Hong Kong : l’espoir réside dans les citoyens

Le 28 septembre 2014, des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues de Hong Kong pour réclamer des réformes démocratiques dans la ville. Ce mouvement de contestation, qui a occupé pendant 79 jours des quartiers clés de Hong Kong, fut baptisé le « mouvement des parapluies ».

Depuis trois ans, le gouvernement de Hong Kong durcit sa position à l’égard des personnes impliquées. En août, les dirigeants étudiants Joshua Wong, Alex Chow et Nathan Law ont été condamnés à des peines de six à huit mois d’emprisonnementen raison de leur participation à une manifestation qui a contribué à lancer le mouvement des parapluies, le parquet ayant requis en appel des peines plus sévères.

Beaucoup d’autres manifestants, arrêtés en raison de leur participation à des rassemblements majoritairement pacifiques, demeurent dans une situation de flou juridique. Ils ignorent s’ils vont faire l’objet de poursuites.
Quatre militants, qui étaient en première ligne du mouvement des parapluies, nous livrent leur témoignage.

Johnson Ching-Yin Yeung, 25 ans, responsable de l’équipe chargée de la collecte de fonds au sein du Network of Young Democratic Asians

Ce serait un euphémisme de dire que Johnson Ching-Yin Yeung se consacre à son travail politique. Militant pro-démocratie depuis ses années d’université, il collabore avec une demi-douzaine d’organisations locales et internationales de la société civile depuis le mouvement des parapluies, et continue de se battre pour la démocratie à Hong Kong et en Asie.

« Il est évident que le gouvernement tente de réduire au silence la jeune génération en engageant des poursuites contre Joshua Wong, Nathan Law et Alex Chow, trois ans après le mouvement des parapluies.

« Je compte beaucoup d’amis parmi les jeunes manifestants récemment emprisonnés. Je les ai connus lorsque j’étais étudiant. Je me sens à la fois triste et inquiet qu’ils aient perdu leur liberté. Ils sont incarcérés pour une cause commune, ils se sont battus pour le bien de tous. Beaucoup d’entre nous ont également participé au mouvement. Pourquoi sont-ils les seuls à se retrouver derrière les barreaux ?

« Je ne m’inquiète pas d’une possible inculpation. Les groupes d’étudiants ont insisté sur le fait que les participants doivent comprendre les conséquences de leurs actes lorsque nous préparions des actes de désobéissance civile avant le mouvement des parapluies. Je me suis préparé psychologiquement à être inculpé ou condamné – une issue prévisible.

« Les brutalités policières, les arrestations et les accusations sélectives, la longueur des procédures judiciaires et les peines disproportionnées ont pour effet d’effrayer la population. Il nous faut faire plus attention dorénavant.

« Ce qui m’inquiète le plus, c’est de savoir qui, une fois la plupart des jeunes militants incarcérés, va se mobiliser en faveur de réformes dans cette société ? On n’est jamais assez nombreux lorsqu’il s’agit de questions sociales. Lorsqu’ils enferment l’un d’entre nous, ils nous enlèvent une partie de notre force. »

Mung Siu Tat, 45 ans, directeur exécutif de la Confédération des syndicats de Hong Kong

Militant de longue date, Mung Siu Tat a défendu les droits du travail et la démocratie à Hong Kong pendant la majeure partie de sa vie. Il a rejoint le mouvement des parapluies afin de promouvoir le suffrage universel, un changement qui selon lui amènerait une représentation plus juste des travailleurs au sein du gouvernement.

« Actuellement, le gouvernement tente de dissuader les militants en engageant à leur encontre des poursuites motivées par des considérations politiques. En réaction, les citoyens vont commencer à s’autocensurer et à limiter leurs actions, ce qui permettra au gouvernement de renforcer son contrôle sur la société. Dans un tel climat politique, nous devons défendre certaines valeurs. Si nous baissons les bras, ceux qui détiennent le pouvoir vont intensifier les mesures qui restreindront encore davantage notre liberté.

