Communiqué de presse

L’Inde doit accorder plus d’importance aux travailleurs migrants qu’aux milliards de dollars qu’ils renvoient chez eux

L’absence de réglementation adaptée en ce qui concerne les intermédiaires spécialisés dans l’obtention de visas et les agents de recrutement parfois malveillants expose les travailleurs migrants indiens à de graves violations des droits humains, écrit Amnesty International Inde dans un nouveau rapport portant sur les migrants originaires de l’État du Kerala travaillant en Arabie saoudite, document rendu public vendredi 4 juillet.

Ce document, intitulé Exploited Dreams : Dispatches from Indian migrant workers in Saudi Arabia, met en lumière les cas de travailleurs migrants en provenance du Kerala qui ont été trompés au sujet de leur emploi, de leur rémunération et de leurs conditions de travail par des agents de recrutement parfois sans scrupules et des intermédiaires spécialisés dans l’obtention de visas basés en Inde. De nombreux travailleurs ont par la suite été victimes de toute une série de violations des droits humains en Arabie saoudite, notamment d’esclavage dans les pires des cas.

« Chaque année, les travailleurs migrants envoient des milliards de dollars en Inde et soutiennent des milliers de familles. Les autorités indiennes continuent pourtant à les abandonner à leur sort lorsqu’ils sont victimes d’abus. Il est temps que les droits des travailleurs migrants bénéficient de la protection qu’ils méritent  », a déclaré G. Ananthapadmanabhan, directeur d’Amnesty International Inde.

« Les événements récents en Irak sont un rappel brutal des risques auxquels peuvent être confrontés les migrants indiens dans les pays où ils travaillent ».

« Ce rapport montre que l’exploitation et les tromperies dont les migrants sont victimes peuvent commencer bien plus tôt, avant même qu’ils ne quittent l’Inde, lorsqu’ils ont affaire aux intermédiaires spécialisés dans l’obtention de visas et à des agents de recrutement qui sont parfois peu recommandables. »

Le rapport s’appuie en grande partie sur des entretiens menés avec des représentants du gouvernement indien, des agents de recrutement et des migrants, dont beaucoup sont retournés en Inde après l’introduction du programme saoudien Nitaqat - qui visait à stimuler l’embauche de citoyens saoudiens dans le secteur privé et à sévir contre les travailleurs en situation irrégulière.

Amnesty International Inde a recueilli les propos de travailleurs migrants qui, abusés par des intermédiaires spécialisés dans l’obtention de visas et par des agents de recrutement, s’étaient retrouvés en Arabie saoudite dans des emplois différents de ceux qui leur avaient été promis. Dans certains cas, ils n’avaient perçu aucune rémunération pendant plusieurs mois, voire à quelque moment que ce soit.

Des travailleurs migrants ont expliqué qu’ils travaillaient régulièrement entre 15 et 18 heures par jour sans jour de congé, et sans recevoir d’indemnisation pour les heures supplémentaires. Certains ont été menacés et frappés par leurs employeurs, se sont fait confisquer leur passeport et leur permis de résidence, et se sont vu refuser le permis de sortie sans lequel ils ne pouvaient rentrer chez eux.

Rares sont ceux qui ont exercé des voies de recours à leur retour, ou qui connaissent leurs droits en vertu du droit ou des mécanismes de réparation existants. Presque personne n’avait participé à un programme de formation avant de quitter l’Inde.

« Les travailleurs migrants sont vulnérables en raison d’actes individuels de tromperie, mais également parce que les politiques et les lois relatives à leur recrutement sont mal conçues et mal appliquées », a déclaré G. Ananthapadmanabhan.

La loi indienne sur l’émigration régit le recrutement des travailleurs migrants indiens, notamment en rendant obligatoire pour les agents de recrutement l’obtention d’une certification auprès du gouvernement, et en établissant des bureaux du protecteur des émigrants afin de réguler leurs activités.

Les recherches effectuées par Amnesty International Inde ont cependant révélé que certains agents de recrutement enfreignent les lois et politiques relatives à la migration, notamment en négligeant le principe de diligence requise qui les engage à s’assurer que les travailleurs migrants ne sont pas dupés.

En outre, les intermédiaires se chargeant de l’obtention des visas - auxquels ont recours la majorité des migrants potentiels -, ne sont ni enregistrés ni contrôlés, et agissent hors du cadre de la loi. Le fait que les migrants s’appuient sur des intermédiaires pour faciliter le processus de recrutement les a souvent laissés à la merci des tromperies, de l’exploitation et des dettes.

Les autorités telles que le protecteur des émigrants manquent des ressources requises pour véritablement réguler le recrutement des travailleurs migrants, et les recruteurs mal intentionnés sont rarement sanctionnés.

« Il faut répondre aux violations systémiques par des changements systémiques. Le gouvernement doit élaborer une nouvelle loi sur l’émigration qui soit conforme aux normes internationales en matière de droits humains et s’aligne sur les systèmes progressifs de gestion de l’émigration », a déclaré G. Ananthapadmanabhan.

« Les autorités du Kerala et le gouvernement central doivent mieux réguler l’activité des agents de recrutement et des intermédiaires, développer les programmes de formation préalables au départ et améliorer l’accès aux voies de recours. »

Amnesty International engage le gouvernement indien à (voir le rapport pour la liste complète des recommandations) :
 ? envisager d’autres mesures de régulation afin de reconnaître et de règlementer les activités des intermédiaires chargés des visas, notamment en :
 ? fixant un mandat clair, selon lequel ces intermédiaires pourraient être liés aux agents de recrutement ;
 ? informant les intermédiaires de leurs obligations juridiques et des droits des travailleurs migrants ;
 ? délivrant des permis individuels de courte durée aux intermédiaires chargés des visas afin qu’ils recrutent les candidats en collaboration avec les agents de recrutement, et en renouvelant les permis en fonction de leur bilan ;
 ? précisant bien aux agents de recrutement que c’est à eux qu’il appartient d’exercer la diligence requise concernant les conditions de travail promises par les intermédiaires chargés des visas auxquels ils sont associés.
 ? mettre en place un contrôle plus étroit des agents de recrutement, en établissant un service distinct placé sous l’égide du protecteur des émigrants, qui sera chargé d’effectuer des visites programmées et surprises et de mener des évaluations. Il conviendra de fournir à ce service le soutien logistique et financier dont il a besoin pour accomplir sa tâche ;
 ? améliorer l’accès aux voies de recours en établissant un service distinct doté de pouvoirs d’application, placé sous l’égide du protecteur des émigrants, qui serait chargé d’enquêter sur les plaintes déposées contre les recruteurs pour les faits d’exploitation et autres abus. Ce service doit permettre aux migrants de bénéficier d’une aide judiciaire, de s’informer, et d’avoir accès à des services de traduction et à d’autres formes d’aide lorsque cela est nécessaire ;
 ? étendre la portée des programmes d’orientation et de soutien préalables au départ proposés par le gouvernement indien et l’État du Kerala, notamment par le biais du Centre de ressources pour les travailleurs de l’étranger, du Service des affaires des non-résidents du Kerala et du Centre de ressources pour les migrants.

Amnesty International engage le gouvernement saoudien à :
 ? signer et ratifier immédiatement et sans réserve le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
 ? signer et ratifier immédiatement et sans réserve la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ;
 ? réformer complètement le système de la kafala et à supprimer l’obligation pour les travailleurs migrants d’obtenir auprès de leur employeur la permission de changer d’emploi ou de quitter le pays ;
 ? réformer le droit du travail afin de garantir que les travailleurs disposent d’une protection adaptée contre les abus de leurs employeurs et de l’État.

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