Guinée : Les tueries doivent immediatement cesser

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

AFR 29/001/2007

Depuis le 10 janvier 2007 plus de 30 personnes ont été tuées par les
forces de sécurité durant des manifestations et, selon des nombreuses
sources, la journée du lundi 22 janvier a été de loin la plus meurtrière,
déclare aujourd’hui Amnesty International qui lance un appel aux autorités
guinéennes pour que ces tueries cessent immédiatement.

Amnesty International s’inquiète de l’usage excessif de la force par les
militaires et des policiers qui, depuis le début des manifestations de
janvier 2007, ont à plusieurs reprises tiré à balles réelles sur des
manifestants non armés qui réclamaient le départ du chef de l’État,
Lansanna Conté, qui dirige le pays depuis 1984.

À Kankan, le 22 janvier 2007, les forces de sécurité ont tué au moins deux
personnes et en ont blessé plusieurs autres. Un témoin a déclaré à Amnesty
International : « Les manifestants se dirigeaient vers la préfecture. Au
moment où ils sont arrivés à la place de l’indépendance, les militaires
ont tiré des rafales en l’air pour les effrayer mais un des militaires a
tiré sur Mamady Camara, âgé de 11 ans. Le garçon a été mortellement touché
à la poitrine et au ventre. »
Amnesty International a également appris
qu’un militaire se trouvant dans les bureaux du gouverneur a également
fait usage de son arme sur la foule, tuant un tailleur, Yaya Sidibé.

Plusieurs témoins ont affirmé à Amnesty International que les forces de
sécurité y compris des militaires ont fait usage de leurs armes à feu sur
des manifestants non armés dont des mineurs. L’un de ces témoins a raconté
à Amnesty International que Souleymane Ba, un garçon âgé de 10 ans a été
mortellement touché durant la manifestation qui s’était déroulée dans le
quartier Simbaya, commune de Ratoma à Conakry, la capitale, le 17 janvier
2007.

Un autre témoin a confié à Amnesty International : « Le vendredi 19
janvier, dans la ville de Kissidogou [situé à l’est du pays] les forces de
sécurité ont tiré des rafales en l’air. Un des militaires, après avoir
vidé son chargeur en l ?air, a pris son revolver et a tiré sur les
manifestants. Aboubacar Camara, élève en terminale au Lycée Ernesto a été
mortellement atteint. Oumar Diallo, un autre élève également blessé par
balles, qui s’est précipité pour secourir son ami, a reçu des coups de
crosse. Il a perdu connaissance et a été admis à l’hôpital. »

Depuis le 10 janvier 2007, la Guinée est secouée par une vague de
manifestations pacifiques. Les principaux syndicats du pays soutenus par
les partis d’opposition ont lancé un appel illimité à la grève générale
pour protester notamment contre la baisse du pouvoir d ?achat et
l ?ingérence du chef de l ?État dans les affaires judiciaires. Des
manifestations ont été organisées à Conakry et d ?autres villes du pays
dont Nzérékoré, Kissidogou, Siguiry et Kankan.

« Lors de chacune de ces manifestations, les forces de sécurité n ?ont pas
hésité à faire feu sur les manifestants, en dépit du fait que leur vie ou
celle de tiers n’était apparemment pas menacée, »
précise aujourd ?hui
Veronique Aubert, Directrice Adjointe du programme Afrique d’Amnesty
International.

Amnesty International considère que les forces de sécurité guinéennes ont
violé les droits humains des victimes et agi en contradiction avec les
normes internationales régissant l’action de ces forces et notamment les
Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à
feu par les responsables de l’application des lois. Le Principe 9 de ce
texte adopté par les Nations Unies précise « les responsables de
l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes à feux contre
des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers
contre une menace imminente de mort ou de blessure grave », et qu’ils « 
ne recourront intentionnellement à l’usage meurtrier d’armes à feu que
lorsque cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

Cet usage excessif et délibéré de la force constitue la réponse habituelle
des autorités guinéennes chaque fois que leur pouvoir est contesté dans la
rue. Confronté à cette violence policière, quelques manifestants s’en sont
également pris aux forces de l’ordre, le 13 janvier 2007, en lançant des
pierres sur les patrouilles policières à Conakry, notamment dans le
quartier de Hamdallaye. Les forces de sécurité (composées de policiers et
de militaires) ont riposté à l’aide de gaz lacrymogène et ont pénétré de
force dans des maisons particulières afin de rechercher et d’arrêter des
suspects.

« Ces personnes arrêtées encourent des risques sérieux de torture et de
mauvais traitements, qui constituent les pratiques habituelles des forces
de sécurité. Nous lançons un appel aux autorités guinéennes pour que des
ordres stricts soient donnés aux forces de sécurité afin que les droits
fondamentaux de toute personne arrêtée soient respectés, »
déclare
aujourd’hui Veronique Aubert.

À la suite de cette vague de protestations, le gouverneur de Conakry a
interdit, le 14 janvier 2007, toute manifestation dans la capitale. Cela
n’a pas dissuadé le mouvement lancé par les syndicats qui a continué
d’organiser des manifestations dans les principales villes du pays.

L’organisation s’inquiète également des informations selon lesquelles le
Chef de l’État aurait proféré, le 18 janvier 2007, des menaces de mort
contre certains responsables syndicaux. Selon un responsable syndical,
interrogé par Radio France International (RFI), le Président Conté aurait
menacé de mort des syndicalistes lors d’une réunion.

« Face à des événements d’une telle gravité qui font des morts et des
blessés quasiment tous les jours depuis deux semaines, le président Conté
doit donner immédiatement et publiquement l ?ordre à ses forces de sécurité
de cesser tout usage excessif de la force contre des manifestants qui ne
représentent pas de menace pour la vie de tiers, »
affirme Veronique
Aubert.

L’organisation demande également la constitution d’une enquête
indépendante visant à faire la lumière sur ces événements et à traduire en
justice les auteurs de ces actes.

« S’il n ?est pas mis au plus vite un terme à l’impunité, la Guinée risque
de basculer dans une situation incontrôlée qui pourraient entraîner de
nouvelles et graves atteintes aux droits humains,
 » déclare aujourd’hui
Veronique Aubert.

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