« Pour combattre cette mentalité, tous les secteurs de la société doivent tenir bon. Je continuerai d’organiser des grèves ou des manifestations, mais en tant qu’organisateurs, il est de notre responsabilité d’informer les participants des risques et des conséquences de leurs actes.

« Avant le mouvement des parapluies, nous considérions notre liberté d’expression et de réunion pacifique comme acquise. Depuis 2014, le climat politique a changé rapidement – et cette évolution se poursuit. Ce que nous considérions comme allant de soi n’est plus la norme. C’est comme si nous nous tenions debout au même endroit, mais que le sol se dérobait sous nos pieds, nous empêchant de nous stabiliser. »

Yvonne Leung, 24 ans, étudiante à temps partiel et assistante juridique

Durant le mouvement des parapluies, Yvonne Leung Lai Kwong était l’une des figures emblématiques des manifestations étudiantes. Aujourd’hui, elle étudie le droit à temps partiel.

« Je n’étais pas inquiète lorsque le ministère de la Justice a décidé de faire appel pour obtenir des condamnations plus lourdes pour le trio (Joshua Wong, Nathan Law et Alex Chow). Ce qui m’a perturbée en revanche, c’est la manière dont le tribunal a traité cet appel.

« Cela ne correspondait pas aux procédures habituelles, mais je pense que cela marque le début d’une nouvelle tendance. Par le passé, les tribunaux suivaient la ligne et ne protégeaient pas suffisamment nos droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Cette fois-ci, le tribunal est allé plus loin et a sans doute pris une part active pour imposer des restrictions injustifiées à nos droits.

« Il est plus difficile d’organiser des manifestations de grande ampleur, nous devons prendre en compte le fait que tous les participants risquent d’être arrêtés. Quelle est l’étendue de ma liberté ? Si je poursuis mon action en tant que militante en première ligne, je pourrais faire partie de ceux qui font l’objet de poursuites, le gouvernement se sert de mon cas pour resserrer l’étau sur la liberté d’expression et de réunion pacifique. »

Gary Fong, 25 ans, professeur auxiliaire à l’Université chinoise de Hong Kong

Avec ses lunettes et son polo bleu, Gary Fong se fond parfaitement parmi les professeurs de l’Université chinoise de Hong Kong. Après avoir obtenu sa licence, il s’est retiré de la première ligne des mouvements pro-démocratie. Il consacre la plupart de son temps à faire des recherches sur le pouvoir de la police à Hong Kong, mission qu’il considère cruciale pour le militantisme social dans la ville.

« Le gouvernement a voulu adresser le message suivant : les manifestants doivent répondre de leurs actes et les conséquences seront plus dures que jamais. Je crois que le noyau des militants restera déterminé et défendra ses positions. Les actions du gouvernement vont inciter d’autres citoyens qui étaient moins impliqués politiquement à prendre des rôles actifs dans la société civile parce que leurs voix sont étouffées.

« La polarisation politique croissante de la société à Hong Kong va étioler le centre. Les conflits vont se multiplier, les deux groupes distincts [pro-démocrates et pro-Pékin] ayant pris des directions très différentes.

« Le mouvement des parapluies s’est décliné en une série de manifestations pacifiques qui a mobilisé des centaines de milliers de Hongkongais pour occuper la rue ; pourtant, le gouvernement s’obstine à refuser d’entendre nos revendications. En tant que militant, vous n’avez d’autre choix que de réfléchir à la manière de poursuivre l’engagement à partir de là. »

L’espoir réside dans les citoyens

Cité par Mung Siu Tat et Gary Fong lors de leur entretien avec Amnesty International, le slogan rendu populaire durant le mouvement des parapluies – « l’espoir réside dans les citoyens, le changement commence avec la résistance » – rappelle aux militants de Hong Kong qu’ils doivent rester optimistes durant ces jours sombres et mouvants.

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