Honduras. L’état de droit est en danger lorsque des magistrats sont abusivement démis de leurs fonctions

Déclaration publique

Index AI : AMR 37/009/2010 -
ÉFAI-
12 mai 2010

Les nouveaux dirigeants du Honduras seront jugés sur leur capacité à relever le défi de l’instauration d’un état de droit et du développement de la confiance de la population dans l’indépendance de la justice, alors que quatre juges et un avocat général viennent d’être démis de leurs fonctions, uniquement semble-t-il pour avoir critiqué le coup d’état du 28 juin 2009 qui a contraint à l’exil le président Zelaya.

En janvier 2010, lorsque le nouveau gouvernement a pris ses fonctions, Amnesty International avait exhorté les autorités à mettre fin aux actes d’intimidation dont étaient victimes ceux qui désapprouvaient le coup d’état, des magistrats avaient notamment été menacés de sanctions disciplinaires. Amnesty International considère que l’indépendance de la justice est sérieusement remise en question par le congédiement de ces magistrats.

Tirza del Carmen Flores Lanza, magistrate, Ramón Enrique Barrios, juge, Luis Alonzo Chevez de la Rocha, juge, Guillermo López Lone, juge et Osmán Fajardo Morel, avocat général ont été relevés de leurs fonctions, décision qui suscite l’inquiétude en raison des soupçons de motivations à caractère politique qui pèsent sur ces départs. Les cinq magistrats, qui avaient désapprouvé le coup d’état de 2009 et participé à des manifestations pacifiques contre ce coup d’état, avaient exprimé leurs inquiétudes par écrit dans les mois qui avaient immédiatement suivi le renversement du gouvernement. Les juges et officiers de justice ayant pris part à des manifestations en faveur du coup d’état au cours de la même période n’ont pas eu à faire face à la même procédure.

La procédure disciplinaire engagée contre ces magistrats doit être abandonnée et tous doivent être immédiatement réintégrés dans leurs fonctions. La justice se trouve gravement affaiblie lorsque de tels actes de harcèlement à caractère politique sont engagés contre des magistrats. Une justice indépendante est essentielle pour protéger les droits humains et faire en sorte que tous aient droit sans discrimination aux garanties d’une procédure régulière.

Complément d’information

Le président hondurien Manuel Zelaya Rosales a été contraint d’abandonner le pouvoir le 28 juin 2009 et expulsé du pays par un groupe d’hommes politiques soutenus par l’armée et emmenés par Roberto Micheletti, alors président du Congrès national. Après le coup d’état du 28 juin 2009, les militaires ont fermé ou occupé les locaux de nombreux médias et des journalistes ont été attaqués physiquement. Des journalistes, notamment ceux qui couvrent des affaires liées aux activités du crime organisé ou à des atteintes aux droits humains, ou ceux qui ont dénoncé le coup d’État, ont fait l’objet de menaces et d’actes d’intimidation. Plusieurs juges, considérés comme hostiles au coup d’état et aux nouvelles autorités de fait, ont été mutés arbitrairement et soumis à des procédures disciplinaires injustes pendant la période au cours de laquelle un gouvernement de facto était au pouvoir. Des membres de l’association des « Juges pour la démocratie », qui se bat pour la promotion de l’indépendance judiciaire et défend les principes d’équité et de transparence des poursuites judiciaires, formaient la grande majorité des personnes visées.

Le 12 août 2009, Luis Chevez de la Rocha, membre de l’association des Juges pour la démocratie, a été arbitrairement arrêté à San Pedro Sula. Le juge de la Rocha était présent sur les lieux d’une manifestation contre le coup d’état lorsqu’il a vu des policiers frapper les manifestants. Lorsqu’il est intervenu pour demander aux policiers de faire preuve de modération, l’un des policiers aurait dit à ses hommes : « Emmenez-le, celui-là, pour manque de respect à l’autorité ». Le juge a été poussé à l’arrière d’une camionnette de la police et emmené au poste, où il est resté plus de trois heures avant d’être libéré sans avoir été inculpé. Un mois plus tard, le juge de la Rocha a été informé qu’une procédure disciplinaire avait été engagée contre lui en raison de « sa présence lors d’actes de troubles à l’ordre public » en dépit du fait qu’il n’avait pas pris part à la manifestation, qu’il avait été arrêté arbitrairement et libéré sans avoir été inculpé.

Un gouvernement de fait, conduit par Roberto Micheletti, est resté au pouvoir jusqu’à la fin de l’année 2009. Un nouveau gouvernement, avec à sa tête Porfirio Lobo, a pris ses fonctions le 27 janvier 2010, jour de la publication d’un rapport d’Amnesty International intitulé Honduras : Recommendations to the new Honduran government following the coup of June 2009 (Index : AMR 37/003/2010, disponible en anglais et en espagnol) qui rassemble des informations sur des violations commises durant le coup d’État.

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