Les recommandations couvrent toute une gamme de sujets essentiels, notamment la protection des minorités et des groupes menacées, la lutte contre les violences liées au genre, le respect des libertés de la société civile, la protection des défenseur·e·s des droits humains et la fin de la torture en détention.
Ces groupes sont la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), la Commission de la condition de la femme, le Réseau international de solidarité avec les Dalits, Amnesty International et Human Rights Watch.
Tous les États membres des Nations unies participent à l’Examen périodique universel (EPU), qui évalue leur bilan sur le terrain des droits humains, et propose des mesures visant à améliorer la situation de ces droits sur leur territoire. Dans son rapport [5] soumis aux Nations unies en amont de l’EPU, le gouvernement indien a affirmé qu’« il est déterminé à promouvoir et protéger les droits humains ». Cependant, lors de cycles précédents de l’EPU, l’Inde a fait fi de recommandations importantes, notamment concernant la lutte contre les violences croissantes à l’égard des minorités religieuses, l’obligation pour les forces de sécurité de rendre des comptes, et la protection de la liberté d’expression et de la liberté de réunion pacifique.
Durant l’examen périodique, le quatrième pour l’Inde, 130 États membres ont émis 339 recommandations mettant en relief certains des motifs de préoccupation les plus pressants en matière de droits humains dans le pays.
Depuis son dernier examen, en 2017 [6], l’Inde a connu une grave régression sur le terrain des droits humains [7] sous le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi, qui est dominé par le Parti du peuple indien Bharatiya Janata (BJP), une formation nationaliste hindoue. Le gouvernement a renforcé sa répression visant les institutions indépendantes et démocratiques, et invoque des lois draconiennes relatives à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité nationale afin de poursuivre en justice et harceler des militant·e·s des droits humains, des journalistes, des étudiant·e·s, des critiques du gouvernement et des manifestant·e·s pacifiques. Les agressions, les discriminations et les incitations contre les minorités religieuses sont en hausse. Les dalits (opprimés) et les adivasis (aborigènes), marginalisés de longue date, sont privés de justice et d’une protection équitable.
Au moins 21 pays ont exhorté l’Inde à améliorer la protection de la liberté de religion et des droits des minorités religieuses ; plusieurs ont fait état d’inquiétudes au sujet de la montée de la violence et des discours de haine, ainsi que de l’adoption par le gouvernement de politiques discriminatoires telles que les lois « anticonversion ».
Depuis que le BJP de Narendra Modi est arrivé au pouvoir en 2014, il a introduit diverses mesures législatives et autres afin de rendre légale la discrimination contre les minorités religieuses, en particulier les musulmans, et a favorisé une conception violente du statut majoritaire des Hindous.
Le gouvernement a adopté en décembre 2019 une loi de citoyenneté [8] introduisant des discriminations à l’égard des musulman·e·s, en basant pour la première fois la citoyenneté sur la religion. En août 2019, le gouvernement a révoqué l’autonomie constitutionnelle [9] accordée au seul État majoritairement musulman, l’État de Jammu-et-Cachemire, et continue à restreindre la liberté d’expression [10], la liberté de réunion pacifique et d’autres droits fondamentaux dans la région. Depuis octobre 2018, les autorités indiennes ont expulsé au moins 13 réfugié·e·s rohingyas musulmans vers le Myanmar [11] en dépit des risques pour leur vie et leur sécurité.
Des États de l’Inde ont invoqué des lois contre l’abattage des bovins [12] afin de poursuivre en justice des marchands de bétail musulmans, alors même que des groupes affiliés au BJP agressent des musulmans et des dalits sur la base de rumeurs selon lesquelles ils ont tué ou vendu des vaches dans le cadre du commerce de la viande de bœuf. Au moins 10 États indiens interdisent les conversions religieuses forcées, mais utilisent la loi de manière abusive afin de s’en prendre aux Chrétiens [13]. Les États mettent également ces lois en œuvre afin de harceler et d’arrêter des hommes musulmans [14] en couple avec des femmes hindoues. Tout au long de l’année 2022, les autorités de plusieurs États dirigés par le BJP ont détruit des logements et des biens personnels de musulmans, sans autorisation légale [15] ni aucun respect de la légalité, sanctions collectives ou punitions sommaires contre les musulmans qu’ils tiennent pour responsables des violences lors d’affrontements entre les communautés.
Vingt pays ont déclaré que l’Inde doit améliorer la protection de la liberté d’expression et de réunion, et créer un environnement propice au travail des groupes de la société civile, des défenseur·e·s des droits humains et des médias. Certains de ces pays ont exprimé leur préoccupation face à l’utilisation de la Loi relative à la prévention des activités illégales - censée combattre le terrorisme -, contre des militant·e·s, des journalistes et des membres des minorités religieuses. Au fil des années, des groupes de défense des droits et plusieurs experts des droits humains aux Nations unies [16] se sont inquiétés de l’utilisation faite de cette loi, qui est largement critiquée car elle ne respecte pas les normes internationales relatives aux droits humains, afin d’arrêter des militant·e·s et d’autres personnes pour avoir exercé leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Un certain nombre de pays ont fait état de leurs préoccupations face à la Loi relative à la réglementation des contributions étrangères, texte censé réglementer les financements étrangers versés aux organisations non gouvernementales, et ont demandé au gouvernement de réviser ou modifier cette loi afin de la mettre en conformité avec les normes internationales en matière de droits humains.
Les autorités indiennes ont invoqué cette loi afin de bloquer les financements étrangers de milliers de groupes de la société civile [17], en particulier celles qui travaillent sur les droits humains ou les droits des communautés vulnérables. Plusieurs organes des Nations unies ont souligné que cette loi est utilisée afin de réduire l’opposition au silence. En octobre 2020, Michelle Bachelet [18], alors haut-commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que cette loi est « en fait utilisée pour dissuader ou punir des ONG pour leur travail d’information et de défense des droits de l’homme, que les autorités perçoivent comme étant critiques par essence ».
Dix-neuf pays ont estimé que l’Inde doit ratifier la Convention des Nations unies contre la torture, un traité signé en 1997 mais jamais ratifié. L’Inde a déclaré lors des cycles d’EPU de 2012 et 2017 qu’elle restait déterminée à ratifier le traité. Mais elle n’a pris aucune mesure afin de respecter cet engagement, alors même que la police et d’autres forces de sécurité continuent à employer systématiquement la torture et d’autres formes de mauvais traitements [19] afin d’obtenir des informations ou d’arracher des aveux.
Certains pays ont aussi exhorté l’Inde à combattre les discriminations fondées sur la caste ; à renforcer les efforts visant à réduire la pauvreté ; à améliorer l’accès aux soins, à de l’eau potable et à des installations sanitaires, et proposer une éducation gratuite et de qualité à tous les enfants ; à garantir un environnement propre, sain et durable ; et à renforcer les dispositions de protection pour les enfants, les femmes et les personnes handicapées.
Le gouvernement indien a déclaré [20] que l’« EPU est un mécanisme important que l’Inde soutient pleinement » et qu’« en sa qualité de plus grande démocratie du monde, l’Inde est attachée aux normes les plus strictes en matière de droits humains ».
Le gouvernement indien doit effectuer un suivi concernant les inquiétudes exprimées par d’autres États membres dans le cadre de l’EPU, qui sont largement partagées par les groupes de défense des droits et plusieurs organes des Nations unies, et prendre des mesures immédiates afin de rectifier la trajectoire et protéger les droits et la dignité de tous et de toutes, ont déclaré les groupes.