Inde. La mort de sept manifestants en Andhra Pradesh ravive les craintes d’un recours excessif à la force par les policiers

Déclaration publique

ASA 20/016/2007

Amnesty International s’inquiète d’un certain nombre d’informations faisant état d’un recours excessif et inutile à la force par des policiers le 28 juillet 2007 dans le village de Modugonda, dans le district de Khammam, en Andhra Pradesh. Une manifestation rassemblant des paysans, des militants de partis politiques et d’autres personnes y avait été organisée pour protester contre les propositions de distribution des terres faites au niveau local.

Selon les informations dont nous disposons, la police aurait ouvert le feu sur les manifestants, faisant sept morts, la septième personne a succombé à ses blessures le lendemain de la manifestation. Au mois douze personnes auraient été blessées par balles lorsque les policiers ont chargé à coups de lathi (longue matraque en bambou).

Bien que les évènements ayant conduit à cet enchaînement d’évènements demeurent contestés, il semble que les violences aient éclaté après qu’un militant du Parti communiste indien (marxiste), co-organisateur avec le Parti communiste indien de cette manifestation, ait été pris pour cible et battu par la police.

Selon certaines informations, moins d’une dizaine de personnes sur une foule de 500 personnes environ auraient répliqué par des jets de pierres et un haut fonctionnaire de police présent sur les lieux aurait alors ouvert le feu. D’autres coups de feu auraient été tirés par des membres d’une unité spéciale entraînée pour lutter contre les activités des naxalites – membres de groupes armés de gauche – opérant dans l’État.

Selon les éléments d’informations dont dispose Amnesty International, il semble qu’aucune sommation n’ait été faite avant que la police n’ouvre le feu sur la foule. Les photographies prises sur place montrent des victimes blessées par balles à l’abdomen, au niveau de la taille et à la tête. Les autorités d’Andhra Pradesh nient toutefois les allégations selon lesquelles les membres de l’unité spéciale auraient tiré sur les manifestants avec des fusils d’assaut AK-47.

Amnesty International rappelle aux autorités d’Andhra Pradesh qu’elles ont l’obligation, au regard du droit international, de respecter le droit à la vie en toutes circonstances. Dans ce contexte, les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois fournissent un cadre très précis sur le recours à la force appliqué au contrôle des foules. L’article 5 des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois établit clairement que lorsque l’usage légitime de la force ou des armes à feu est inévitable, les responsables de l’application des lois :

a) En useront avec modération et leur action sera proportionnelle à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre ;
b) S’efforceront de ne causer que le minimum de dommages et d’atteintes à l’intégrité physique et de respecter et de préserver la vie humaine.

Amnesty International craint que l’action de la police lors de cette manifestation n’ait violé ces principes, en même temps que le droit à la vie des victimes. Selon l’organisation, tout porte à croire que l’action des manifestants ne justifiait pas une réplique de cette ampleur ; au moins 70 rafales auraient été tirées sur la foule. L’emploi de fusils d’assaut AK-47 est considéré par l’organisation comme particulièrement inadapté au maintien de l’ordre lors de manifestations de ce genre.

Amnesty International salue la décision d’ouverture d’une enquête judiciaire prise par le Chief Minister (Premier ministre de l’État) d’Andhra Pradesh le 29 juillet 2007 ; le ministre de l’Intérieur de l’État a déclaré que « si des policiers étaient reconnus coupables, des mesures seraient prises » ; quatre officiers de police impliqués dans les évènements auraient été suspendus de leurs fonctions ou transférés en attendant les résultats de l’enquête. L’organisation a également pris note de la demande de rapport détaillé sur les circonstances qui ont conduit la police à ouvrir le feu sur des manifestants, présentée par la Commission des droits humains de l’État d’Andhra Pradesh.

L’organisation considère cependant que, pour que l’enquête donne des résultats et remette en cause la culture d’impunité associée à l’action de la police en Andhra Pradesh et ailleurs en Inde, les points suivants devront être respectés :

  L’enquête devra être totalement impartiale, indépendante et approfondie.
  Les paramètres de l’enquête devront être clairement définis dans les meilleurs délais.
  L’enquête devra déterminer si la décision de recours à la force a été prise par les policiers en conformité avec le droit national et les normes internationales, notamment les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu et le Code de conduite pour les responsables de l’application des lois.
  Les policiers ayant fait un usage excessif de la force devront faire l’objet de poursuites pénales dans les meilleurs délais.

Amnesty International considère en outre que :

Les règles actuelles régissant le recours à la force et l’usage des armes à feu par des policiers lors de rassemblements en Inde ne sont pas conformes aux normes internationales et doivent être révisées de toute urgence. Selon l’organisation, elles doivent être modifiées pour être pleinement conformes aux Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois. Pour être plus précis, le gouvernement devrait veiller à ce que ces règles ou tout autre règlement n’autorisent qu’un recours minimum à la force et exiger que les auteurs de toute action se traduisant par la perte de vies humaines aient à rendre compte de leurs actes.

Complément d’information

Selon certaines informations, le Parti du Congrès actuellement au pouvoir en Andhra Pradesh aurait donné son accord pour l’attribution de terrains aux catégories pauvres de la population urbaine et de terres cultivables aux paysans sans terre de l’État. Des partis politiques de gauche – notamment le CPI, Parti communiste indien et le CPI-M, Parti communiste indien marxiste – étaient en négociations avec les autorités de l’État sur cette question.

Il semblerait que l’appel lancé en faveur d’une intensification des manifestations ait bénéficié d’un nouvel élan après le refus, par le gouvernement de l’État, de mettre en place une commission d’enquête indépendante – disposant de pouvoirs quasi judiciaires pour traiter de la question de la réforme des droits fonciers. En lieu et place, le gouvernement proposait la nomination d’un commissaire spécial aux questions foncières.

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