", a déclaré aujourd’hui (jeudi 13 juin 2002) le représentant d’Amnesty International qui a assisté au procès en tant qu’observateur.

Ce procès a été marqué par de graves atteintes aux droits humains et irrégularités de procédure, telles que : l’utilisation d’" aveux " arrachés sous la torture et sur lesquels les accusés sont revenus pendant le procès ; le fait que le tribunal n’ait pas tenu compte des allégations de torture formulées par les accusés, malgré des traces visibles sur leur corps ; l’absence de défense appropriée puisque les avocats de la défense n’ont eu qu’une journée pour examiner les charges spécifiques pesant sur leurs clients ; et le manque d’indépendance du tribunal, qui était composé de personnes nommées par les autorités.

L’ensemble du procès s’est appuyé sur le recours à la torture. Certains des accusés ont eu les poignets cassés par leurs tortionnaires pendant leurs deux mois de détention au secret. L’une des formes de torture utilisée consistait à suspendre les détenus à une barre de fer, pieds et poings liés ensemble. Par ailleurs, Amnesty International dispose d’informations prouvant que la torture s’est poursuivie pendant le procès. Ainsi, certains accusés qui étaient revenus sur leurs " aveux " devant le tribunal ont ensuite été torturés en prison, semble-t-il à titre de représailles. En outre, les conditions de détention pendant le procès s’apparentaient à de la torture, puisque les accusés étaient enfermés nus dans de petites cellules surpeuplées. Aucun d’entre eux n’a été autorisé à recevoir des soins médicaux, et certains n’ont pas eu le droit d’accepter la nourriture que leur avait apportée leur famille.

Amnesty International exige qu’une enquête soit menée sur les allégations de torture formulées par les accusés, et demande que toute personne soupçonnée d’avoir commis de tels actes dans cette affaire soit traduite en justice dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales relatives à l’équité des procès.

Par ailleurs, bien qu’ils aient été jugés selon une procédure sommaire, les condamnés ont le droit de former un recours. Amnesty International appelle donc la communauté internationale à faire pression sur les autorités de Guinée équatoriale pour qu’elles organisent un nouveau procès dans le respect des normes internationales relatives à l’équité des procès et à la protection des accusés contre la torture et les mauvais traitements.

" L’exercice de telles pressions par la communauté internationale constituerait un signal positif après la décision décevante de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, qui a choisi, il y a quelques semaines, de mettre fin au mandat du représentant spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Guinée équatoriale, après presque vingt ans de surveillance internationale de la situation dans ce pays ", a ajouté l’organisation.

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit