INDE : Enfants sans protection au Jammu-et-Cachemire

Index AI : ASA 20/027/2005
ÉFAI
Mardi 26 juillet 2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

L’exécution illégale de trois adolescents et les blessures graves infligées à un quatrième garçon au cours du week-end dernier dans un village du Jammu-et-Cachemire jettent une lumière crue sur l’absence de toute protection du droit des enfants à la vie et à la sécurité dans l’État du Jammu-et-Cachemire. Les mineurs y sont exposés à la fois à des violations des droits humains de la part de représentants de l’État et à des exactions de la part de groupes armés.
Amnesty International demande instamment au gouvernement de l’État du Jammu-et-Cachemire et aux groupes armés de respecter les droits des enfants. Le gouvernement du Jammu-et-Cachemire est tenu, en vertu de ses obligations internationales, de promouvoir et protéger les droits des enfants, l’Inde ayant ratifié la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant. Les groupes armés ont l’obligation de se conformer aux normes du droit international humanitaire qui bannit strictement les actes de torture, les meurtres et prises en otage de civils quels qu’ils soient, enfants compris.
Un porte-parole de l’armée a déclaré que quatre adolescents âgés de onze à quinze ans avaient été abattus le 24 juillet 2005 à Bangargund, un village du district de Kupwara, lorsque des soldats du 6ème bataillon des Rashtriya Rifles (régiment paramilitaire placé sous le contrôle du ministère de la Défense) avaient ouvert le feu sur quatre personnes qu’ils avaient pris pour des combattants armés. Les garçons s’étaient mis à courir lorsqu’une patrouille de l’armée leur avait intimé l’ordre de s’arrêter ; ils se trouvaient dans une zone proche de la ligne de contrôle qui constitue de fait la frontière avec le Pakistan. Selon des villageois, les adolescents venus assister à un mariage étaient partis se promener dans le village tôt le dimanche matin ; les soldats auraient ouvert le feu avant que les quatre garçons aient eu le temps de réagir. Selon les informations dont nous disposons, aucun couvre-feu n’est en vigueur dans la région. Des villageois ont indiqué que les anciens du village avaient prévenu l’armée qu’un mariage était célébré et qu’il y aurait des gens dehors tard dans la nuit.
Un porte-parole de l’armée a qualifié les faits de « malheureux » et annoncé que l’armée coopérerait pleinement à l’enquête confiée à un magistrat par le Premier ministre de l’État Mufti Mohammad Sayeed. L’armée a également ordonné une enquête interne. La police a de son côté enregistré l’ouverture d’une procédure contre l’armée.
À de nombreuses reprises, des groupes armés ont perpétré des attaques sans discrimination qui ont touché des enfants. Des bombes ont explosé près des écoles, causant la mort de plusieurs enfants et faisant naître des craintes chez les parents concernant la sécurité des locaux.
Le 12 mai 2005, des combattants armés ont lancé une grenade au moment où des enfants quittaient une école missionnaire chrétienne à Srinagar, tuant deux femmes qui étaient venues chercher leurs enfants et blessant une cinquantaine de personnes, dont vingt élèves. Aucun groupe n’a revendiqué la responsabilité de cet attentat.
Le 13 juin 2005, un camion piégé a explosé près d’une école à Pulwama, tuant quinze personnes et en blessant une centaine d’autres. Le véhicule a sauté alors que des élèves révisaient leurs cours au soleil dans l’enceinte de l’école. Deux élèves figurent parmi les morts, une dizaine d’élèves parmi les blessés.
Un autre attentat à la bombe devant une école a été perpétré à Srinagar le 20 juillet 2005 ; un kamikaze a, semble-t-il, foncé sur une jeep de l’armée, tuant quatre soldats et blessant dix-sept civils. Le groupe armé cachemiri Hizb ul Mujahideen a ensuite revendiqué la responsabilité de l’attentat.
En décembre 2004, un bus scolaire avait été incendié pour empêcher les enfants de se rendre dans les écoles de l’armée, dans le district d’Anantnag.
Les enfants font aussi souvent partie des victimes lors des attaques menées sans discrimination contre des civils. Le 22 juin 2005, deux enfants se trouvaient parmi les dix-sept personnes blessées par une grenade lancée dans la foule des piétons à Gorivan Bijbehara.
Les enfants risquent aussi d’être blessés ou tués par des engins explosifs abandonnés. Le 24 juillet 2005, trois enfants âgés de six à neuf ans ont été blessés à Ajir, un village du district de Bandipore, en jouant avec un engin explosif abandonné par des soldats après une opération.
Les enfants sont profondément affectés par les exactions subies par leurs aînés, pères, mères, sœurs, humiliés, harcelés, blessés parfois tués par des responsables du maintien de l’ordre ou par des groupes armés. Un très grand nombre d’enfants ont également dû assumer une charge de travail après la « disparition » du principal soutien de famille. Le gouvernement de l’État du Jammu-et-Cachemire a cité devant l’Assemblée législative, en juin 2003, le chiffre de 3 184 personnes « disparues ». Selon les militants locaux de défense des droits humains, entre 8 000 et 10 000 personnes auraient « disparu » au Jammu-et-Cachemire. Des psychologues ont parlé de fortes perturbations, se manifestant notamment par des troubles du sommeil et des peurs, chez les enfants du Jammu-et-Cachemire.

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