Guinée équatoriale. Trois cent familles évincées se retrouvent sans domicile

Déclaration publique

Index AI : AFR 24/006/2006 (Public)
Bulletin n° : 220
ÉFAI
23 août 2006

Amnesty International est préoccupée par les informations selon lesquelles des expulsions forcées menées récemment à Malabo, capitale de la Guinée équatoriale, ont laissé environ 300 familles sans abri. Les autorités doivent mettre fin à leur pratique systématique d’expulsions forcées à grande échelle.

Au mépris des principes du droit et des garanties prévues par la loi, les autorités n’ont pas consulté ni prévenu les habitants, elles ne leur ont pas fait parvenir d’ordre expulsion ni fourni de garanties d’un logement de remplacement, et ne leur ont donné aucune possibilité de contester ces expulsions.

Ces expulsions forcées, accompagnées de la destruction aveugle des habitations et des biens des habitants, ont eu lieu les 22 et 23 juillet 2006 dans les quartiers d’Atepa et Camaremy, dans le district de Banapa, à Malabo. Dans les deux quartiers, les habitants qui protestaient contre la démolition de leur logement ont été bousculés, frappés et intimidés par les soldats accompagnant l’équipe de démolition. Santiago Obama, habitant de Camaremy, a été arrêté et détenu pendant une courte période au commissariat central de Malabo pour avoir protesté contre la démolition de son habitation le 22 juillet.

Celui qui était alors Premier ministre, ainsi que plusieurs ministres, des responsables civils, des soldats armés et des policiers étaient présents lors des démolitions, qui ont débuté le matin à 8h30. Certains des habitants étaient déjà partis travailler quand les démolitions ont débuté et n’ont, par conséquent, pas pu mettre leurs biens à l’abri. Les familles ont été laissées dehors, rien ne leur a été proposé comme logement de remplacement.

Amnesty International est préoccupée par le fait que les expulsions se poursuivent dans le pays sans respecter les garanties définies dans la législation nationale et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), auquel la Guinée équatoriale est un État partie. S’il peut s’avérer nécessaire d’évincer des résidents pour des raisons de sécurité publique, pour mener à bien un projet ou pour réguler le développement urbain et faire en sorte que les personnes soient mieux logées, cela ne donne en aucun cas le droit aux autorités de porter atteinte à la santé, au bien-être et aux droits humains les plus fondamentaux de la population.

En outre, Amnesty International craint que les habitants de logements de fortune n’ayant aucune garantie de ne pouvoir être expulsés, des milliers d’autres familles à Malabo et Bata, la plus grande ville de la partie continentale du pays, ne soient à leur tour expulsées de force de leur habitation. À la fin du mois d’avril, des habitants de Comandachina, quartier le plus peuplé de Bata, auraient été avertis qu’ils devaient dans un délai de trois mois démolir leurs habitations et construire à la place des maisons d’un ou deux étages, ou quitter cet endroit. D’autres auraient reçu l’ordre de quitter le terrain où un supermarché allait, semble-t-il, être construit.

Amnesty International demande aux autorités de la Guinée équatoriale de mettre fin à toutes les expulsions forcées et à veiller à ce que toute personne ait la garantie de ne pouvoir être expulsée du terrain qu’elle possède ou occupe. L’organisation appelle également les autorités à venir en aide aux victimes des expulsion forcées qui sont toujours sans abri, et à veiller à ce qu’elles aient droit à réparation, en étant notamment indemnisées pour la perte de leur logement et de leurs biens.

Les autorités équato-guinéennes devraient également enquêter de manière exhaustive et impartiale sur les informations selon lesquelles des habitants auraient été frappés par des soldats, et faire le nécessaire pour que les personnes soupçonnées d’actes illicites soient déférées à la justice.

Complément d’information

« Expulsions forcées » est l’expression utilisée dans la législation internationale pour désigner les évictions menées en dehors d’une procédure régulière et sans tenir compte des normes internationales. Les expulsions forcées visent invariablement les membres de la société les plus pauvres et les plus vulnérables. Elles accroissent l’inégalité sociale et la pauvreté et sont fréquemment à l’origine de conflits sociaux.

La Guinée équatoriale est le troisième pays producteur de pétrole d’Afrique, avec une production de 400 000 barils par jour. La nouvelle richesse produite par le pétrole a donné lieu à une course foncière à des fins commerciales et à la construction d’un habitat de luxe. Les autorités ont lancé un programme de réhabilitation des grandes villes et des infrastructures. Selon certaines informations, les autorités ont à plusieurs reprises exprimé publiquement leur intention de mettre fin au « chabolismo » (bidonvilles). Cependant, de nombreuses habitations démolies au cours des deux ou trois dernières années étaient des habitations en dur dans des quartiers bien établis, et la majorité de leurs occupants détenaient des titres de propriété.

Les quartiers d’Atepa et Camaremy sont situés le long de la route entre l’aéroport de Malabo et la ville d’Ela Nguema. En avril 2006, des responsables gouvernementaux ont commencé à marquer les habitations devant être démolies dans les deux quartiers. Aux résidents leur demandant ce qu’ils faisaient, ils auraient répondu que les habitations allaient être démolies pour construire une route. Cependant, cette section de la route était déjà construite et attendait juste d’être goudronnée. De plus, les habitations étaient situées à 80, 90 mètres de la route. Les habitants n’ont pas été avertis ni consultés avant les expulsions, et ils n’ont pas eu la possibilité de remettre en question la décision des autorités devant les tribunaux. Aucun d’entre eux n’a été indemnisé pour la perte de son logement et des autres biens délibérément détruits lors des évictions. Selon certaines informations, toutes les familles expulsées détenaient des titres de propriété.

L’expulsion forcée a été reconnue par la Commission des droits de l’homme des Nations unies comme violant de façon flagrante plusieurs droits humains, en particulier le droit à un logement décent. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (ONU) a défini l’« expulsion forcée » comme « l’éviction permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans qu’une protection juridique ou autre appropriée ait été assurée, de personnes, de familles ou de communautés de leurs foyers ou des terres qu’elles occupent ».

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