Communiqué de presse

Inde. Dow Chemical doit accepter de comparaître au sujet de la catastrophe de Bhopal

Dow Chemical doit cesser de se dérober à ses responsabilités vis-à-vis des rescapés de la catastrophe de Bhopal, a déclaré Amnesty International le 4 août 2014, après qu’un tribunal pénal indien a signifié à l’entreprise une troisième assignation à comparaître relative à la fuite de gaz de 1984 qui a fait des milliers de morts et provoqué des maladies chroniques et invalidantes chez un nombre considérable de personnes.

« L’heure est venue pour Dow de comparaître devant un tribunal indien et de rendre des comptes sur les défaillances de sa filiale Union Carbide afin de répondre des faits qui lui sont reprochés », a déclaré Audrey Gaughran, directrice du programme Thématiques mondiales à Amnesty International.

« Se soustraire à cette assignation serait faire preuve de mépris à l’égard de la justice indienne et décrédibiliserait Dow en tant qu’investisseur en Inde.  »

Depuis 13 ans, le géant de la chimie américain rejette toute forme de responsabilité vis-à-vis des victimes et des rescapés de Bhopal. En 2001, Dow a racheté Union Carbide Corporation (UCC), une multinationale américaine propriétaire de l’entreprise qui exploitait l’usine à l’époque de la fuite. Union Carbide Corporation a fait la sourde oreille à plusieurs assignations à comparaître devant des juridictions pénales indiennes pour répondre des faits qui lui sont reprochés en rapport avec la catastrophe. Cette nouvelle assignation précise clairement que, en tant que propriétaire à 100 %, Dow a la responsabilité de s’assurer qu’Union Carbide réponde de ces accusations.

Cette année marque le trentième anniversaire de la catastrophe. Près de 22 000 personnes ont perdu la vie à cause de la fuite et plus de 570 000 ont été exposées à de fortes concentrations de gaz toxiques. Beaucoup d’habitants de Bhopal souffrent encore de graves problèmes de santé. La pollution émanant du site désaffecté a contaminé le réseau d’eau local et représente encore à ce jour un danger pour la santé des riverains.

L’assignation à comparaître signifiée le 4 août 2014 par le premier juge de Bhopal est la troisième assignation adressée à Dow par une juridiction pénale. L’entreprise américaine a été convoquée le 12 novembre 2014 pour donner les raisons de la non-comparution d’Union Carbide Corporation, filiale qu’elle détient à 100 %.

Conformément au droit indien, l’entreprise est tenue de répondre aux assignations dès lors que celles-ci lui sont dûment signifiées. Or, d’après les informations dont dispose Amnesty International, la deuxième assignation, émise en février 2014, n’a pas été dûment signifiée à Dow.

« Il est indispensable que les gouvernements indien et américain veillent à ce que, cette fois, l’assignation soit signifiée à Dow selon les formes prescrites et dans les meilleurs délais. Dans le cas contraire, Dow pourrait continuer de se soustraire à ses responsabilités à l’égard des rescapés de la catastrophe de Bhopal », a affirmé Audrey Gaughran.

« Nous écrirons aux autorités en Inde et aux États-Unis pour insister sur ce point – les formalités administratives ne doivent pas faire obstacle à la justice.  »

Depuis qu’elle a racheté Union Carbide en 2001, Dow soutient qu’elle est une entité distincte de celle-ci et qu’elle ne peut être tenue pour responsable de la catastrophe de Bhopal. Dans un courrier adressé récemment à Amnesty International, Dow a affirmé que « toute tentative d’impliquer directement [Dow] dans des poursuites judiciaires en Inde au sujet de la catastrophe de 1984 à Bhopal [était] dénuée de fondement ».

La position de Dow témoigne d’un mépris absolu pour les procédures pénales indiennes ainsi que pour le droit des rescapés de Bhopal à réclamer la justice et à bénéficier de voies de recours. Dow a également tenté de s’immiscer dans le processus judiciaire pour éviter d’être mêlée à des poursuites pénales. Dans une communication de 2005, dévoilée à la suite d’une requête déposée en Inde au titre du droit à l’information, Dow a fait pression sur l’État indien pour qu’il « adopte une position concordante, commune à l’ensemble du gouvernement, qui ne favorise pas la poursuite des procédures judiciaires engagées par l’État indien à l’encontre des entreprises non indiennes au sujet de la tragédie de Bhopal. »

Dow a également promis des investissements substantiels en Inde en vue d’obtenir l’appui de hauts responsables du gouvernement pour sa demande visant à mettre un terme à toutes les poursuites engagées contre l’entreprise dans le pays.

« La position de Dow est totalement hypocrite – ils engrangent les bénéfices d’Union Carbide mais se dérobent devant ses obligations  », a dénoncé Audrey Gaughran.

Dow n’hésite pas à se servir du droit à son profit pour défendre sa position sur Bhopal. Une filiale indienne de Dow est ainsi passée à l’offensive contre les rescapés et les militants de Bhopal. Elle a réclamé des mesures de restriction interdisant les manifestations et a tenté récemment de poursuivre des manifestants pacifiques en justice pour le manque à gagner résultant d’une manifestation organisée en 2013.

La direction de Dow s’est également servie des règles américaines relatives aux valeurs mobilières pour bloquer une résolution d’actionnaires de mai 2014 réclamant un rapport sur les incidences de la catastrophe sur les comptes, l’image et le fonctionnement de Dow.

« Depuis plus de 10 ans, Dow est autorisée à fermer les yeux sur la situation désastreuse des droits humains qui perdure à Bhopal. L’entreprise doit cesser de se soustraire à ses responsabilités vis-à-vis des rescapés. Elle doit donner suite à cette assignation et fournir les raisons de la non-comparution d’Union Carbide.  »

Complément d’information

Des poursuites pénales pour « homicide volontaire ne pouvant être assimilé à un meurtre » ont été engagées contre Union Carbide en 1984. Les chefs d’inculpation portent sur la responsabilité de l’entreprise américaine dans la fuite de gaz. Le procès contre Union Carbide se poursuit à ce jour, l’entreprise n’ayant jamais comparu devant les tribunaux indiens pour répondre des faits qui lui étaient reprochés. Outre ce procès devant une juridiction pénale, Union Carbide et Dow font l’objet de deux procédures civiles en Inde en rapport avec la fuite de gaz et la contamination du site de l’ancienne usine. L’une de ces procédures, engagée par l’État indien dans le but de réclamer des réparations supplémentaires à Union Carbide, Dow et d’autres entreprises pour les décès et les blessures causés par la fuite de gaz, sera examinée le 5 août 2014 par la Cour suprême indienne. Par ailleurs, Union Carbide fait toujours l’objet d’une procédure civile aux États-Unis en rapport avec la contamination. Le procès américain s’est soldé par un non-lieu la semaine dernière alors que les demandeurs avaient soumis de nouveaux éléments prouvant qu’Union Carbide avait supervisé la construction de l’usine de Bhopal. Les demandeurs font appel de cette décision.

Selon les termes d’un traité conclu entre l’Inde et les États-Unis pour les affaires pénales, le gouvernement indien transmettra l’assignation au gouvernement américain qui la signifiera à Dow à son siège américain, situé dans le Michigan.

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