INDE : Dix ans après les émeutes de Mumbai, l’impunité est-elle la leçon que le Gujarat doit retenir ?

Index AI : ASA 20/023/02

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

« Combien de temps les victimes vont-elles encore devoir attendre avant que justice ne soit rendue pour les massacres qui ont eu lieu à Mumbai (Bombay) en 1992 ? », a demandé aujourd’hui (vendredi 6 décembre 2002) Amnesty International, rappelant le carnage tragique des émeutes de Mumbai il y a dix ans.

Déclenchées par la destruction de la Babri Masjid (mosquée Babri) à Ayodhya le 6 décembre 1992, des émeutes d’une ampleur considérable avaient frappé Mumbai, faisant au moins 1 788 morts. Peu après ces émeutes, une commission d’enquête, la Srikrishna Commission of Inquiry (Commission d’enquête Srikrishna), avait été créée pour identifier les causes et les responsabilités de ces violences.

« Or, plus de quatre ans après la publication du rapport de cette Commission en 1998, le gouvernement du Maharashtra n’a toujours pris aucune mesure significative pour en appliquer les recommandations », a souligné Amnesty International.

Tandis que le précédent gouvernement de l’État, dirigé par une alliance entre le Shiv Sena (Armée de Shiva) et le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), avait essayé de démanteler la Commission elle-même en 1996, le gouvernement actuel, sous la direction du Congress Party (Parti du Congrès), s’est contenté d’en enterrer le rapport. Or, Amnesty International estime que les recommandations de cette Commission devraient être pleinement appliquées pour permettre l’élimination des facteurs qui avaient permis le déclenchement de telles émeutes et pour éviter que des violences similaires ne se reproduisent.

Outre des mesures préventives à plus long terme destinées à éviter les violences entre communautés, la Commission d’enquête avait recommandé l’ouverture de poursuites contre 31 policiers accusés d’avoir tué des innocents, agi avec un parti pris communautaire, fait preuve de négligence ou participé eux-mêmes aux manifestations. Dix-sept de ces policiers ont été officiellement inculpés au milieu de l’année 2001, mais aucun n’a encore été jugé ni condamné et tous sont actuellement en liberté. Certains auraient même reçu une promotion. D’autres n’ont été l’objet que d’une action disciplinaire interne.

« L’impunité dont bénéficient les responsables des émeutes de Mumbai depuis dix ans envoie à la nation un message profondément alarmant et ébranle la confiance du public en la justice », a déclaré Amnesty International.

« L’inaction des autorités au Maharashtra est particulièrement démoralisante pour les victimes des récents massacres du Gujarat, qui cherchent actuellement à obtenir justice : Mumbai leur montre que, même lorsque les responsables sont identifiés, ils ne sont pas inquiétés », a-t-elle ajouté.

« Le gouvernement du Maharashtra devrait prendre de toute urgence toutes les mesures nécessaires pour inverser la tendance, qui est actuellement à l’impunité pour les responsables des émeutes de Mumbai, afin de restaurer la crédibilité du système judiciaire et d’envoyer ainsi un message fort à ceux qui cherchent à obtenir justice au Gujarat », a conclu l’organisation de défense des droits humains.

Complément d’information
Le 6 décembre 1992, après des mois de mobilisation par des partis hindous d’extrême-droite, environ 2 000 personnes ont manifesté jusqu’à la mosquée Babri d’Ayodhya, en Uttar Pradesh ; ils l’ont alors démolie en présence de nombreux contingents des forces de sécurité qui ne sont pas intervenus. Cette affaire a déclenché un certain nombre d’affrontements intercommunautaires dans tout le pays.
Lorsque, le 7 décembre, certains groupes musulmans de Mumbai (Bombay) ont protesté violemment contre cette démolition, des groupes hindous d’extrême-droite, et en particulier le Shiv Sena (Armée de Shiva), ont profité de la situation pour mobiliser les hindous en vue de « donner une leçon aux musulmans ». La situation s’est aggravée et a abouti à de véritables émeutes, qui ne sont calmées que dans la deuxième moitié du mois de janvier 1993.
La Commission Srikrishna, tout en dénonçant largement les violences commises aussi bien par des musulmans que par des hindous, a clairement identifié et critiqué les groupes hindous d’extrême-droite pour leurs actes de violence prémédités contre des personnes et des biens musulmans à Mumbai. Elle a aussi mis en cause le gouvernement de l’État du Maharashtra pour sa réaction confuse aux violences, ainsi que certains services de la police pour leur non-intervention, voire leur participation active aux émeutes.
Une requête a été introduite devant la Cour suprême au nom des habitants de Mumbai afin de protester contre l’inaction des autorités à l’encontre des policiers mis en cause par la Commission Srikrishna. L’audience finale de cette requête est prévue pour la deuxième semaine de janvier 2003.

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