INDE : Il faut faire cesser les commentaires haineux sur les violences au Gujarat

Index AI : ASA 20/019/02

Amnesty International trouve alarmants les propos incendiaires tenus à plusieurs reprises par le président international en exercice du Vishwa Hindu Parishad (VHP, Conseil hindou mondial – organisation nationaliste hindou), Ashok Singhal, concernant les violences exercées en début d’année contre la population musulmane du Gujarat, qui ont fait plus de 2 000 morts. L’organisation de défense des droits humains craint pour la sécurité de milliers de personnes vulnérables, si ces propos venaient à déclencher de nouvelles violences.

Ashok Singhal aurait déclaré, le 11 octobre 2002, que " ce qui s’est passé au Gujarat se passera dans le pays tout entier ". Le 3 septembre, il aurait qualifié les massacres récemment perpétrés au Gujarat d’ " expérience réussie, qui sera répétée dans tout le pays ".

La promotion de la haine entre différents groupes pour des raisons religieuses est une infraction prévue par le Code pénal indien. Amnesty International demande aux autorités compétentes de signifier clairement qu’un tel comportement ne sera plus toléré. Une enquête visant à établir les responsabilités d’Ashok Singhal, de par ses déclarations, doit être ouverte de toute urgence et une action appropriée, pouvant éventuellement déboucher sur des poursuites, doit être engagée en fonction des résultats de cette enquête. Amnesty International a écrit le 16 septembre dernier aux autorités indiennes concernées, pour attirer leur attention sur les déclarations faites par Ashok Singhal le 3 septembre, mais, à sa connaissance, aucune enquête n’a pour l’instant été ouverte sur cette affaire.

La Commission nationale des droits humains a souligné la nécessité d’agir avec fermeté contre les provocations verbales susceptibles de déclencher des tensions et des violences entre communautés. Dans son Ordonnance finale sur le Gujarat en date du 31 mai 2002, la Commission nationale des droits humains indiquait qu’elle " avait insisté pour que ces [déclarations] soient examinées et sanctionnées, à charge à ces personnes de se disculper en expliquant leurs propos ou en se rétractant ".

Nombreux sont ceux qui estiment que les déclarations provocatrices de responsables du VHP et d’élus de l’État du Gujarat, au lendemain du massacre de 59 passagers d’un train, de confession hindoue, à Godhra, en février 2002, ont été interprétées par certains, sympathisants du VHP ou autres, comme un appel à la violence. Un appel à la violence qui aurait été suivi, puisque qu’une vague de massacres a ensuite déferlé sur cet État.

Contexte
La législation indienne accorde une protection réelle des droits des minorités, sur l’ensemble du territoire de l’État du Gujarat et de l’Union. Le Code pénal indien dispose que des poursuites judiciaires doivent être engagées en cas de " provocation gratuite, avec intention de susciter une émeute " (article 153), de " promotion de la haine entre différents groupes pour des raisons religieuses " (article 153A), d’ " imputations ou assertions préjudiciables à l’intégration nationale " (article 153B), de " propos tenus avec l’intention délibérée de porter atteinte à la sensibilité religieuse d’une personne quelconque " (article 298), de " déclarations conduisant à la discorde publique " (article 505(1) b et c), et de " déclarations suscitant ou encourageant l’inimitié, la haine ou la mauvaise volonté entre les classes " (article 505(2)). L’article 108 du Code de procédure pénale autorise en outre un magistrat exécutif à intenter une action en justice contre toute personne violant l’article 153A ou 153B du Code pénal. Amnesty International estime que les déclarations d’Ashok Singhal, telles qu’elles ont été rapportées, pourraient constituer une infraction au Code pénal indien.

Les Lignes directrices pour la promotion de l’harmonie entre communautés, publiées en octobre 1997 par le ministère des Affaires intérieures, soulignent qu’il est de la responsabilité de l’appareil d’État de sanctionner les déclarations potentiellement incendiaires faites dans un contexte de tensions entre communautés. La ligne directrice 15 dispose que " les autorités de district doivent faire preuve d’une volonté réelle d’aboutir dans la gestion de ce genre de situations, pour éviter que ne soient commis des actes regrettables. Les dispositions contenues dans les articles 153A, 153B, 295 à 298 et 505 du Code pénal, ainsi que celles du droit en général, doivent être utilisées sans restriction pour lutter contre les individus qui font la promotion de la haine entre communautés. "

L’article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par l’Inde en 1979, dispose que " tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi. "

Selon des articles parus dans la presse, Ashok Singhal aurait déclaré, lors d’une allocution prononcée le 3 septembre 2002, à l’occasion d’une cérémonie au temple Shivala Bhaian d’Amritsar : " Les événements de Godhra se sont produits le 27 février et le lendemain, 50 lakh (500 000) hindous étaient dans la rue. Nous avons essayé d’éveiller la conscience hindoue et nous avons réussi et cette expérience va maintenant être répétée dans tout le pays. " Il aurait également parlé de la manière dont des villages entiers avaient été " vidés de l’islam " et dont des communautés musulmanes entières avaient été envoyées dans des camps de réfugiés, présentant ces faits comme " une victoire pour la société hindoue ". Un journal national a annoncé un peu plus tard que le même Ashok Singhal avait déclaré, lors d’une conférence de presse organisée le 11 octobre : " Ce qui s’est passé au Gujarat se passera dans le pays tout entier. Les hindous ne sont pas faits pour être coupés comme des carottes ou des radis. " Il aurait également affirmé que " l’hindukaran (la conscience hindoue) des gens du Gujarat était la conséquence directe de l’esprit de "djihad" des musulmans. "

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