« Hotspots » : des réfugiés et migrants victimes de violences

L’approche dite des « hotspots » ou « centres de crise » mise en œuvre par l’Europe pour accueillir les réfugiés et migrants dans les principaux pays d’arrivée, tels que l’Italie, a été mise en place en 2015 dans le but d’identifier, d’évaluer et de trier plus rapidement les nouveaux arrivants. Cependant, d’après les recherches d’Amnesty International, en Italie il s’agirait plus dans certains cas de les maltraiter, les tromper et les expulser.

Des milliers de personnes continuent de traverser la Méditerranée, fuyant les persécutions, les conflits et la pauvreté, à la recherche de protection et d’une vie décente en Europe.

L’approche dite des « hotspots » ou « centres de crise », mise en œuvre par l’Europe pour accueillir les réfugiés et migrants dans les principaux pays d’arrivée, tels que l’Italie, a été mise en place en 2015 dans le but d’identifier, d’évaluer et de trier plus rapidement les hommes, femmes et enfants nouvellement arrivés.

Cependant, d’après les recherches d’Amnesty International, en Italie il s’agirait moins dans certains cas de les « identifier, évaluer et trier », mais plutôt de les « maltraiter, les tromper et les expulser ».

Alors que des milliers de réfugiés et migrants tentent de traverser l’Italie sans se faire identifier afin de demander asile dans d’autres pays, Amnesty a reçu des témoignages concordants de méthodes coercitives employées par la police italienne dans le but d’obtenir des empreintes digitales, notamment des allégations de coups, de décharges électriques et d’humiliation sexuelle.

L’évaluation précipitée de personnes qui viennent à peine de descendre de bateau et sont encore traumatisées, sans leur donner d’informations ni de conseils adéquats, risque de les priver de la possibilité de demander asile ainsi que des protections auxquelles elles ont droit.

De plus, l’accent mis par l’Europe sur une augmentation des expulsions, qu’importe si cela implique des accords avec des gouvernements bien connus pour leurs violations des droits humains, a pour conséquence le renvoi de personnes vers des endroits où elles risquent d’être exposées à la torture ou à d’autres graves violations des droits humains.

Maltraités pour des empreintes digitales

Le relevé des empreintes digitales est une étape cruciale qui permet à l’Europe d’identifier les personnes qui arrivent sur ses rivages. En Europe, le règlement de Dublin, en vertu duquel les pays peuvent renvoyer des demandeurs d’asile vers le premier État membre dans lequel ils ont posé pied, repose sur le relevé des empreintes digitales pour établir qui est arrivé où.

Avant mi-2015, l’Italie avait des résultats mitigés en termes de relevé d’empreintes digitales sur les personnes refusant de s’y soumettre car elles souhaitaient demander asile dans d’autres pays, au grand désespoir de certains gouvernements européens.

L’Union européenne a alors mis en œuvre une nouvelle approche et a imposé à l’Italie un objectif de 100 % de prélèvement d’empreintes digitales, en recommandant notamment l’usage de la force lorsque cela s’avérait nécessaire pour leur obtention. Pour atteindre cet objectif, les autorités italiennes sont allées jusqu’à la limite, et au-delà, de ce qui est autorisé par le droit international relatif aux droits humains.
Les gouvernements européens avaient accepté de répartir certains des demandeurs d’asile arrivant dans le pays vers d’autres États membres, afin de soulager la pression sur l’Italie. Mais jusqu’à présent, ils n’ont pas tenu cet engagement et n’ont relocalisé qu’un petit nombre de demandeurs d’asile.

Au cours de l’année 2016, Amnesty International a recueilli un nombre conséquent de témoignages d’usage excessif de la force durant les relevés d’empreintes sur des réfugiés et des migrants, y compris des femmes et des enfants non accompagnés.

Certains ont affirmé avoir été torturés afin de les contraindre à donner leurs empreintes digitales. Certains témoignages font notamment mention de coups, de décharges au moyen de matraques électriques et d’humiliations sexuelles ou encore de douleurs infligées sur les parties génitales.

Amnesty International a informé le ministère italien de l’Intérieur de ces témoignages et l’a exhorté à répondre à ces allégations.

Nouvelle évaluation, moins de garanties

Essayez d’imaginer : vous avez fui votre foyer, vous avez peut-être été séparé-e de votre famille et de vos amis, vous avez entrepris un long et dangereux voyage dans des conditions effroyables, puis risqué votre vie dans une traversée périlleuse de la Méditerranée, bien souvent après des mois en Libye, où la détention, les enlèvements, la torture et le viol sont endémiques. Puis, à l’instant même où le calvaire se termine, on vous demande de prendre une décision cruciale qui affectera le reste de votre vie, alors que vous ne comprenez pas pleinement ce qu’on vous demande.

