Inde : Il est temps de mettre un terme à la loterie de la mort qu’est le système d’application de la peine capitale

(New Delhi) – Le système d’application de la peine de mort en Inde fonctionne de manière gravement viciée, ont déclaré à New Delhi ce vendredi 2 mai les auteurs de la première grande étude menée sur les jugements rendus dans les affaires où l’accusé encourait la peine capitale. La seule solution consiste à abolir totalement ce châtiment, ont-ils ajouté.
Amnesty International estime qu’au moins 140 personnes ont été condamnées à mort en 2006 et 2007. Au 31 décembre 2005, il y avait 273 condamnés à mort dans le pays, selon les dernières données officielles disponibles, mais ce chiffre est vraisemblablement bien plus élevé aujourd’hui.

Le sort final de ces prisonniers est une véritable loterie. Les auteurs de la première analyse systématique menée sur des dossiers de peine de mort ont examiné quelque 700 décisions rendues par la Cour suprême indienne sur une période de plus de cinquante ans. Ils lèvent le voile sur un système judiciaire qui bafoue la législation et les normes internationales relatives à la peine capitale.

Intitulée Lethal Lottery : The Death Penalty in India, A study of Supreme Court judgments in death penalty cases 1950-2006, l’étude est publiée par Amnesty International Inde et la branche du Tamil Nadu et du territoire de Pondichéry de l’Union populaire pour les libertés publiques (PUCL).
Ce travail, le premier du genre, met en lumière le caractère fondamentalement inéquitable du système d’application de la peine de mort en Inde. L’analyse des décisions rendues par la Cour suprême dans les affaires où l’accusé encourait la peine capitale a en effet mis en évidence des violations du droit et de la procédure, ainsi que des anomalies et des éléments arbitraires à tous les stades de la procédure.

– enquête, procès en première instance, détermination de la peine, procès en appel. L’étude montre que :

• à l’inverse de ce que l’on affirme dans le pays, la peine de mort n’est pas uniquement prononcée dans des cas « extrêmement rares »

• il existe au contraire de nombreux éléments montrant que la peine de mort est utilisée contre les accusés de manière arbitraire, hasardeuse et abusive.


« La peine de mort continue d’être appliquée en Inde et il existe un risque qu’elle frappe de manière disproportionnée les minorités ethniques, les pauvres et les autres catégories défavorisées de la population
, a déclaré le président de la PUCL pour le Tamil Nadu et le territoire de Pondichéry, V. Suresh. Il n’y a qu’une manière d’éviter ces inégalités dans l’administration de la justice : abolir totalement la peine de mort. »

Amnesty International se réjouit que l’Inde ne procède pas pour le moment à des exécutions. L’arrêt presque total des exécutions depuis dix ans – une personne a été mise à mort en 2004 – témoigne de la volonté des Indiens de renoncer à la peine capitale.
« L’Inde se trouve à la croisée des chemins. Elle peut faire le choix de se rallier à la tendance mondiale en faveur d’un moratoire sur la peine capitale (un tel moratoire a été adopté l’an dernier par l’Assemblée générale des Nations unies) et rejoindre ainsi les 27 pays de la région Asie et Océanie qui ont aboli la peine de mort dans la législation ou en pratique.
« Ou bien elle peut continuer à pendre des personnes qui ont été condamnées à mort par un système de justice qui n’est pas équitable, comme le montre cette étude approfondie
 », a déclaré Mukul Sharma, le directeur d’Amnesty International Inde.

Veuillez noter que :

la version intégrale du rapport (en anglais) est consultable sur la page http://www.amnesty.org/en/report/info/ASA20/007/2008. Un résumé en langue anglaise du texte est mis en ligne sur http://www.amnesty.org/en/report/info/ASA20/006/2008.

Complément d’information

L’étude des décisions de justice met en évidence un certain nombre de graves défaillances, notamment les suivantes.
Erreurs au stade de l’examen de la preuve – la plupart des condamnations à mort sont prononcées sur la seule base de preuves indirectes. Dans une décision rendue en 1994, la Cour suprême relevait non sans ironie que la mémoire du principal témoin n’avait cessé de s’améliorer. On avait constaté que sa déposition lors du procès, trois ans après les faits, avait été bien plus détaillée que les déclarations recueillies quelques jours après.
Défaillances de l’assistance juridique – l’étude relève notamment des cas où l’avocat est passé à côté d’éléments essentiels relatifs à l’inaptitude mentale, n’a pas présenté d’argument sur la détermination de la peine ou n’a pas tenté de convaincre la Cour que l’accusé était mineur au moment des faits, malgré la présence d’éléments en ce sens.
Législation antiterroriste – le rapport fait état notamment de préoccupations concernant la définition très large des « actes terroristes », l’insuffisance des garanties au moment de l’arrestation et la possibilité de retenir comme élément de preuve des aveux recueillis par des policiers.
Condamnations arbitraires – des formations différentes de la Cour suprême siégeant le même mois ont traité différemment des affaires similaires, prenant en compte des circonstances atténuantes dans un cas et pas dans l’autre.
Dans l’affaire Bachan Singh, jugée en 1980, la Cour suprême a estimé que la peine capitale ne devait être prononcée que dans des cas « extrêmement rares ». Plus d’un quart de siècle plus tard, on constate que les tribunaux et les autorités n’appliquent pas de manière cohérente les dispositions établies par la loi et par cette jurisprudence. La restriction imposée par la Cour suprême n’est pas respectée.
Ce sont 135 pays qui, prenant acte du fait que les exécutions sont inacceptables, ont à ce jour aboli la peine de mort, en droit ou en pratique. Seuls 24 pays ont procédé à des exécutions en 2007. La Chine, l’Iran, l’Arabie saoudite, le Pakistan et les États-Unis sont responsables à eux cinq de 88 p. cent de toutes les exécutions recensées. Veuillez vous reporter à la page http://www.amnesty.org/fr/death-penalty pour plus d’information.

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