INDE - Des survivants de Bhopal ont entrepris une marche de 800 kilomètres pour tenter d’obtenir justice

Index AI : ASA 20/010/2006

LETTRE OUVERTE

Son Excellence Monsieur Manmohan Singh
Premier ministre de l’Inde
South Block, Raisina Hill
New Delhi
Inde-110 011

Monsieur le Premier ministre,

Je vous adresse ce courrier pour vous faire part de l’inquiétude de milliers de membres et sympathisants d’Amnesty International à travers le monde, signataires d’une pétition réclamant au gouvernement indien un approvisionnement régulier et suffisant en eau potable pour la population de Bhopal, dans le Madhya Pradesh, conformément à la décision de la Cour suprême indienne en 2004.

Je vous demande également instamment de prendre en compte la requête des survivants de Bhopal , dont un grand nombre ont entrepris une marche de 800 kilomètres jusqu’à New Delhi dans l’espoir de vous rencontrer pour vous présenter leurs doléances.

En décembre 2004, Amnesty International a publié un rapport à l’occasion du vingtième anniversaire de la catastrophe de Bhopal. Comme vous le savez, une fuite de gaz dans une usine de pesticides de Bhopal, propriété de l’Union Carbide India Limited (UCIL), filiale indienne de l’Union Carbide Corporation (UCC), une multinationale implantée aux États-Unis, a causé la mort de plus de 7 000 personnes et affecté des centaines de milliers d’autres dans les jours qui ont suivi. Au cours des vingt dernières années, au moins 15 000 personnes sont décédées et plus d’une centaine de milliers d’autres souffrent de maladies chroniques dues à l’exposition au gaz toxique. À ce jour, personne n’a été tenu pour responsable de la fuite de gaz et de ses conséquences désastreuses qui continuent d’affecter la population et l’environnement.

Le site de l’usine n’a pas encore été nettoyé et les déchets toxiques continuent de polluer l’atmosphère et de contaminer l’eau dont dépendent les populations environnantes. Malgré une décision de la Cour suprême indienne en mai 2004, ordonnant au gouvernement du Madhya Pradesh d’approvisionner la population en eau potable propre, le gouvernement de cet État ne s’est pas encore conformé pleinement à cette décision. Il y a plus d’un an, les 8 et 10 mai 2005, le gouvernement de cet État et des responsables de la Cour suprême se sont mis d’accord sur d’importantes mesures pour approvisionner toutes les populations affectées en eau potable en quantité suffisante ; un plan d’approvisionnement permanent en eau potable a notamment été présenté. Ces engagements devaient se concrétiser dans les quatre semaines suivant la présentation du plan ; toutefois, selon les informations dont dispose Amnesty International, rien n’a encore été fait et le gouvernement du Madhya Pradesh n’aurait à ce jour pris aucune mesure visant à faire appliquer la décision de la Cour suprême. Amnesty International est profondément préoccupée par la non-application de cette décision et par la situation des victimes de Bhopal, toujours privées d’un approvisionnement régulier et suffisant en eau potable, et qui n’ont d’autre choix que de continuer à boire de l’eau contaminée.

Amnesty International est également préoccupée par des informations qui lui sont parvenues concernant l’arrestation, le 28 mars à New Delhi, de 300 manifestants venus protester pacifiquement devant le ministère des produits chimiques et des fertilisants. Beaucoup des personnes arrêtées étaient des victimes de Bhopal, qui avaient effectué une marche de cinq semaines pour venir présenter leurs doléances. Au moins deux des victimes se sont plaintes d’avoir été agressées par la police et ont dû être hospitalisées.

Au nom d’Amnesty International, je vous demande :

 de prendre des mesures immédiates pour assurer un approvisionnement régulier en eau potable, destinée à l’usage domestique des populations affectées, conformément à la décision de la Cour suprême ;

 d’assurer la décontamination du site de l’usine afin de limiter la pollution des nappes phréatiques et de l’environnement ;

 de veiller à ce qu’une enquête impartiale, approfondie et transparente soit menée dans les meilleurs délais sur le maintien de l’ordre exercé lors des manifestations mentionnées précédemment, de vérifier que le recours à la force par les policiers s’est fait en conformité avec le droit national et les normes internationales et de veiller à ce que toute personne présumée responsable d’un recours excessif à la force ait à rendre des comptes.

Les survivants de Bhopal qui ont entrepris cette marche sur New Delhi cherchent à vous rencontrer. J’espère que vous accepterez de recevoir ces survivants de Bhopal et de les informer des mesures que vous avez l’intention de prendre pour accéder à leurs requêtes.

Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, l’assurance de ma très haute considération.

Irene Khan
Secrétaire générale

Cc : Gouvernement du Madhya Pradesh.

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