Hong Kong, Stop au harcèlement et aux arrestations des observateurs

Amnesty International déplore l’arrestation des observateurs des droits humains Robert Godden et Jennifer Wang dans la matinée du 18 novembre, alors qu’ils tentaient de sortir du cordon de police mis en place autour des manifestations à l’Université polytechnique de Hong Kong, et s’inquiète des mauvais traitements présumés commis par des policiers sur un autre détenu dont ces deux observateurs ont été témoins.

La police a arrêté Robert Godden, cofondateur et directeur de Rights Exposure, cabinet de conseil spécialisé en droits humains dont le siège se trouve à Hong Kong, et Jennifer Wang, bénévole au sein de l’équipe de surveillance de ce cabinet. Soupçonnés de « participation à une émeute », ils ont été placés en garde à vue, alors que tous deux étaient clairement identifiés comme des observateurs des droits humains et portaient une veste sur laquelle étaient inscrits les mots « Observateur des droits humains », en anglais et en chinois.

Robert Godden, ancien employé d’Amnesty International, et Jennifer Wang ont ensuite été libérés sous caution après respectivement 15 et 27 heures de garde à vue, sans être informés que des poursuites pour « émeute » étaient toujours en instance. La police a saisi leurs vestes, leur équipement de protection, leurs cartes Octopus de transport public et leurs téléphones portables, les empêchant ainsi de poursuivre leur travail en tant qu’observateurs des droits humains.

Manifestants et policiers se sont affrontés dans la nuit du 16 novembre et la matinée du 17 novembre devant le campus de l’Université polytechnique de Hong Kong. Depuis l’après-midi du 17 novembre, la police assiégeait le campus. Elle a utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau, semble-t-il pour empêcher les gens de quitter les lieux, et les manifestants ont riposté avec des cocktails Molotov. Le cordon de police entourant le campus de l’université a été levé le 29 novembre.

Pendant cette période, la police a arrêté des secouristes bénévoles et des travailleurs sociaux qui tentaient de quitter le campus. Selon les autorités, au total, 1 377 personnes ont été arrêtées dans le quartier ou alors qu’elles tentaient de sortir du campus universitaire ; 318 jeunes âgés de moins de 18 ans sont repartis après que la police a enregistré leurs coordonnées, mais n’ont pas fait l’objet d’une arrestation.

Robert Godden a déclaré à Amnesty International que, lorsqu’il est arrivé au poste, un policier l’a insulté en cantonais et ne lui a rien donné à manger pendant ses 15 heures de détention – tout comme aux autres détenus. Robert Godden et Jennifer Wang ont pu contacter leurs familles et leurs avocats, mais ces derniers ont dû patienter environ trois heures au poste avant de pouvoir les rencontrer.

Robert Godden a raconté avoir entendu les « hurlements de douleur » d’un homme retentir dans un coin fermé par des rideaux adjacent à l’endroit où il était détenu avec d’autres personnes. Il a déclaré qu’à travers une fente dans les rideaux, Jennifer Wang a aperçu un homme, à son avis un détenu, se faire attraper par le col et plaquer contre une grille métallique par un autre homme, à son avis un policier. Robert Godden a ajouté que les cris de cet homme, qui se sont poursuivis par intermittence pendant cinq minutes, l’ont amené à supposer qu’il était soumis à une douleur soutenue. Avec d’autres détenus, ils ont reçu l’ordre de ne pas regarder dans la direction d’où venait le bruit. Selon Robert Godden, aucun policier n’est intervenu pour savoir ce qui se passait.

Les observateurs de Rights Exposure ont commencé à observer les manifestations qui se déroulent à Hong Kong à partir de fin août 2019. Le cabinet a alors informé par écrit la police de Hong Kong qu’il mènerait des missions d’observation et a demandé l’ouverture de lignes de communication avec la police – demande restée sans réponse.

Au fil du mouvement qui s’est nettement intensifié en juin, des observateurs des droits humains d’autres organisations de la société civile ont signalé être harcelés, dispersés et blessés pendant qu’ils observaient les rassemblements. Robert Godden et des observateurs de Civil Rights Observer et de l’Observatoire des droits humains à Hong Kong, deux ONG locales, ont tous déclaré avoir été la cible de tirs de gaz lacrymogènes, de balles au poivre et de canons à eau dans des endroits où aucune violence n’avait lieu et où étaient rassemblés des journalistes et des observateurs clairement identifiés, ainsi que des passants.

Des observateurs ont également indiqué que des policiers leur ont ordonné de cesser de filmer en vidéo leurs collègues en train de procéder à des arrestations et de disperser les manifestants, alors qu’ils se trouvaient déjà à une vingtaine de mètres. Certains ont été menacés ou frappés à coups de matraques et de boucliers. Une fois, l’un d’entre eux s’est fait retirer son masque respirateur de force, alors que des gaz lacrymogènes étaient tirés. Une autre fois, les policiers ont pointé leurs armes sur des observateurs et des journalistes pour les disperser.

Un observateur des droits humains est généralement défini comme une personne ou un groupe tiers, non-participant, dont l’objectif principal est d’observer et de rendre compte des actions et des activités se déroulant dans des rassemblements publics et de recueillir, vérifier et utiliser les informations afin de remédier aux problèmes relatifs aux droits humains. Les États sont tenus de protéger les droits de ces observateurs. Même lorsqu’un rassemblement est déclaré illégal ou est dispersé, le droit des organisations de la société civile de l’observer perdure. Les observateurs ne doivent pas être harcelés ni sanctionnés en raison de leur présence lors de manifestations. La saisie ou la destruction de notes et d’équipements d’enregistrement vidéo ou audio en l’absence de procédure régulière devrait être interdite et punie.

La surveillance indépendante des rassemblements, notamment par des membres d’organismes de la société civile, est essentielle pour garantir pleinement l’obligation de rendre des comptes des agences chargées du maintien de l’ordre. Les responsables de l’application des lois doivent s’abstenir d’intervenir lorsque des défenseurs des droits humains ou autres observent un rassemblement, car leur rôle de surveillance est crucial. La population a le droit d’être informée sur les rassemblements publics et sur leur déroulement ; aussi importe-t-il de respecter, faciliter et protéger la surveillance des rassemblements par des membres d’organismes de la société civile.

Ces observations sont souvent une source essentielle d’informations indépendantes sur les violations des droits humains qui sont perpétrées et peuvent servir à alimenter le débat public sur les mesures à prendre afin d’améliorer la promotion et la protection du droit de réunion pacifique.

Amnesty International invite les autorités de Hong Kong à :
  respecter, protéger et favoriser le droit des observateurs des droits humains à surveiller tous les aspects des rassemblements ;
  mener dans les meilleurs délais des investigations indépendantes, impartiales et exhaustives sur le recours à la force par les forces de maintien de l’ordre depuis le début des manifestations contre le projet de loi sur l’extradition, notamment sur les abus commis par la police lors des manifestations largement pacifiques du 12 juin et sur les allégations de torture et autres mauvais traitements en détention.

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