Inde. De nombreux adivasi victimes d’opérations menées par les forces spéciales de sécurité attendent toujours que justice leur soit rendue et que des réparations leur soient accordées au Karnataka et au Tamil Nadu

Déclaration publique

ASA 20/002/2008

Amnesty International craint que plusieurs victimes adivasi (membres de communautés indigènes marginalisées) d’opérations menées pendant une dizaine d’années par les forces spéciales de sécurité (Special Task Force, STF) contre Veerappan, tué par les forces spéciales de sécurité après avoir été déclaré hors-la-loi pour trafic de bois de santal, ne doivent encore attendre avant que justice leur soit rendue et qu’ils reçoivent réparation pour atteintes à leurs droits fondamentaux. Parmi les atteintes aux droits humains perpétrées lors d’opérations contre Veerappan, on peut citer les homicides illégaux, les détentions arbitraires, actes de torture et autres traitements ou châtiments (mauvais traitements) cruels, inhumains ou dégradants, notamment des actes de violence sexuelle.

Amnesty International a appris qu’un an après qu’une commission d’enquête officielle dirigée par le juge A. J. Sadashiva ait ordonné au gouvernement du Karnataka de verser des indemnités à 51 victimes, treize d’entre elles n’ont toujours rien reçu. Le gouvernement du Tamil Nadu a indemnisé 38 victimes comme cela lui avait été ordonné. En janvier 2007, la Commission nationale des droits humains avait enjoint aux deux gouvernements d’indemniser 89 victimes conformément aux recommandations de la commission d’enquête.

Indépendamment de cette décision de justice, des organisations de défense des droits humains des deux États ont, au cours de l’année 2007, fait campagne pour que justice soit rendue aux 104 autres victimes dont les plaintes n’auraient pas été prises en considération par la commission d’enquête. Parmi les atteintes aux droits humains subies par ces personnes, figurent les détentions arbitraires pour une durée indéterminée, des actes de torture pouvant aller jusqu’à la mort, des mauvais traitements et des violences sexuelles. Aucune poursuite n’a été engagée à l’encontre des 39 membres des Forces spéciales de sécurité identifiés par leurs victimes au cours de la procédure, bien que la commission d’enquête ait reconnu dans ses conclusions que les Forces spéciales de sécurité avaient eu recours à la torture. Amnesty International a cependant appris que plusieurs plaintes avaient néanmoins été déposées par les victimes dans des postes de police du Tamil Nadu et du Karnataka contre 39 membres des Forces spéciales de sécurité.

Les plaintes déposées contre eux n’ont pas empêché certain membres des Forces spéciales de sécurité, identifiés par leurs victimes comme ayant perpétré des atteintes aux droits humains, d’être récompensés ou promus ; certains des personnels nommés par les victimes auraient même assisté à une cérémonie officielle de remise des indemnités accordées aux victimes au Karnataka en mars 2007, soulevant les protestations de ces dernières.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’Inde a pour obligation de « garantir que toute personne dont les droits et libertés ... auront été violés disposera d’un recours utile », de « garantir que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel » et de « garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. »

Amnesty International demande donc instamment :
  au gouvernement du Karnataka d’indemniser immédiatement les treize victimes auxquelles aucune indemnité n’a encore été versée, en conformité avec la décision de justice de janvier 2007 ;
  aux autorités du Karnataka et du Tamil Nadu d’enquêter de façon approfondie sur les plaintes pour atteintes aux droits humains déposées contre 39 membres des Forces spéciales de sécurité et d’engager des poursuites contre les auteurs présumés de violations de justice, lors de procédures respectant les normes internationales d’équité et excluant l’imposition de la peine de mort ;
  la suspension immédiate des fonctionnaires cités dans les plaintes jusqu’à la fin des enquêtes ;
et
  à la Commission nationale des droits humains de s’intéresser à ces dossiers afin de veiller à ce que justice soit rendue aux victimes ;
  à la Commission nationale des droits humains de réexaminer les plaintes déposées par les victimes et non prises en compte par la commission d’enquête officielle.

Complément d’information
En 1993, les gouvernements du Karnataka et du Tamil Nadu ont créé laSpecial Task Force (STF), détachement des forces spéciales de sécurité, pour capturer Veerappan et ses complices, hors-la-loi pendant plus de sept ans. Le 21 octobre 2004, Veerappan et deux de ses complices ont été tués au cours d’opérations menées par les Forces spéciales de sécurité . En tout, 36 personnes ont perdu la vie au cours d’opérations menées par les Forces spéciales de sécurité.

En juin 1999, la Commission nationale des droits humains a nommé une commission d’enquête officielle, composée du juge Sadashiva et de l’ancien directeur général du Central Bureau of Investigation (CBI, Bureau central d’enquêtes) indien. La commission d’enquête a soumis ses recommandations en décembre 2003.

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