La Guinée équatoriale doit libérer immédiatement et sans condition trois hommes arrêtés il y a deux semaines au seul motif qu’ils étaient soupçonnés d’avoir protesté contre le choix du pays pour accueillir la compétition de football la plus prestigieuse d’Afrique, a déclaré un groupe d’organisations internationales de défense des droits humains et de la transparence, jeudi 29 janvier.
Amnesty International, l’Asociación Pro Derechos Humanos de España (Association pro droits humains d’Espagne), EG Justice, l’Open Society Justice Initiative (Projet de justice Société ouverte) et la Plataforma Portuguesa das ONGD (Plateforme portugaise des organisations non gouvernementales pour le développement) demandent la libération immédiate et inconditionnelle de Celestino Okenve, Antonio Nguema et Miguel Mbomio.
« L’exercice du droit à la liberté d’expression ne devrait jamais être une raison d’emprisonner quelqu’un. Cela donne en outre une mauvaise image du rôle de la Guinée équatoriale en tant que pays hôte de la Coupe d’Afrique des Nations. Les autorités doivent libérer immédiatement et sans condition ces militants des droits humains, qu’Amnesty International considère comme des prisonniers d’opinion », a déclaré Steve Cockburn, directeur régional adjoint pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale à Amnesty International.
« Les autorités doivent par ailleurs veiller à ce que ces militants soient véritablement protégées contre la torture et les autres formes de mauvais traitements, et à ce qu’elles puissent régulièrement s’entretenir avec leurs proches et un avocat de leur choix, et recevoir des soins médicaux adaptés. »
Ces trois personnes ont été arrêtées à la veille du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des Nations, événement devant durer trois semaines.
Celestino Okenve a été appréhendé sans mandat d’arrêt le 14 janvier, alors qu’il distribuait des tracts à Bata, une ville de la province du Littoral. Les tracts appelaient au boycott de la compétition, qui s’est ouverte le 17 janvier. Lors de son arrestation, il a été frappé par un groupe de sept policiers. Selon les informations que nous avons recueillies, l’arrestation a été ordonnée par le gouverneur de la province du Wele-Nzas, qui a dit à Celestino Okenve que ce qu’il faisait était mal, et hostile à l’égard du président.
Des policiers ont également arrêté Antonio Nguema, un ancien étudiant de Celestino Okenve qui était présent lors de l’action de protestation. Il ne distribuait pas de tracts mais a été appréhendé après avoir demandé aux policiers pour quel motif ils arrêtaient Celestino Okenve. Les deux hommes ont été emmenés au poste de police central de Bata, où, à leur arrivée, Celestino Okenve a exigé qu’on lui donne la raison de son placement en détention. Il a alors de nouveau été frappé par un policier.
Le 16 janvier, un troisième homme, Miguel Mbomio, a été arrêté à Bata parce qu’il avait dans les mains le tract critiquant la tenue de la compétition de football dans le pays. Il ne connaissait pas Celestino Okenve et ignorait que celui-ci était en détention, mais s’était rendu au poste central de police de Bata pour y régler une affaire personnelle. Le policier en service a remarqué le tract qu’il tenait et l’a placé en détention.
Depuis leur arrestation, les trois hommes ont eu un accès très limité à leurs avocats, qui n’ont pas été autorisés à assister aux interrogatoires, et n’ont pas été informés des faits qu’on reproche à leurs clients.
Les registres de la police indiquent que Celestino Okenve a été accusé de « déstabilisation » contre la Coupe d’Afrique des Nations, bien qu’il n’ait pas comparu devant un juge. Les cinq organisations estiment que ces hommes font l’objet d’une détention arbitraire et ont été arrêtés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et de réunion.
Celestino Okenve est un économiste, ingénieur et professeur à la retraire qui a enseigné la communication à l’université polytechnique de Madrid. Il est par ailleurs le coordonnateur du Forum de solidarité pour la Guinée équatoriale, un blogueur et militant politique connu.
« La Guinée équatoriale a besoin de mettre immédiatement fin à ces tactiques répressives et arbitraires visant à intimider et museler l’opposition », a déclaré Tutu Alicante, directeur exécutif d’EG Justice. « Si le président Obiang n’éprouve pas de gêne à arrêter de manière arbitraire et priver de justice des citoyens pendant que l’Afrique a les yeux braqués sur la Guinée, alors je tremble à l’idée de ce qui nous attend lors de l’élection présidentielle devant avoir lieu d’ici l’année prochaine. »