GUINÉE ÉQUATORIALE. Remise en liberté de prisonniers d’opinion

Déclaration publique

AFR 24/002/2006

Amnesty International salue la remise en liberté de prisonniers d’opinion dans le cadre d’une amnistie décrétée par le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, à l’occasion de son soixante-quatrième anniversaire le 5 juin.

L’amnistie, annoncée le 4 juin, concerne 42 personnes, parmi lesquels des prisonniers d’opinion et des détenus politiques - emprisonnés pour la plupart depuis plus de deux ans sans avoir jamais été inculpés ni jugés.

Tous les détenus condamnés à des peines allant jusqu’à deux années de prison pour des infractions autres que le meurtre ou le détournement de fonds ont été amnistiés, ainsi que les femmes, les mineurs et les personnes âgées de soixante-dix ans et plus, quelle que soit l’infraction commise et la longueur de la peine prononcée. Aux termes de l’amnistie, tous ceux dont la faute a été « pardonnée » ne devront pas commettre la même infraction pendant les dix prochaines années.

Parmi les amnistiés se trouvent entre dix et quinze prisonniers d’opinion, tous membres ou sympathisants du parti Fuerza Demócrata Republicana (FDR, Force démocrate républicaine), condamnés en juin 2002 à l’issue d’un procès inéquitable pour tentative de renversement du gouvernement. Parmi eux figurent : Luis Elá Akué, Macario Esimi Mañana, Melchor Ndong Modú, Jesús Nguema Obiang, Roque Nve Nso, Faustino Ondó Ebang et José Primo Obama. Tous purgeaient une peine de six ans et huit mois de prison à la prison Black Beach de Malabo, la capitale. Tous avaient été torturés en détention dans la période précédant leur procès.

Amnesty International s’inquiète des informations qui lui sont parvenues selon lesquelles, quelques jours avant la promulgation du décret d’amnistie, on leur aurait fait signer l’engagement de ne prendre part à aucune activité politique pendant dix ans.

Plusieurs autres détenus, qui avaient été arrêtés pour s’être engagés dans une action politique pacifique et étaient détenus depuis plus de deux ans sans avoir été jugés ni condamnés, ont également été amnistiés. Parmi eux se trouve Weja Chicampo, l’un des dirigeants du Movimiento para la Autodeterminación de la Isla de Bioko (MAIB, Mouvement pour l’autodétermination de l’île de Bioko) ; il avait été arrêté arbitrairement chez lui, à une heure du matin le 4 mars 2004, par une dizaine d’officiers de l’armée cagoulés. Il avait été sévèrement battu lors de son arrestation. Maintenu au secret à la prison de Black Beach pendant plusieurs mois, ce n’est qu’en janvier 2006 qu’il avait été présenté, pour la première fois depuis son arrestation, à un juge d’instruction. Toutefois, il n’avait pas été inculpé ni jugé à la date de l’amnistie.

Amnesty International s’inquiète de l’expulsion du pays de Weja Chicampo, suite à l’amnistie dont il a bénéficié. Selon les informations dont nous disposons, plusieurs policiers se sont rendus à la prison de Black Beach le 5 juin à minuit, ; ils ont emmené Weja Chicampo, qui a alors pensé qu’on allait le ramener chez lui. Au lieu de cela, il a été mis dans un avion à destination de Madrid, en Espagne, où il est arrivé à sept heures du matin le 6 juin. Sa famille à Malabo n’avait pas été informée de son expulsion et était sans nouvelles de lui. L’expulsion de Weja Chicampo de Guinée Équatoriale constitue une violation de la Constitution du pays, qui garantit le droit de circuler librement et de choisir sa résidence ; c’est également une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la Guinée équatoriale a ratifié en 1987.

Un Africain du sud, Marious Gerhardus Bonzaair « Bone », a été amnistié pour des raisons humanitaires. Il purgeait une peine de dix-sept années d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable de tentative de coup d’État en novembre 2004. Son procès ne s’était pas déroulé conformément aux normes internationales d’équité des procès. Il avait été torturé en détention lors de la période précédant son procès et depuis son arrestation, en mars 2004, il était soumis à un traitement inhumain et dégradant, menotté et enchaîné vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il souffre de problèmes chroniques graves pour lesquels il n’a que rarement reçu des soins. Toutefois, selon les informations qui nous sont parvenues, il était hospitalisé au moment de l’annonce de l’amnistie et n’a pas encore recouvré la liberté.

Amnesty International demande instamment au gouvernement de Guinée équatoriale de libérer tous les prisonniers d’opinion encore en prison, ainsi que toutes les personnes détenues sans avoir été inculpées ni jugées pour avoir exercé une action politique pacifique.

L’organisation s’inquiète en particulier de la détention prolongée du Père Bienvenido Samba Momeson, détenu sans avoir été inculpé ni jugé depuis son arrestation à Malabo en octobre 2003. Après son arrestation, il a été détenu plusieurs mois au secret à la prison de Black Beach avant d’être transféré en toute illégalité à la prison d’Evinnayong, sur le continent.

Amnesty International appelle également le gouvernement de Guinée équatoriale à enquêter sur les actes de torture signalés par certains détenus et prisonniers libérés et à poursuivre en justice les auteurs présumés de tels actes. En outre, le gouvernement de Guinée équatoriale doit entamer une révision de ses lois, revoir sa politique et l’ensemble des procédures en place en vue d’éliminer la pratique répandue de la torture par des organes gouvernementaux.

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