HAÏTI : Une liberté d’expression qui coûte cher aux journalistes

Index AI : AMR 36/015/02

Tandis que l’intimidation et la violence semblent être devenues un risque professionnel pour les journalistes haïtiens, les autorités ne prennent que des mesures insuffisantes pour enquêter sur ces événements et assurer la protection des professionnels des médias, a déclaré Amnesty International aujourd’hui (vendredi 15 novembre 2002).

" Cette situation met en danger les progrès qui ont été constatés dans le domaine de la liberté d’expression depuis le retour à l’ordre démocratique, huit ans auparavant ", a ajouté l’organisation.

Dans un rapport publié ce jour sous le titre Haïti. Mise à jour : l’affaire Jean Dominique et la situation des journalistes (index AI : AMR 36/013/02), Amnesty International se penche sur certains cas de menaces et d’actes de violences récents visant des journalistes, dont certains ont été forcés de quitter le pays ou d’entrer dans la clandestinité.

Parmi ces dossiers figurent ceux des journalistes Jean-Robert François et Henry Fleurimond, qui se seraient temporairement cachés après avoir reçu des menaces de groupes pro-gouvernementaux aux Gonaïves les accusant de partialité dans leurs reportages, ainsi que le cas de Joseph Claudy Milord, directeur de Radio Saca à Grand Goâve, qui aurait été frappé par le maire de la ville, furieux que la radio ait mentionné son implication présumée dans des transactions foncières locales.

" Les nombreuses informations faisant état de menaces, de harcèlement ou d’agressions, ainsi que les obstacles rencontrés lors d’enquêtes sur des affaires importantes d’homicides sur la personne de journalistes, révèlent un respect amoindri pour la liberté d’expression et la fonction critique des journalistes en Haïti ", a déclaré Amnesty International.

L’enquête sur le meurtre en avril 2000 de Jean Dominique, journaliste à Radio Haïti Inter, et de Jean-Claude Louissaint, gardien de la station, n’a redémarré que récemment, après s’être trouvée au point mort en raison d’incertitudes sur la personne chargée de la faire progresser. De même, malgré deux arrestations récentes ayant eu lieu depuis la rédaction de ce rapport, l’enquête menée sur le meurtre en 2001 de Brignol Lindor, directeur de l’information de Radio Écho 2000, n’est toujours pas terminée. Les membres de la famille du journaliste ont fait appel de la décision de ne pas inculper l’homme qui, étant à l’époque maire de la localité, avait publiquement demandé la " tolérance zéro " à l’égard de Lindor, à qui il reprochait de soutenir le parti d’opposition.

" Ne pas mener d’enquête exhaustive sur ces agressions ainsi que d’autres, également graves, et ne pas traduire leurs responsables en justice, équivaut à diffuser un message dangereux qui présente les journalistes comme des cibles légitimes et contribue au climat d’hostilité déclarée et de violence à leur égard, a déclaré Amnesty International.

" Ce climat a lui-même de graves répercussions sur le respect général des droits humains en Haïti ", a ajouté l’organisation.
Bien que les autorités haïtiennes aient affirmé de manière répétée leur soutien à la liberté d’expression, elles ont commencé à soumettre ce soutien à des conditions qui font douter de la sincérité de leur engagement, et qui pourraient être interprétées comme un encouragement par ceux qui remettent en question la fonction critique assurée par les journalistes.

" Les autorités haïtiennes doivent prendre position, avec fermeté et sans condition, en faveur de la liberté d’expression, et condamner publiquement tous les actes de violence physique ou verbale à l’égard des journalistes. Cette attitude doit se traduire par des mesures concrètes : une enquête doit être menée sur tous ces événements et justice doit être faite ", a déclaré Amnesty International.

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