Voilà ce à quoi sont confrontés les réfugiés et les migrants en arrivant en Italie. À peine descendus du bateau, ils sont évalués, de jour comme de nuit. Nombre d’entre eux ont peur de la police et sont sous le choc ou extrêmement faibles. Ils n’ont eu qu’un accès limité aux informations sur les procédures d’asile.

On leur pose les mauvaises questions au mauvais moment, sans leur donner un accès suffisant à une assistance juridique.

« Je ne sais même pas comment nous sommes arrivés là, je pleurais... J’ai vu tant de policiers, j’avais peur... On m’a demandé mon nom, mon prénom, ma nationalité... Mais j’avais la tête ailleurs, je n’arrivais même plus à me souvenir du nom de mes parents...  » Ada, 29 ans, originaire du Nigeria

Expulsions à tout prix

À cause de ces évaluations défaillantes, certaines personnes sont classées dans la catégorie des « migrants en situation irrégulière » et reçoivent l’ordre de quitter le pays, quand bien même elles auraient eu des motifs pour demander asile.

En outre, sous les encouragements de l’UE, l’Italie s’engage de plus en plus dans des accords bilatéraux dangereux avec des pays tiers, qui permettent de renvoyer des personnes vers des endroits où elles risquent d’être exposées à de graves atteintes aux droits humains.

Un nouvel accord a été signé entre les polices italiennes et soudanaises en août 2016, renforçant la coopération entre les deux pays en matière de flux migratoires et de frontières, et prévoyant notamment le renvoi des migrants soudanais en situation irrégulière. Si cet accord ne permet pas le renvoi d’une personne ayant demandé asile en Italie, le processus d’identification mis en place est si superficiel qu’il pourrait se traduire par un transfert rapide vers le Soudan de personnes qui, bien qu’elles n’aient pas déposé de demande d’asile en Italie, n’en demeurent pas moins vulnérables à de graves violations des droits humains si elles étaient renvoyées dans leur pays. Cet accord doit être abandonné.

Les autorités italiennes doivent veiller à ce que les réfugiés et migrants ne puissent être renvoyés qu’après une évaluation en bonne et due forme des risques auxquels ils seraient confrontés, et garantir qu’aucune personne ne soit renvoyée vers un endroit où elle risque d’être victime de persécutions, de torture ou d’autres graves violations des droits humains.

« Nous étions menottés et accompagnés par des policiers italiens... Nous sommes arrivés à l’aéroport de Khartoum... Un par un, nous avons tous subi un interrogatoire... Maintenant, j’ai peur que les forces de sécurité me recherchent. » Yaqoub, 23 ans, originaire du Darfour (Soudan)

Recommandations aux autorités italiennes

• Veiller à ce que les réfugiés et migrants ne soient pas soumis à un usage excessif de la force, à de la torture ou d’autres mauvais traitements, ou à la détention arbitraire par les responsables de l’application des lois lors du relevé des empreintes digitales ou de toute autre opération connexe.

• Aucune évaluation ne doit avoir lieu immédiatement après l’arrivée des demandeurs d’asile ; ceux-ci doivent d’abord recevoir l’aide, les informations et les conseils nécessaires sur ce processus.

• Toute expulsion doit s’appuyer sur une évaluation juste et éclairée et sur des entretiens individuels, et aucune personne ne doit être renvoyée vers un pays où elle risque d’être exposée à de graves violations des droits humains.

Contrairement à son but annoncé, l’approche des « hotspots » n’a fait qu’accentuer la pression reposant sur les États qui se trouvent en première ligne pour contrôler les frontières, protéger les demandeurs d’asile et repousser les migrants en situation irrégulière. Cela mène à des violations des droits humains dont les autorités italiennes sont les responsables directs, et les dirigeants européens les responsables politiques.

L’Europe doit partager davantage les responsabilités en termes de protection des réfugiés, au lieu d’en faire peser tout le poids sur les pays d’accueil comme l’Italie.

L’Europe doit également créer des voies d’accès sûres et légales afin que personne ne se sente obligé de faire la dangereuse traversée de la Méditerranée et de remettre sa vie dans les mains de passeurs pour tenter de se mettre en sécurité.

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